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On a passé 4 jours de festival dédié aux cultures pornographiques

Loin de la vision mainstream et réductrice des salons de l’érotisme, les cultures pornographiques peuvent compter sur trois festivals en France : Explicit depuis deux ans à Montpellier, What the Fuck? Fest***! nouvellement créé à Paris et OnlyPorn à Lyon, qui fêtait sa 5ème année ce week-end au Lavoir Public.

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Face au retour d’une morale bien-pensante et liberticide, le festival marque une nouvelle fois l’importance de ces espaces-temps dédiés aux sexualités multiples, riches, non normées et éminemment politiques.

Si vous l’avez manqué, voici notre retour sur cette édition.

Justine Pluvinage-Fucking in love
Justine Pluvinage-Fucking in love

Jour #1 : « Une armée d’amant(e)s ne peut pas perdre »

Pour introduire cette cinquième édition, c’est un extrait du Queer Nation manifesto qui est lu par une Fifi du Calvaire instituée en « esclave de cérémonie » pour l’occasion.

« Une armée d’amant(e)s ne peut pas perdre » : appelant à la lutte queer, le texte est un manifeste militant et radical distribué en 1990 à la Gay Pride de New York.

Et ensuite à OnlyPorn c’est comme à Lumière, les organisateurs, performeurs-ses et le public déclarent ensemble « l’édition 2016 du festival OnlyPorn ouverte ».

Brazil Carnival – Antonio Da Silva

La première partie de soirée est consacrée à la projection d’une séries de courts-métrages de l’univers porn de l’année 2016, sélectionnée par Julien Ribeiro, co-fondateur d’OnlyPorn.

On y voit notamment deux films réjouissants avec des foufounes qui chantent, le dernier court d’Antonio Da Silva, Brazil Carinal, ou encore le très esthétique Drone Boning de Taggart et Rosewood survolant des corps dans les champs.

On continue avec le long-métrage documentaire Fucking in Love de Justine Pluvinage, carnet de voyage de la réalisatrice à New-York partie pour « baiser et filmer ». Caméra à la main, elle filme les moments de rencontres et d’intimité, du coup d’un soir comme de l’amour de deux mois.

L’artiste revendique une position résolument féminisme : une femme qui assume ses multiples relations sexuelles, dans un objet qu’elle rend public, et donc politique.

Pour autant l’aspect féministe va plus loin encore : c’est la question du contrat posé par une femme à un homme qui est exposée ici, ainsi que l’action de choisir et de maitriser son image et celle des hommes filmés.

FUCKING IN LOVE – TEASER from justine pluvinage on Vimeo.

 

Jour #2 : corps à cordes

L’univers du shibari est habituellement occupé par une combinaison homme-attacheur et femme-attachée, s’inscrivant dans des rapports normés de domination.

C’est justement pour transgresser ces codes et proposer un rapport à l’autre différent que Flozif étudie les cordes depuis 5 ans. Invitée par Wendy Delorme, elle livre une performance forte et poétique, imprégnant intensément chaque geste et chaque regard de délicatesse et de recueillement.

Empreinte, crédit Camille Sauvayre

Flozif, co-organisatrice du festival What the Fuck? Fest***! et fondatrice des Playnight, poursuit sa carte blanche par une sélection de films courts représentant uniquement des femmes, lesbiennes et queergender, et explorant une facette de la féminité, radicale et revendiquée. Les corps représentés défient les codes : jeunes, vieux, gros, maigres, avec ou sans poils, et les pratiques sont multiples.

Citons par exemple Toyboy avec un lapdance version chaussette de foot, le magnifique Thérèse(s) et Simone(s) d’Adam M, autour de corps vieillissants dans un dialogue reconstitué entre Simone de Beauvoir et Thérèse Clerc, ou encore Bonne Bourre, réalisé et interprété par Flozif elle-même, ou comment une femme aussi peut prendre brutalement une deuxième par derrière dans les chiottes d’un bar.

La soirée s’est poursuivie aux Feuillants avec une première lyonnaise de La nuit des Vins Nus parisienne. Bourgogne « à ligoter », c’était la rencontre entre poésie, cordes et vins naturels. La performance de shibari était assurée par Hwajae Yong et Kara.

Plus traditionnelle, technique et froide dans sa forme, elle nous a cependant permis de voir le Père Noel ligoté.

Jour #3 : « the porn night »

On a fait l’impasse sur l’initiation au bondage et sur le vide-grenier fetish de l’après-midi. On a filé directement au Transbordeur, pour The Porn Night, forme augmentée pour l’occasion de la Arm Aber Sexy. Entre Live et DJ-set, on a pu voir encore une autre interprétation du shibari, loin des normes du milieu, avec Satomi dans une performance d’auto-ligotage et suspension, suivi d’un corps à corps sensuel et encré… avec un poulpe géant.

Satomi

Lukas Zpira, le fondateur du body hacktivisme, s’est quant à lui produit à 3h. Des problèmes de son et une forme mal adaptée au timing de la soirée nous ont cependant empêchés de l’apprécier correctement.

Jour #4 : « Je suis une putain d’alchimiste »

Lukas Zpira revenait pour un moment d’échange en toute décontraction. L’occasion d’évoquer les multiples facettes de son travail (écriture, peinture, photo…) ainsi que ses influences (de Spinoza à Ghost in the Shell en passant par… Batman) ou encore de causer technique, censure et transhumanisme.

Un fluide conducteur se distillait dans cette soirée de clôture :

Tout d’abord avec une série de shorts films très thématiques proposés par Marianne Chargois, travailleuse du sexe et co-organistrice des festivals Explicit et What the Fuck? Fest***!. Dans un hommage à Duchamp, Golden Fountain de Miguel Andrés montre un homme-fontaine, sur talons hauts perché et d’or recouvert.

Golden Fountain – Miguel Andres

Vital Signs de Gala Vanting explore la connexion intime et extatique qui se crée à travers le blood bonding. La série se termine par Scum, du collectif espagnol AberturaVaginal, film délicieusement punk, post-technologique et anti-répression policière, à travers une déconstruction trash, dissidente et éjaculatoire du corps féminin.

Dans sa puissante performance Golden Flux, basée sur son expérience de travailleuse du sexe dominatrice, Marianne Chargois offre une réflexion sur le cycle de transformation de fluides dépréciés (urine, salive), en or. Le client absorbe l’urine, le client paie pour l’urine, l’urine se transforme en argent :

« Je suis une putain d’alchimiste ! »

Golden Flux – Marianne Chargois

Il ne manquait plus qu’un fluide à cette soirée, le sperme ! Rassurons-nous, c’est le sujet de la première chanson de l’Auto Porn Box de Mathieu Jedrazak. Chanteur lyrique et performeur, il nous entraine dans un show débridé, transgressif et touchant ou comment interpréter un opéra de Verdi avec un gode dans le cul.

Après cette perf, pour nous c’est une bière, un slow et au lit. À l’année prochaine.


#Cinéma

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Photo : SP/Rue89Lyon

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