L’exercice de style n’est pas simple. Comment montrer que l’on vient mettre de l’ordre dans un domaine où ses désirs vont à l’encontre du droit et où l’on n’a donc que peu de pouvoir d’action ? Réponse : en montrant une grosse étoile de sherif mais en masquant le fait que l’on n’a pas vraiment de pistolet à la ceinture. Il faut bien le reconnaître, Laurent Wauquiez est bon dans le rôle.
Le far-west dans lequel le numéro 2 du parti Les Républicains veut faire régner l’ordre et la paix est celui des marchés publics où il s’est fixé comme objectif d’atteindre « 90% d’entreprises locales » pour réaliser les chantiers financés et/ou gérés par la Région. Il l’a annoncé ce lundi lors d’une visite du chantier d’un nouveau laboratoire, à l’École Centrale à Écully, entouré de représentants des organisations du BTP.
Laurent Wauquiez en avait fait une de ses principales promesses de campagne et n’a du coup pas annoncé grand chose de neuf. Il souhaite ainsi instaurer des clauses dans les marchés publics pour :
- favoriser les entreprises qui prennent des apprentis dans la région,
- favoriser les entreprises qui limitent le recours à la sous-traitance,
- faire valoir des critères de qualité et de réactivité pour ne pas seulement privilégier l’option la moins-disante
- choisir uniquement des entreprises locales pour les marchés de moins de 25 000 euros.
« Ruser avec le code des marchés publics »
Utiliser les clauses sociales ou environnementales pour favoriser l’emploi local, ce n’est pas une nouveauté et cela permet en général de jouer à la marge. D’autres ont eu des idées similaires, comme le candidat socialiste malheureux aux régionales dans le Nord-Pas de Calais, Pierre de Saintignon qui proposait d’aller plus loin et d’instaurer une clause sur le poids carbone des travailleurs.
Si ses employés viennent de l’étranger, l’entreprise se trouve alors moins bien positionnée qu’une structure locale. Mais Laurent Wauquiez veut montrer malgré tout qu’il est précurseur et en fait donc des « clauses locales ».
« On ruse avec le code des marchés publics, on l’assume. »
Car insérer une clause géographique instaurant une « préférence locale » pour l’attribution d’un marché serait pour l’heure illégale, discriminante au regard de la liberté d’accès à la commande publique. Quand bien même le commanditaire en est le maître d’œuvrage serait commettre un délit de favoritisme. Et lui l’assure :
« Ce qu’on fait, c’est béton au niveau juridique. »
Il ne peut donc pas faire grand chose de plus. Pour la « préférence locale » systématique pour les marchés de moins de 25 000 euros, Laurent Wauquiez ne prend pas beaucoup de risque. Les contraintes juridiques en la matière sont faibles :
« L’organisme public a pour seule obligation de choisir une offre pertinente, de faire une bonne utilisation des deniers publics et de ne pas contracter systématiquement avec un même fournisseur lorsqu’il y a plusieurs offres susceptibles de répondre à son besoin. »
Pour ces montants, relativement faibles, il s’agira sans doute de marchés de fournitures plutôt que de grands chantiers de BTP. Pour peser réellement, encore faut-il être à la manœuvre dans l’écriture des conditions d’attribution du marché et donc en être maître d’ouvrage.
Selon Laurent Wauquiez, la Région investit 400 millions d’euros en maîtrise d’ouvrage et 900 millions d’euros induits dans ses participations aux financements de projets. Il n’aurait donc la main que sur un tiers de ses investissements. Mais pour les autres, il veut faire plier ses partenaires.
« S’ils veulent notre argent, ils devront respecter nos règles. Par exemple, la Région finance avec la Métropole de Lyon la Cité de la Gastronomie. Si elle veut notre argent, elle devra respecter nos règles du code des marchés publics. »
Gérard Collomb, président PS du Grand Lyon, à l’oeuvre pour ce projet, est prévenu. Laurent Wauquiez a assuré que ce serait le même topo pour le projet d’autoroute A45 entre Lyon et Saint-Étienne. Même s’il a reconnu que négocier en ces termes avec l’État pour son financement serait beaucoup plus coton.
Laurent Wauquiez à la chasse aux « mercenaires »
Le président de Région n’a pas choisi ce moment par hasard pour évoquer de nouveau sa promesse de campagne. Le résultat du référendum en Grande-Bretagne relative à son rapport à l’Union Européenne ou les récentes sorties de Manuel Valls sur la question des travailleurs détachés redonnent un peu de souffle aux discours protectionnistes.
Pas de meilleure occasion pour tenir un discours sur le mode sécuritaire :
« Les travailleurs détachés, c’est devenu la jungle. Je ne veux aucun travailleur détaché sur nos chantiers, aucun mercenaire, » a déclaré Laurent Wauquiez.
Il veut des « entreprises aux racines locales et régionales ». À ceux tentés d’y voir des propos au mieux protectionnistes, au pire identitaires, il répond :
« Si tout le monde ne parle pas la langue française, on ne peut pas travailler en sécurité. »
Mais comment parvenir à surveiller tous les chantiers que finance la Région et protéger les entreprises locales, notamment du BTP, du « plombier polonais » ?
« Les équipes de la Région viendront contrôler les chantiers. Nous ferons également des contrôles systématiques des offres anormalement basses. »
Laurent Wauquiez veut donc faire la police sur les chantiers et mettre son nez dans les entreprises dont les offres lui paraissent suspectes, soit jouer au policier. Sauf qu’il n’en a pas les pouvoirs. Les forces de police, l’Inspection du travail ou encore l’URSSAF sont seules habilitées à venir contrôler un chantier pour lutter notamment contre le travail illégal.
Pourquoi alors ne pas travailler main dans la main avec ces services ?
« Il faut arrêter de se défausser, de dire que c’est aux autres de faire ou de contrôler », a déclaré Laurent Wauquiez qui entend donc le faire lui-même.
Et s’il parvient à débusquer le moindre loup, la sanction pour l’entreprise locale tombera :
« Je ne veux aucun travailleur détaché, c’est la contrepartie que je demande au secteur du BTP. Si une entreprise ruse, qu’elle ne pense pas répondre à nouveau à un appel d’offres de la Région. »
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