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France – Islande : Samuel Umtiti ou la revanche des gentils

La rumeur a enflé toute la semaine, avant de devenir une information. Pour pallier la suspension d’Adil Rami, Didier Deschamps a décidé d’aligner Samuel Umtiti face à l’Islande. Le vice-capitaine de l’OL va donc étrenner son maillot bleu (qui pourrait être blanc pour l’occasion) au cours d’un quart de finale de l’Euro 2016, en France de surcroît. Une bonne nouvelle ?

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France – Islande : Samuel Umtiti ou la revanche des gentils

L’an dernier, qui était le joueur le plus titré du PSG ? Ibrahimovic ? Non, Maxwell. Si vous avez pensé au Suédois, ce n’est pas de votre faute. Bruyant, charismatique, parfois agressif et méprisant, il est la caricature du footballeur qui fait vendre. Alors que Maxwell, lui, c’est un gentil. De ceux qu’on oublie, comme Samuel Umtiti.

Le voilà pris dans le tourbillon de l’Euro dans la peau d’un titulaire. L’anecdote est savoureuse si l’on songe au nombre de concurrents qu’il a écartés de son chemin cette saison. Il est parti de très loin. La communication de l’équipe de France a d’ailleurs mis l’accent sur sa relation, excellente apparemment, avec Eliaquim Mangala, dernier prétendant en date.

L’image d’une gentille concurrence entre deux tels compétiteurs détonne. Pourtant, « gentil » c’est un qualificatif qui colle bien à Umtiti. Un trait de caractère qui a pu ralentir sa carrière, mais qui l’a mené là où il est. Petit à petit, gentiment.

Le gentil Samuel Umtiti © LM/Rue89Lyon

Le bon, la brute et la Coupe de la Ligue

Samedi 14 avril 2012. Umtiti a 19 ans et trois mois de foot pro dans les pattes. Le coach Rémi Garde l’a sorti de son chapeau « centre de formation » alors qu’on attendait plutôt ses ainés, Sébastien Faure ou Thomas Fontaine.

Pour un joueur si précoce, il arrive étonnamment sans réputation. Une rareté quand on sait que les très jeunes Benzia, Benzema ou Ben Arfa ont tous débuté précédés d’une double mention « talentueux et caractériel ». Lui non.

On le dit effacé, presque timide et surtout gentil. On dit même de lui « c’est un gentil garçon » comme s’il avait un manque de talent à justifier par une autre qualité.

Qu’importe, le jeune lyonnais réalise des débuts prometteurs, au point d’être titularisé face à l’OM, en finale de Coupe de la Ligue. Une première cruelle : après un 0-0 indigents, il fait face à Brandao, entré en jeu à la 98ème minute, et perd son duel.

La défaite 1-0 ne lui est pas imputée. Elle retombe sur Rémi Garde, coupable d’avoir fait confiance à un joueur « jeune, trop tendre, trop gentil. » Au contraire de l’avisé coach marseillais, un certain Didier Deschamps.

La malédiction est en marche.

 

Un gentil missile contre Tottenham

14 février 2013. Umtiti s’est taillé peu à peu une place dans le collectif lyonnais. A tout juste 20 ans, il dispute ses premières joutes européennes. Et déjà, beaucoup doutent de sa capacité à s’élever jusqu’au niveau requis.

Comme il est trop gentil pour jouer dans l’axe, son poste de prédilection, on lui confie le poste de latéral gauche, qui nécessite moins de méchanceté. L’OL est éliminé par ce diable de Gareth Bale mais laisse pour l’Histoire un but stratosphérique signé Sam Umtiti.

En fin de course sur son couloir gauche, reprenant un ballon mal dégagée, il imprime une trajectoire Roberto-Carlesque à son ballon. La volée surpuissante se loge dans la lucarne opposée, sans provoquer la moindre réaction du gardien Brad Friedel.

Si cette frappe avait été l’oeuvre d’un bad boy tapageur, nulle doute qu’on en entendrait encore parler. Le ciseau de Rooney a vécu. La bicylette d’Ibra aussi. La volée d’Umtiti, en revanche, a un peu disparu des mémoires.

Et comme il est gentil, il n’en a jamais reparlé pour ne pas vous embêter.

Une pique pas très gentille de Deschamps

28 octobre 2015. Interrogé en conférence de presse sur la sélection éventuelle de Samuel Umtiti, le sélectionneur Didier Deschamps se montre chambreur, presque méprisant envers le natif de Yaoundé. En cause, ses mauvaises performances présumées en Ligue des Champions.

Il est vrai que Lyon sort d’une campagne calamiteuse, qui lui a valu d’être éliminé, en tant que quatrième et dernier du groupe H. Et s’il est vrai que de nombreux lyonnais ont sombré, à l’image de Lacazette, le naufrage n’est pas aussi péremptoire qu’il semble être. Trois lyonnais ont tiré l’équipe vers le haut, sans compter Grenier de retour pour l’unique victoire face à Valence (2-0).

Anthony Lopes, le gardien, s’est distingué par quelques parades de haut vol et quelques coups de gueule mémorables à l’égard de ses partenaires. Christophe Jallet, très offensif sur son côté droit a montré une véritable autorité pour créer des brèches et replacer ses lignes. Sam Umtiti, de son côté, a simplement fait son travail. Gentiment.

Associé au désastre collectif, le gaucher ne montre nulle véhémence à l’égard de son sélectionneur. Il continue à bosser, tranquillement. Comme s’il savait que son heure finirait par venir. Seul son coach, Hubert Fournier, prend la peine de contester publiquement en affichant toute la confiance qu’il porte à son défenseur.


Bleus – Fournier : « Umtiti peut encore faire… par Omnisport-fr

Le gentil karma finit par tourner

Mai 2016. L’Euro en France est imminent. Umtiti a dépassé les 150 matchs pro, dont 23 en coupes d’Europe, depuis un certains temps. Sous la houlette de Bruno Génésio, il est devenu vice-capitaine de l’OL devant Clément Grenier et Alexandre Lacazette. Des joueurs plus bruyants que lui qui se sont inclinés sans bruit face à sa gentillesse.

Pour autant, le sélectionneur Didier Deschamps ne veut toujours pas de lui, et il faut compter avec les forfaits successifs de Mamadou Sakho (soupçon de dopage) et Kurt Zouma (blessure) pour voir figurer le gone dans la liste des joueurs réservistes.

S’ensuit un cruel ascenseur émotionnel : Raphaël Varane se blesse le 22 mai, ce qui signifie la sélection d’Umtiti, son remplaçant naturel en réserve. Manqué, Deschamps lui préfère Adil Rami, qui ne figure pourtant pas dans la liste des réservistes. Adil Rami, qui n’a pourtant pas manqué de tacler son sélectionneur en apprenant sa non-sélection.

Le coup est dur pour Umtiti, pourtant sa réponse est d’une désarmante gentillesse :

« C’était une déception quand j’ai vu que le sélectionneur choisissait un autre joueur. Si j’avais été content, il aurait fallu se poser des questions. Le coach m’a donné ses arguments. Je me devais de les accepter. Sur le coup, c’était assez dur. Mais je suis rapidement passé à autre chose.

Honnêtement, je n’ai rien montré du tout. J’ai déjà la chance d’être ici. Je ne devais pas montrer mes états d’âme. J’ai réussi à le faire. « 

La chance est sur le point de tourner. le 28 mai, c’est au tour de Jérémy Mathieu de renoncer à l’Euro pour blessure. cette fois, un nouveau gaucher est indispensable. C’est l’heure d’Umtiti. Il intègre la liste in-extremis quand ses coéquipiers Alexandre Lacazette ou Nabil Fékir ont échoué au pied de l’obstacle. Il a sans doutes eu un mot gentil pour chacun d’eux, d’ailleurs.

Recruté par le gentil Barça

Pas question pour autant de fanfaronner. Un 4ème défenseur central, gaucher de surcroît, a peu de chance de disputer la moindre minute dans un Euro. D’ailleurs, il n’entre pas en jeu lors du dernier match de poule, pourtant (presque) sans enjeu face à la Suisse. Tous les joueurs louent son travail à l’entraînement, sa sérénité et sa gentillesse. La gentillesse que l’on attend des « coiffeurs », comprenez les joueurs qui ne joueront pas mais doivent peser dans la dynamique de groupe pour galvaniser les titulaires.

En 8ème de finale, face à l’Irlande, Adil Rami écope d’un second carton jaune qui le suspend d’office pour le prochain match. Son remplaçant naturel, Eliaquim Mangala, ne rassure pas les observateurs. Il ne manque pourtant pas de qualités précieuses pour un défenseur : la combativité, l’agressivité, une forme de dureté (méchanceté ?) dans les duels.

C’est alors que Didier Deschamps, souvent raillé pour son pragmatisme aussi prévisible que peu romantique, laisse filtrer la rumeur d’un bouleversement. Umtiti, l’homme gentil, aurait finit par le convaincre. La rumeur devient information au fil des entraînements de la semaine. Jean-Michel Aulas, jamais avare d’enthousiasme quand il s’agit de ses joueurs, en profite pour lâcher un serpent de mer. Samuel Umtiti devrait signer au Barça au cours de l’été :

« Nous avons fait la promesse à Sam que s’il avait la possibilité de signer dans le club de son cœur et que nous arrivions à trouver un accord avec ce club, alors nous lui donnerions un bon de sortie. Cela fait partie des engagements du club. J’entrouvre la porte comme je l’avais fait à l’époque pour Karim Benzema avec le Real Madrid. On est dans une discussion, mais il n’y a rien de fait (…)

On espère que Sam poursuivra l’aventure avec l’équipe de France le plus longtemps possible dans cet Euro et ensuite on sera amené à se voir. Je l’ai vu samedi à l’entraînement à Lyon. Il n’y a rien de fait, mais si les trois parties arrivent à un accord, alors il est possible que Sam puisse nous quitte. Il a mon engagement de pouvoir le faire. »

Il n’en faut pas plus pour propulser le défenseur lyonnais sur le devant de la scène. Dès le lendemain, l’affaire est signée pour un montant estimé à 25 millions d’euros. Et même Gérard Collomb, le maire de Lyon, sans doutes marqué par la gentillesse du garçon, lui adresse officiellement ses encouragements.

Les observateurs notent d’ailleurs à quel point il a, humainement, un profil Barça-compatible. Comprenez discret, travailleur, gentil.

Le club catalan compte quelques grands méchants présumés (Suarez, Busquets) mais aligne essentiellement des génies aux airs de types normaux (Iniesta, Xavi il y a peu).

Le moment de faire ses preuves contre les gentils Islandais

Cette gentillesse martelée comme une litanie ironique, relève bien sûr du storytelling, comprenez d’une narration construite dans le but de convaincre et de faire vendre.

Des types comme Thiago Motta ou Eric Cantona en son temps sont souvent considérés comme des types gentils par leurs ex coéquipiers. De même, il arrive sans doutes à Umtiti d’être méchant hors caméras.

Il n’empêche, le voir titulaire pour affronter les Islandais, petits poucets de l’Euro donc forcément les plus gentils joueurs du monde (demandez donc aux Anglais), c’est le genre d’histoire trop belle pour avoir pu être scénarisée à l’avance.

Gageons que, après avoir fait preuve d’autant de maturité et de patience, Samuel Umtiti pourrait bien être l’un des artisans de l’élimination de l’Islande par la France. L’histoire serait belle. Et ce serait, n’en doutons pas, une élimination sans méchanceté.


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