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En soutenant l’autoroute A45, Laurent Wauquiez énerve jusque dans son propre camp

Depuis son élection à la tête d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez est devenu le nouvel homme fort des Républicains à Lyon et dans la région. Jusqu’à ce que ses points de vue sur la politique locale finissent par énerver dans ses propres rangs.

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L'autoroute A7 au niveau de la Confluence à Lyon ©Thomas Francillard/Rue89Lyon

Sa proposition de faire participer la Région à hauteur de 100 millions d’euros au financement de l’A45 a soulevé une fronde des élus concernés par le tracé. Une mobilisation menée par le député Les Républicains, Georges Fenech.

Georges Fenech, député Les Républicains de la 11e circonscription du Rhône et poids lourd de la droite à Lyon. © Pierre Maier/Rue89Lyon
Georges Fenech, député Les Républicains de la 11e circonscription du Rhône et poids lourd de la droite à Lyon. © Pierre Maier/Rue89Lyon

De la veille pour le lendemain, Georges Fenech, le député de la 11ème circonscription du Rhône, a convoqué la presse à Lyon samedi dernier. C’est qu’il y a urgence. Jeudi prochain, la question de la participation de la Région au financement de l’autoroute A45 est à l’ordre du jour du débat d’orientation budgétaire.

Or, dans un courrier du 4 mars au maire de Saint-Etienne, le président d’Auvergne-Rhône-Alpes se dit prêt à participer à hauteur de 100 millions d’euros. Sachant la Loire et Saint-Etienne fortement endettés, Laurent Wauquiez écrit notamment :

«Je ne voudrais pas que l’A45, projet essentiel pour votre territoire, échoue à cause des difficultés financières de Saint-Étienne Métropole. »


Laurent Wauquiez, « un ami politique »

Ce samedi, au club de la presse de Lyon, Georges Fenech a tenu à préciser que cette conférence de presse n’avait pas « pour but de s’en prendre à qui que ce soit » et que « Laurent Wauquiez est un ami politique ».

Le chef de file des écologistes à la Région, Jean-Charles Kohlhass, siégeait à la tribune, pour bien insister sur une question « qui dépasse les clivages politiques ». Il n’empêche.

L’organisation d’une conférence de presse avait pour but d’envoyer un double message. Et de marquer les esprits.

D’une part, sur la forme, Georges Fenech « aurait apprécié qu’il y ait un dialogue avant que ces annonces ne soient faites ».

D’autre part, sur le fond, le député du Rhône et les autres élus opposés à l’A45 regroupés au sein de l’Alcaly (association de 110 communes) ont réaffirmé leur opposition totale à un projet d’A45. Les mots sont solennels :

« Après les erreurs historiques du tunnel sous Fourvière et du contournement Est, ne rajoutons pas une erreur historique, l’A45 ».

Certains diront que ces élus de droite se réveillent tardivement. Catherine Di Folco, sénatrice du Rhône et Georges Fenech ont « fortement soutenu » Laurent Wauquiez pendant la récente campagne électorale. Ce dernier a même tenu le rôle de « monsieur sécurité » de la campagne électorale passée. Ils n’ont donc pas pu passer à côté de cette promesse de campagne faite en terre stéphanoise : la participation au financement de la nouvelle autoroute.

Mais comme on l’a vu avec les portiques de sécurité dans les lycées, au-delà de la promesse électorale, le financement régional de l’A45 semble avoir été lancé sans véritable considération des enjeux locaux.

Maurice Fisch, co-président de l’association intercommunale Sauvegarde des Coteaux du Lyonnais (SCL), milite contre l’A45. Il pointe un problème de concertation :

« Depuis un an, on essaye d’avoir un rendez-vous avec Laurent Wauquiez. Idem pour les élus d’Alcaly. Ils ont beau « être copains politiques », ils ne s’entendent pas sur l’A45 ».

Une autoroute à 1,2 milliard d’euros

Pour fluidifier le débat à l’intérieur des Républicains, petit rappel des données du problème.

L’idée de créer une nouvelle autoroute pour désengorger l’A47 entre Lyon et Saint-Étienne date d’au moins 1993. Elle irait de La Fouillouse (au nord de Saint-Étienne) à Brignais (au sud de Lyon).

Tracé de l'autoroute A45 ©Capture écran Alcaly
Tracé de l’autoroute A45 ©Capture écran Alcaly

Cette A45 a certes été déclarée d’utilité publique en juillet 2008 par décret, le « Rapport Duron » de juin 2013 du ministère des transports ne tranche pas de manière définitive. Au contraire, le rapport expose (page 58) :

« [La commission Mobilité 21] considère qu’il importe de poursuivre les efforts déjà engagés pour le renforcement indispensable de l’offre ferroviaire. Pour les déplacements par la route, la solution ne pourra, le cas échéant, être décidée sous la forme du projet A45 qu’après s’être assuré de manière contradictoire qu’il n’existe pas d’alternative effective à un coût raisonnable. Une poursuite des études est indispensable. »

Mais en campagne dans la Loire, Nicolas Sarkozy comme François Hollande ont promis l’A45 aux Ligériens.

Résultat, un appel d’offre par le ministère des Transports est lancé. Pour être fructueux, cet appel d’offre est conditionné aux subventions publiques à trouver pour équilibrer le budget de 1,2 milliards d’euros.

Après plusieurs mois de discussion, voici la répartition des 844 millions de financement public (une infographie de France 3).

Infographie France 3 Rhônes-Alpes| Create infographics

Aucune collectivité du Rhône ne veut mettre un centime. Dans un courrier de juillet 2015 aux présidents de Saint-Étienne Métropole et du Conseil départemental de la Loire, le président (Les Républicains) du conseil départemental du Rhône, Christophe Guilloteau se montrait défavorable à l’A45 :

« Il s’agit d’un projet ancien et dépassé qui ne correspond plus à l’ambition légitime que vous portez pour votre territoire ».

Quant au maire de Lyon et président (PS) de la Métropole, Gérard Collomb, il déclarait qu’il s’agit d’« un projet impossible à financer ».

Accélération sur la nouvelle autoroute A45

Problème pour les défenseurs de l’A45, l’appel d’offre lancé par l’Etat arrive à échéance le 22 avril prochain.

C’est dans ce contexte d’urgence administrative que Laurent Wauquiez a donc décidé de faire voter les 100 millions que pourraient se partager le conseil départemental de la Loire et la communauté urbaine de Saint-Étienne.

Côté « pour l’A45 », le patronat s’y est mis.

Voyant que les collectivités de la Loire ne s’engageaient pas fermement, les patrons lyonnais et stéphanois ont donné de la voix sur le sujet, lors d’une conférence de presse le 10 mars. Les présidents des chambres de commerce et d’industrie (CCI) ainsi que ceux du Medef et de la CGMPE ont redit «  l’importance et l’urgence de la construction de l’A45 pour le développement économique de la région ».
Leurs arguments :

  • « Cette infrastructure représente un chantier de 1,2 milliard d’euros, 5 années de travail et 1 700 emplois »
  • « Elle est la seule alternative à l’actuelle A47 dont les embouteillages sont évalués à 500 millions d’euros de perte par an »
  • L’A45 est « prioritaire pour le territoire stéphanois » qu’il s’agirait de désenclaver

Côté « opposition à l’A45 », c’est l’association intercommunale Sauvegarde des Coteaux du Lyonnais, en partenariat avec ses « jumelles » Sauvegarde des Coteaux du Jarez et Sauvegarde du Pays Rhône-Gier qui maillent le territoire sur le sujet depuis plus de 20 ans. Ils travaillent « main dans la main » avec les élus de l’Alcaly.

Leurs arguments :

  • Un coût prohibitif : 1,2 milliard d’euros dont 844 millions d’argent public
  • L’A45 ne va pas régler les embouteillages à l’arrivée sud de Lyon. La nouvelle autoroute devant déboucher sur la voie rapide de Brignais (A450), cela va créer un engorgement. Il faudrait ajouter 45 minutes au 35 minutes annoncées par les partisans de l’A45 pour rejoindre Lyon de Saint-Etienne
  • Avec une A45 payante, les poids lourds se retrouveront tous sur l’A47 gratuite. C’est « 30% de gaz à effet de serre en plus »
  • « 500 hectares » de terres agricoles ou espaces naturels seront détruits

Les adversaires de l’A45 mettent en avant deux solutions aux problèmes actuels de l’A47 :

  • La « Requalification de l’A47 », avec notamment la création d’un terre-plein central et d’une bande d’arrêt d’urgence. Le coût est estimé à 240 millions par des études du département du Rhône et des services de l’équipement de la Loire.
  • L’amélioration de la ligne de train Lyon/Saint-Etienne pour en faire un « vrai RER ». En augmentant notamment le nombre de trains et le nombre de voyageurs par train.

Laurent Wauquiez, programmé pour renoncer

L'autoroute A7 au niveau de la Confluence à Lyon ©Thomas Francillard/Rue89Lyon
L’autoroute A7 au niveau de la Confluence à Lyon ©Thomas Francillard/Rue89Lyon

Regroupés autour de Georges Fenech, ces élus demandent le retrait de la participation financière de la région mise à l’ordre du jour du débat d’orientation budgétaire. A la place, ils souhaitent le lancement des études sur les solutions alternatives, comme le préconise le rapport Duron.

Alors que Laurent Wauquiez veut faire des économies, il propose un investissement de 100 millions d’euros en dehors de toute compétence obligatoire.

Par conséquent, s’il ne veut pas se dédire et ouvrir une vraie fracture au sein des Républicains, le président de la Région a une porte de sortie : lancer ces études sur les « solutions alternatives » à l’A45.


#A45

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