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Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Le « modèle lyonnais » des fidèles d’Alain Soral

Encore une fois, Lyon se distingue en matière d’extrême droite. Le site d’information Streetpress vient de rendre publique une série de documents internes à Egalité et Réconciliation, le mouvement d’Alain Soral qui se définit lui-même comme « national-socialiste ». On apprend que Lyon est une section « modèle ».

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La photo d'Alain Soral utilisée pour son compte Twitter.

Les documents internes consultés ou mis en ligne par le site Streetpress, sous le nom de « Soral leaks », donnent une idée de l’activité militante locale qui ne se limite pas à faire circuler les vidéos d’Alain Soral.


1. Une cinquantaine de militants à Lyon

Egalité et Réconciliation (E&R) est un mouvement très hiérarchisé, avec Alain Soral qui trône au sommet de la pyramide. Tout doit passer par lui.
StreetPress met en ligne le « Guide du militant E&R » qui a pour sous-titre « La discipline, ciment essentiel de notre association » :

« Il n’y a rien de plus contre-productif que donner l’image d’une association anarcho-bordelique ».

Les « antennes locales » sont « sous l’autorité » des « bureaux régionaux » qui eux-mêmes doivent demander « validation au niveau national ».

En Rhône-Alpes, Lyon domine les sections de Isère, Savoie, Haute-Savoie et Drôme, toutes récemment créées en 2014.

Comme le note Streepress, Egalité et Réconciliation a compté des sections jusque dans 29 villes et dans 27 départements. Mais le succès est inégal.

Lyon fait partie des plus grosses sections. Mais les chiffres restent modestes : 45 militants se sont ainsi réunis le 26 septembre (une dizaine d’entre eux étaient excusés) dans son local lors d’une réunion mensuelle, selon le compte-rendu de la soirée.

A titre de comparaison, sur le plan national, Egalité et Réconciliation compte précisément 4 231 personnes qui ont adhéré via Internet pour l’année 2014/2015.


2. « Exportation du modèle lyonnais »

Cette volonté de développer des sections partout en France s’appuie sur l’expérience de la section lyonnaise. C’est l’un des responsables de la section qui a été chargé d’un « projet d’harmonisation des structures et de la formation des cadres ».

Dans un document qui porte ce titre, l’un des responsables se vante des « bons résultats » obtenus à Lyon qui lui donne toute « légitimité » pour mener ce projet. Il évoque « l’exportation du modèle lyonnais » :

« Si l’application de la référence rhône-alpine (sic) choisie peut sous-entendre certaines adaptations formelles ou structurelles selon un contexte précis, l’essence même de son fonctionnement devra être respectée car nous devons nous unir autour d’un noyau conséquent de normes de gestion ».

3. Un local à Lyon en toute « discrétion et sécurité »

La réussite de ce « modèle lyonnais » semble faire des envieux aussi sur un plan financier. Dans un compte-rendu de réunion, le responsable de la section marseillaise évalue à 10 000 euros l’argent dont disposent ses camarades de Lyon. Ils peuvent se permettre de louer un local pour 1 750 euros par trimestre depuis la fin de l’année 2013.

Dans un compte-rendu de réunion de décembre 2013, un responsable de la section Rhône-Alpes explique que ce local répond aux exigences de sécurité, à savoir :

« – immeuble de bureau dans lequel nous jouissons d’une totale discrétion, pas de voisin donc. Le bâtiment est désert en soirée.
– digicode + 3 portes fermant à clé avant de parvenir au local.
– aucune fenêtre ne donne sur la rue.
– quartier non résidentiel constitué de bâtiments administratifs, d’entrepôts et de nombreuses structures militaires.
– quartier calme avec très peu de passage situé loin des territoires hostiles (sic).
– agence de sécurité au rez-de-chaussée. »

D’où vient cet argent ? Essentiellement des associations-écrans et du bureau national.


4. La vie communautaire des soraliens

Les notes internes auxquelles StreetPress a eu accès rendent compte de l’activité des sections entre 2013 et 2015.

Et ça ne se limite pas à la politique : potager partagé, soirée plancha, café littéraire, formation cueillette, sorties randonnées, initiation à la plomberie.

A Lyon particulièrement, on trouve « des séances mensuelles centrées sur le thème du couple et de la famille débouchant sur des productions concrètes (sic) » proposées aux adhérents (voir le compte rendu de réunion du 26 septembre 2014).

L’association propose même un « service médical » :

« Notre toubib peut délivrer conseils ou effectuer des consultations (avec ordonnance ou pas selon les besoins) », écrit le responsable local dans son compte-rendu.

L’objectif est de construire « des ramifications dans la société civile », comme l’explique un document destiné à la formation des militants au chapitre « Entrisme et métapolitique » :

« Il est fortement encouragé d’intégrer des structures associatives, syndicales, sportives, communautaires et d’y véhiculer les messages du mouvement ».

Cette stratégie « métapolitique » est également le crédo d’autres mouvements d’extrême droite, à commencer par les militants identitaires.


5. Les associations écrans de la galaxie E&R

Comme d’autres mouvements radicaux, Egalité et Réconciliation dispose d’associations-écrans pour avancer masqué et mieux faire passer ses idées. Dans le tutoriel que StreetPress met en ligne, il est ainsi demandé de déposer en préfecture des « associations-écrans » afin de passer inaperçus pour mieux pouvoir louer un local ou, ponctuellement, réserver une salle pour une conférence.

A Lyon, on connaissait déjà cette technique puisque c’est l’un des faux-nez des soraliens lyonnais « Racines et Saveurs » qui avait loué la salle du 5e arrondissement où Alain Soral devait initialement donner sa conférence « Les Juifs et les autres » en mai 2014.

Suite à la révélation du lieu par des militants antifas sur le site Rebellyon, la conférence avait dû migrer à Meyzieu, comme on l’avait appris le lendemain.

Un plan de secours avait donc été prévu en suivant les conseils du « tutoriel ». C’est la technique dit du « hareng fumé » :

« Les noms des membres du bureau seront connus des services de polices, de la mairie et des antifas toujours prêts à la délation sur des sites type fafwatch. Pas de panique ! En bon tacticien vous avez déjà anticipé ce genre d’éventualité et avez sous la main une ou plusieurs associations dormantes prévues à cet effet.

Vous pouvez même pousser cette logique jusqu’à totalement sectoriser vos activités en ayant par exemple, une association dédiée aux conférences (certainement le type d’assos dont il faudra prévoir le plus de doublons), une pour vos achats groupés ou votre AMAP, une pour louer un local, une pour les activités sportives, etc… Dans certains cas, même une association «tracée» peut avoir un rôle à jouer. La technique du hareng fumé consiste à s’en servir pour aiguiller les antifas (au hasard…) vers une fausse adresse et vous permettre de préparer votre événement sans crainte d’être repéré ».

Et pour mieux « enfumer » les autorités et les antifas, les Soraliens de la Drôme ont ainsi déposé « Le Cercle Drômois », déclaré à la sous-préfecture de Die en 2014 tandis que les Lyonnais ont choisi également « Les serviteurs de Saint-Michel ».

Monter des associations permet aussi de multiplier des initiatives pour « lever des fonds de manière moins exposée ». Parmi les exemples cités : « les Amap », « une buvette pour la fête de la musique » ou « vendre du muguet pour le 1er mai ».


6. Free fight

C’est une constante de l’extrême droite radicale, l’exaltation de la virilité et des sports de combat. A Lyon, les identitaires ont nommé leur club de boxe « Lugdunum Torgnole ». Les militants d’Egalité et Réconciliation organisent des cours de Yoseikan Budo et de Free Fight System. Ils ont lieu le samedi matin, nous apprend Streetpress.

Capture d'écran d'une des vidéos d'Alain Soral où il se met en scène lors d'une démonstration de boxe française.
Capture d’écran d’une des vidéos d’Alain Soral où il se met en scène lors d’une démonstration de boxe française.


7. D’abord la ré-information

L’activité militante d’E&R n’est pas seulement tournée vers l’organisation de conférences. Elle consiste surtout à nourrir le site Internet de la section locale, à la manière d’un site de presse. Ce que l’on nomme de la « ré-information » dans le jargon de l’extrême droite.
Les activités de veille d’info, l’écriture d’articles ou la vidéo sont le quotidien de ces militants.

A Lyon, précise Streetpress, la section locale peut compter sur la présence du webmaster en chef de toute la galaxie E&R. Stéphane Condillac (de son pseudo) est aussi le responsable de la « cellule Wikipédia » dont l’objectif est de modifier certains textes de l’encyclopédie.

Précisons que tous les militants agissent sous pseudo. C’est même une obligation, sous peine d’exclusion.

De la même manière, sur les réseaux sociaux, les membres d’E&R ne doivent pas s’afficher comme tel, comme il est rappelé dans un compte-rendu de réunion de février 2014 :

« Nous rappelons que l’activité militante estampillée E&R sur les réseaux sociaux, Facebook ou autres, est désormais rigoureusement interdite.
Notre efficacité dépend de notre discrétion. Si tout le monde est clairement fiché et identifié par tous nos ennemis, nous ne pourrons plus rien organiser. »

En matière de vidéo, Rhône-Alpes est bien pourvue avec trois monteurs, un ingé son, un présentateur et un « référent juridique » :

« Nous disposons donc maintenant du personnel et du matériel suffisant pour développer une activité de qualité », écrit l’auteur dans une note mise en ligne par Streepress.


8. Un ex-élu communiste de Saint-Priest proche de Soral ?

Dans un compte-rendu de réunion mis en ligne par Streetpress, un responsable lyonnais d’Egalité et Réconciliation annonce qu’un conseiller municipal PCF de Saint-Priest a offert en décembre 2013 son écharpe d’élu à Alain Soral. Celui-ci en fait d’ailleurs mention dans une de ses vidéos, en parlant « d’une écharpe envoyée par un maire communiste de la région Rhône-Alpes » :

L’élu de Saint-Priest aurait remis son écharpe après avoir fait venir dans la MJC de la ville Farida Belghoul, connue pour avoir organisé des « journées sans école » contre la soit-disant « théorie du genre ».

Voici le bilan qu’en a tiré le responsable de section dans le compte-rendu :

« Organisée en milieu hostile par Le verbe populaire, assoce de quartier avec qui nous sommes en contact officieux pour transmission en douce de nos valeurs (l’association en question a cessé ses activités en décembre 2014, ndlr). Leurs représentants nous sont favorables, l’un d’entre eux, élu communiste, nous a remis son écharpe tricolore afin de l’envoyer au prez. Ils manquent d’organisation et d’expérience mais semblent déterminés ».

Contacté par Rue89Lyon, l’élu en question affirme avoir tourné la page de la politique en ne se représentant pas aux dernières municipales. S’il nie avoir remis son écharpe tricolore à Alain Soral, il reconnaît être passé par Egalité et Réconciliation pour entrer en contact avec Farida Belghoul. Mais il précise que c’était au sujet des « 30 ans de la Marche des beurs » et non au titre de son action contre la « théorie du genre ».


9. Un cinq étoiles pour la venue de Soral à Lyon

Quand Lyon accueille le grand chef, il faut que ça brille. Pour sa fameuse conférence intitulée « Les Juifs et les autres » qui s’est finalement tenue le 26 mai 2014, Alain Soral a insisté pour passer la nuit dans un cinq étoiles. Et il les connaît : « soit le Royal, soit la Cour des loges », écrit-il.

Alain Soral a donc dormi une nuit au Royal, place Bellecour, dans une suite de 40m2, à proximité de son garde du corps logé dans une chambre standard. La note a affiché 459 euros.

C’est la société Dreamwell qui a payé, révèle Streepress. Cette société de Frédéric Chatillon, intime du clan Le Pen, organise les déplacements d’Alain Soral.

Historiquement, l’agglomération lyonnaise a été la première destination politique d’Alain Soral. Comme le rappellent les journalistes Robin d’Angelo et Mathieu Molard de Streetpress dans leur livre « Le système Soral », le leader d’Egalité et réconciliation avait accompagné Bruno Gollnisch à Vénissieux sur les terres d’élection du nationaliste Yvan Benedetti.

C’était en mars 2007 en pleine campagne présidentielle. Deux mois après, Alain Soral déposait les statuts d’Egalité et Réconciliation. A cette époque, Soral comme Benedetti faisaient partie du FN.


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