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Amandine Henry : « Jouer au foot avec les gars, ça forge le caractère »

Portrait / 26 ans, 8 titres de champion, 4 coupes nationales, 2 Ligues des Champions, un ballon d’argent pour récompenser le 2ème meilleur joueur de la Coupe du Monde et une place dans le top 3 du classement du Ballon d’Or manquée d’un cheveu. Lionel Messi ? Non, Amandine Henry. Joueuse qui vient aussi de remporter le trophée des Lions d’Or 2015.

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Amandine Henry : « Jouer au foot avec les gars, ça forge le caractère »

Il est un paradigme en politique que l’on peut appliquer au sport : on a tendance à appeler les hommes par leur nom de famille et les femmes par leur prénom. Pour Amandine Henry, ça ne change pas grand chose. D’abord, parce qu’elle ne partage aucun lien avec son illustre homonyme Thierry. Ensuite, parce qu’à 26 ans elle n’a déjà plus grand chose à lui envier sur la planète football. En somme, elle s’est fait un prénom depuis longtemps.

Nommée dans la liste des 10 finalistes pour le Ballon d’Or, Amandine Henry est l’une des plus grandes joueuses mondiales en activité.

« Les proches, c’est 90% des bons choix dans une carrière »

La milieu de terrain naît en 1989 et grandit dans le Nord. Elle débute le football à 5 ans, sans se douter qu’une carrière -aussi glorieuse que semée d’embûches- l’attend.

« J’avais un cousin au centre de formation du LOSC. On était pas mal foot dans la famille. Ma mère a essayé de m’inscrire à la gym, mais ça n’a pas collé. J’ai joué dans des équipes mixtes jusqu’à 12 ou 13 ans. Ça forge le caractère de jouer avec les gars. Au début ils ne te prennent pas au sérieux, puis quand tu as fais tes preuves tu as un statut privilégié. »

Sa première véritable équipe féminine, c’est à Clairefontaine qu’Amandine Henry la rejoint. Auprès de l’élite nationale de son âge. A l’époque, elle rentre jouer tous les week-ends dans son club d’Hénin-Baumont. En 2007, elle porte le brassard de capitaine de l’équipe de France lors du championnat d’Europe U19. Elle rejoint la crême de la crème française en matière de foot féminin : l’Olympique Lyonnais. Mais parce que la vie fait parfois preuve d’ironie, elle connaît subitement son premier coup d’arrêt.

« J’ai dû subir une greffe de cartilage au genou en février 2008. Lors du premier rendez-vous, le chirurgien m’annonce que ça n’a jamais été fait sur un sportif de haut niveau et que je risque de ne plus jamais jouer. Il m’a fallu 1 an et demi d’arrêt pour revenir sur les terrains. Je n’ai plus jamais pu jouer à 100%, je me suis adaptée. »

Elle ne cache pas avoir songé à arrêter à l’époque, et en profite pour replacer le rôle d’un entourage :

« Les proches, ça fait toute la différence, c’est 90% des bons choix dans une carrière, ça peut être la différence entre quelqu’un qui perce ou non. Je ne remercierai jamais assez mon entourage. »

Et en effet, elle ne cesse de les remercier. Il faut dire que le soutien de ses proches l’a menée au sommet : lors du mondial 2015, Amandine Henry a été élu ballon d’argent, soit la deuxème meilleure joueuse de la compétition.

« A vrai dire je l’ai appris à la télé allemande alors que j’étais en vacances en Espagne. Mon copain est venu me le dire. Je lui ai répondu « tais-toi, t’en sais rien, tu parles pas un mot d’Allemand ». Je n’y croyais pas vraiment, perturbée par le décalage horaire peut-être… »

Amandine Henry n’arrive pas à se féliciter, à peine consciente d’avoir un palmarès que ne peut contester aucun joueur de ligue 1 à ce jour (bon, peut-être Maxwell, mais c’est vraiment le seul).

« L’ambiance grande famille OL »

Amandine Henry est née le 28 septembre 1989, soit 5 ans jour pour jour après un certain Mathieu Valbuena. Le meneur de jeu de l’OL masculin était entendu vendredi 20 novembre dans l’affaire de tentative de chantage dont il a été victime. Une affaire privée qui impacte forcément sa carrière sportive. Dès lors, difficile de résister à l’envie de lancer Amandine Henry sur la question :

« Je ne l’ai pas croisé récemment. C’est du privé, il préfère garder ça pour lui. Ce n’est simple à vivre pour personne une affaire pareille. Si ça arrivait chez les filles ? Ça passerait mal aussi, bien sûr, mais ce serait moins médiatisé. »

En des jours moins sombres, Amandine aime côtoyer les garçons du club :

« On se croise, on mange ensemble au self, avec les gens de la billetterie, de la boutique. C’est l’ambiance grande famille OL. Ça crée des rapports positifs entre les gens. »

Au sein de la « grande famille » OL, le capitaine de l’équipe masculine, Maxime Gonalons, est née la même année qu’Amandine Henry, en 1989. ©LM/Rue89Lyon

Des « rapports positifs » entre les personnes, malgré des écarts de rémunération abyssaux. Amandine Henry ne veut pas se formaliser :

« Les garçons, ils n’y sont pour rien dans ce qu’ils touchent. Ils rapportent beaucoup donc ils gagnent beaucoup. Tant mieux. On espère qu’un jour les filles gagnent davantage aussi. On n’est pas envieuses. Ces écarts existent aussi dans la vie active lambda, et nous on se sent privilégiées par rapport à ceux qui sont dans la vie active lambda. »

4 000 euros mensuels en moyenne pour les filles

Même dans le tennis, où la rémunération est sans doute la plus équitable tous sports confondus, les femmes restent moins payées que les hommes. L’explication est simple : s’ils sont presque égaux sur le terrain de la médiatisation, l’écart entre hommes et femmes se creuse par le sponsoring. L’ image publicitaire des hommes rapporte, encore aujourd’hui, beaucoup plus.

A l’OL , comme au PSG depuis l’arrivée des investisseurs Qataris, c’est le club pro masculin qui a financé le développement d’une section féminine. En s’appuyant sur les infrastructures existantes (Les filles de l’OL s’entraînent à la plaine des jeux, près de Tola Vologe) et sur un investissement conséquent, la section féminine est devenue professionnelle.

Le budget du club oscille entre 3 et 5 millions d’euros (contre moins de 300 000 euros pour un club amateur) et les salaires s’élèvent en moyenne dans les 4 000 euros mensuels. En France, l’OL a montré la voie pour rivaliser avec des pays historiques du Football féminin, l’Allemagne en tête de liste.

Mais contrairement au tennis, le football ne sera jamais un sport susceptible d’être pratiqué en équipe mixte :

« En pré-saison on joue contre les jeunes, les U16 (joueurs de moins de 16 ans). Techniquement et tactiquement on les domine clairement, mais dès qu’ils poussent sur le physique, on ne peut pas suivre. Ce sont des différences physiologiques, c’est comme ça. »

Alors, on parle foot avec les femmes ou pas ?

Quand le football féminin sera médiatisé au même niveau que son pendant masculin, on se souviendra sans doutes d’Amandine Henry comme l’une des précurseures du phénomène. En France, la coupe du monde 2015 a propulsé les joueuses de l’équipe de France sur le devant de la scène médiatique, comme jamais auparavant :

« C’est plutôt agréable d’être reconnue dans la rue. Je suis valorisée par ma passion, alors ça ne peut pas me déranger. Le football en France n’est plus un sport d’homme, c’est devenu un sport mixte. »

Pour Amandine Henry, l’émergence du PSG est capital pour une D1 féminine forte et attractive. ©LM/Rue89Lyon

Il faut dire que Lyon est le terreau du foot féminin professionnel en France. L’Olympique Lyonnais a initié le mouvement au début de la décennie 2000, et récolte aujourd’hui les fruits de ce travail. Neuf titres de champion de France consécutif depuis 2007, cinq coupes de France dont quatre consécutives depuis 2012. Ces séries en cours sont le fruit de la stratégie du président de l’OL, Jean-Michel Aulas, qui s’impose comme la figure décisive du football féminin pour Amandine Henry :

« C’est quelqu’un de très généreux, il nous a toujours mis sur un pied d’égalité avec les garçons. Il est très présent, son investissement financier et moral est immense avec nous. On lui doit tout et il nous voit sur un piédestal. On fait tout pour le lui rendre sur le terrain. »

Malgré les efforts pour démocratiser le foot féminin, sa légitimité reste à asseoir et les pires détracteurs sont parfois assis à côtés de ceux qui construisent. En mars 2013, le bras droit de Jean-Michel Aulas, Bernard Lacombe, avait dérapé sur le sujet des femmes dans le football. En direct sur RMC, agacé par les propos d’une auditrice sur Karim Benzema, l’ancien attaquant de l’OL avait affirmé « ne pas parler football avec des femmes » avant de préciser qu’elles n’avaient qu’à « retourner à leurs casseroles ». Des propos d’une maladresse inqualifiable au sein même du club pionnier en matière de football féminin. Amandine Henry préfère relativiser :

« Il ne le pense pas vraiment. Il s’est excusé ensuite auprès de notre coach pour toute l’équipe. Personne ne lui en a tenu rigueur. »

S’il est de notoriété publique que Bernard Lacombe ne partage pas la passion de son président pour le football féminin, il semble que la communication commune ait pris le pas sur les dissensions internes. Le conseiller n’a plus jamais été interrogé sur le sujet depuis.

Une reconversion future et… un chihuahua

Amandine Henry est une vraie passionnée de foot. Il suffit de la lancer sur Verrati ou Neymar pour voir apparaître une vraie connaisseuse, analyste et enthousiaste. Pour autant, elle est loin d’avoir une vie faite uniquement de foot, et tient à ce que ça ne change pas :

« J’ai des passions simples. J’adore le shopping et ce qui touche à la mode. J’ai un chihuahua qui s’appelle Jul. Depuis peu je me suis mise à la cuisine. On ne se voit pas forcément hors foot avec les filles, on essaye d’avoir une vie à côté aussi. C’est important d’avoir autre chose. »

Amandine Henry vit en couple mais ne s’épanche pas vraiment sur le sujet. Elle tient à conserver des limites claires entre sa vie privée et sa carrière professionnelle :

« Contrairement à un homme, je ne peux pas faire un enfant pendant ma carrière. Mais ce n’est pas un sacrifice. J’espère en avoir plus tard, ce n’est juste pas un projet immédiat. Fatmire Alushi, qui joue au PSG, a eu un enfant et va bientôt jouer à nouveau. »

Après sa carrière, il ne sera pas question que d’enfants. La milieu de terrain aspire à devenir coach :

« L’OL nous met des moyens à dispositions pour se former un peu chaque année. On doit penser à se reconvertir pendant notre carrière car on n’a pas le confort financier des garçons. On est plusieurs à l’OL à se pencher sur ce projet. Wendy Renard, Camille Abily et Sarah Bouhaddi par exemple. »

Après sa carrière, Amandine Henry souhaite devenir coach, un poste encore trop rarement confié à des femmes dans le football. ©LM/Rue89Lyon

« Je dois tout à mes coéquipières »

A ce jour, un seul club professionnel masculin est entraîné par une femme en France : Le Clermont Foot 63 (Ligue 2) par Corinne Diacre. Et ce n’est pas mieux en première division féminine : une seule coach femme pour 20 clubs, Sarah M’barek à l’En Avant Guingamp. Il reste donc du chemin avant d’imaginer Amandine Henry coacher, par exemple, l’équipe masculine de l’OL :

« C’est encore très loin tout ça. Il faudra encore des années avant que ce soit envisageable. »

En attendant, le nouveau stade de l’OL est censé « contribuer à changer les mentalités ». Comme cela se fait déjà dans plusieurs clubs allemands, les équipes féminines et masculines s’entraîneront au même endroit. Une manière de réduire encore les inégalités de statut.

La Coupe du Monde 2019, qui aura lieu en France, est déjà dans les têtes des filles. L’événement constituera une chance unique de développer encore d’avantage le football féminin par la médiatisation. Amandine Henry, qui en est aujourd’hui un artisan majeur, n’a pourtant que des remerciements à la bouche :

« Je dois beaucoup au président Aulas et à Patrice Lair (ancien coach de l’OL féminin 2010-2014) qui m’ont fait confiance. Mais surtout je dois tout à mes coéquipières. On fait un sport collectif, il n’y a que l’équipe qui compte. »

Un principe élémentaire qu’il est bon de rappeler parfois, quel que soit le sexe des protagonistes qui se disputent le ballon sur rectangle vert.

Propos recueillis par Loïc masson, avec Lhadi Messaouden


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Photo : LM/Rue89Lyon

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