Dans cette perspective, son président, Gérard Collomb, avait fait passer un article dans la loi sur la Métropole de Lyon (dite loi MAPTAM) qui prévoyait l’adoption d’un « Pacte de cohérence métropolitain ». Il devait proposer une « stratégie » de délégation des compétences « de la Métropole aux communes et des communes à la Métropole ».
Jeudi 10 décembre, ce texte de 40 pages (voir le pdf à la fin de l’article) n’a été voté que par la seule majorité socialiste associée à ses traditionnelles alliées et aux « petits maires » de l’ouest lyonnais regroupés au sein de Synergies Avenir.
Pour un texte « fondateur », qui a mis un an à être rédigé, on a connu mieux.
1. La fausse constitution de la Métropole de Lyon
Le 10 décembre dernier, malgré une extinction de voix, le socialiste Gérard Collomb s’est montré lyrique pour introduire les débats autour de ce Pacte de cohérence métropolitain, en parlant d’une « nouvelle page d’histoire que l’on va écrire ensemble ».
Le matin même, lors d’une conférence de presse, le maire de Saint-Germain-au-Mont-d’Or, Renaud George (sans étiquette – membre de Synergies-Avenir) en charge du Pacte déclarait à l’AFP :
«Le pacte, c’est un nouvel état d’esprit, un nouveau modus vivendi entre les communes et la Métropole».
A l’image d’une sorte d’une constitution, le Pacte expose dans son préambule l’histoire et les valeurs de Métropole de Lyon.
Tout d’abord, l’histoire de la communauté urbaine est racontée dans le sens de l’affirmation du fait métropolitain en Europe. La première phrase du Pacte porte sur la « métropolisation enfin reconnue » en France par la loi MAPTAM.
Cette affirmation est réitérée plus loin :
« La reconnaissance par la Loi MAPTAM du rôle des grandes métropoles françaises est une avancée si essentielle. Elle n’était pourtant pas naturelle. La France, toute son histoire le montre, s’est largement construite sous la Monarchie comme sous la République, sans les Villes voire contre les Villes. »
Et pour Gérard Collomb, la « métropolisation », c’est d’abord l’économie :
« Les chiffres parlent d’eux même : 50% du PIB mondial est aujourd’hui produit dans 300 villes. Ce mouvement est partout à l’œuvre dans le monde, il l’est évidemment à l’échelle de l’Europe ».
Ensuite, dans la première partie, les « valeurs fondatrices » sont listées : « égalité », « équité », « solidarité », mais aussi « la responsabilité dans l’usage des deniers publics » ou encore « l’innovation ».
L’exposé historique et la déclinaison de ces valeurs ont nourri une bonne partie du débat au Conseil métropolitain.
A droite, Les Républicains, par la voix du député-maire de Caluire, Philippe Cochet, « aurait préféré une constitution » mais, là, il trouve le texte « trop long et trop détaillé ». Pour lui, une conclusion s’impose :
« C’est un moyen d’étouffer les petites communes. »
D’où la proposition d’amendement (non retenue par la majorité) d’expurger le texte de 99% du texte d’introduction.
De plus, Les Républicains veulent concentrer le Pacte sur les éléments institutionnels en supprimant la référence aux valeurs.
A gauche, la maire du premier arrondissement, Nathalie Perrin-Gilbert, s’en est donnée à coeur joie. Au nom de son micro-groupe (deux membres), le GRAM, elle a dénoncé un texte où l’on trouve sous la « plume de Gérard Collomb » l’idéologie du président de la Métropole de Lyon :
« Une vision idéologique qui fait de l’accumulation des richesses économiques l’alpha et l’oméga du développement, qui érige la performance et la compétition entre les territoires et entre les humains un moyen indépassable, qui se réfère au PIB comme unique étalon de mesure. »
Elle rappelle au passage que ce nouveau mouvement de décentralisation à l’origine de la création de la Métropole de Lyon a été le fait de barons locaux.
Pour le groupe communiste, Pierre-Alain Millet de Vénissieux est allé dans le même sens. Il trouve notamment qu’il n’y a pas assez de référence à la commune. Il a alors gratifié l’assemblée métropolitaine d’un cours d’histoire enflammé sur le sujet :
« L’introduction révèle le non-dit historique de la loi. En affirmant que la Nation et la République se sont construites contre les villes, elle fait sciemment le choix de confondre les villes et leurs seigneurs ! Car, c’est au contraire le 14 décembre 1789 que l’Assemblée nationale naissante allait consolider un vieux mouvement d’autonomie communale en votant la première loi créant les communes ».
Les communistes ont alors proposé un amendement (non adopté) pour éliminer ce qu’ils qualifient de « relecture de l’histoire de France » et ne garder que le rappel de la loi MAPTAM.
Dans la même logique, les communistes demandaient la suppression de l’article sur les valeurs :
« Le Pacte ne peut être un texte constituant ! Si chaque collectivité fonde son existence sur des valeurs qui lui sont propres, quel sens pourrait avoir l’enchevêtrement des valeurs communales, métropolitaines et régionales ? (…) Les valeurs de la République sont les mêmes dans la Métropole et dans le nouveau Rhône ! »
Certes, le Pacte de cohérence métropolitain est un texte important. Il n’est pas pour autant le texte fondateur de la Métropole de Lyon. S’il fallait faire une analogie, sa « constitution » serait plutôt la loi MAPTAM.
Mais il faut arrêter là les comparaisons. Même si la Métropole de Lyon est une collectivité à statut particulier (comme la Corse ou Paris), ce n’est pas encore une principauté.
2. Les arrondissements non pris en compte dans la proximité
Dans un communiqué de presse, les services de la Métropole de Lyon précisent que « l’objectif premier » du Pacte est de « construire un équilibre entre la Métropole et les communes », de continuer « le développement stratégique du territoire au niveau métropolitain » et « de réussir la proximité au niveau communal ».
Mais en matière de proximité, il y a un hic puisqu’il n’y aucune référence aux arrondissements lyonnais alors que le texte évoque les comités d’intérêts locaux ou les conseils de quartier, comme le rappelait le Progrès (payant).
Le GRAM, les écolos, les communistes, Les Républicains, les centristes de l’UDI ont manifesté leur désapprobation. En vain.
Première à prendre la parole, la maire du 1er arrondissement a parlé d’un Pacte qui « exclut les représentants démocratiques des neuf arrondissement ».
Le chef des Républicains de l’agglomération, Philippe Cochet a enchaîné :
« Les maires d’arrondissement ne sont pas traités alors que ce sont des élus de proximité. (…) Ce pacte ne modifie rien et recule des débats de fonds qu’il faut lancer ».
L’UDI (comme le GRAM) ont mis aux voix un amendement pour que les maires d’arrondissement siègent dans la conférence territoriale des maires « Lyon-Villeurbanne ». Cette conférence des maires est définie comme un « périmètre » de concertation et d’expérimentation des politiques métropolitaines. Cette modification du texte a été rejeté par les élus de la majorité.
Le président de la Métropole s’en est expliqué. Gérard Collomb affirme que les instances métropolitaines ne peuvent pas intégrer les arrondissements pour une question de constitutionnalité :
« Dans une décision de 1982 du Conseil constitutionnel, il est précisé que les arrondissements sont des divisions administratives et n’ont pas la personnalité morale. Ils ont une compétence d’attribution et non pas la compétence générale. »
Et le sénateur-maire de Lyon d’ajouter :
« Si nous retenons ces amendements, nous sommes sûrs d’être déférés devant le Conseil constitutionnel et ça serait considéré comme illégal. »
Rappelons que les membres du Conseil constitutionnel savent se montrer très large d’esprit lorsqu’on les interroge sur la Métropole de Lyon. On l’a vu en matière de cumul des mandats.
3. Rassurer les élus sur l’existence de la commune
Outre l’absence des maires d’arrondissement, la « Conférence territoriale des maires » soulève une autre question : va-t-elle devenir un nouveau niveau du « mille-feuille » administratif même si elle n’est pas un niveau décisionnel ?
Pour le moment, cette « Conférence » est envisagé comme un « périmètre d’action » et de concertation mais cela continue de susciter des interrogations.
Ces craintes exprimées par certains élus sont surtout la marque d’une grande fébrilité : toute initiative de la Métropole est interprétée par les élus qui ne sont pas au coeur de la majorité comme une volonté de faire disparaître progressivement les communes.
Le Pacte a donc dû être amendé dans ce sens.
Ainsi, à la fin de la partie « valeurs fondatrices », il a fallu ajouter un paragraphe sur le « respect de l’identité des Communes » (avec une majuscule dans le texte) :
« La Métropole entend préserver et valoriser l’identité des Communes. Cette diversité est un atout pour la Métropole notamment en matière d’attractivité tant pour les entreprises qui veulent s’implanter dans notre territoire que pour les citoyens qui cherchent un cadre de vie adapté à leur situation. »
Ensuite l’amendement présenté par la majorité a modifié à multiples reprises le texte pour ajouter des précisions sur la prise en compte des communes.
4. Un cadre pour une expérimentation limitée
Le Pacte métropolitain a surtout défini des « possibilités d’action » qui se déclinent à trois niveaux :
- la délégation de compétence de la Métropole vers la commune ou de la commune vers la Métropole
- un exercice de la compétence articulé entre commune et Métropole
- l’exercice en commun de compétences par plusieurs communes.
Mais tous les domaines d’action ne peuvent pas faire l’objet d’une discussion entre la Métropole et les communes.
Au final, le Pacte liste 21 « champs d’expérimentation » dans les domaines du social, du développement du territoire, des services urbains, de la culture et des sports.
Ce nombre est jugé « insuffisant » par le maire PS de Villeurbanne, Jean-Paul Bret, qui avait créé son propre groupe politique, la Métropole Autrement, pour influer sur ce Pacte.
« Le nombre de champs de compétences est passé de 7 à 21. Du chemin a été parcouru. Mais sa logique est encore trop descendante et il n’y a pas suffisamment d’expérimentation. Il faudrait notamment avancer sur la répartition fiscale. »
A la lecture de la liste, on peut en effet se dire que les 21 domaines d’expérimentation ne concernent pas des niveaux fondamentaux de l’action publique. Par exemple, on trouve :
- « priorisation des itinéraires de déneigement »
- « développement des synergies intercommunales en matière de lecture publique »
- « optimisation du nettoiement des marchés alimentaires et forains »
L’expérimentation qui pourrait être la plus remarquée par les citoyens se situe dans le social et concerne une délégation de la commune vers la Métropole. Autant dire que ça ne renforce pas le niveau communal. Elle consiste dans le transfert du centre communal d’action sociale (CCAS) vers la Métropole qui désormais gère le social. Voici le libellé cette « proposition numéro 3 » :
« Délégation par la Commune à la Métropole de ses missions d’accueil et d’accompagnement social en matière d’aide sociale et de celles du CCAS : accueil, information, analyse approfondie de la situation des demandeurs, accompagnement, attribution d’aides. »
Les élus communistes de Vénissieux ont demandé que le chauffage urbain puisse continuer à être géré par la ville. Un amendement a été déposé dans ce sens. Mais il a été rejeté.
Car dans la loi MAPTAM cela est considéré comme étant « d’intérêt métropolitain » donc transféré à la Métropole.
Si elles le souhaitent, les communes ont trois mois pour contractualiser des expérimentations.
5. « Transversalité », j’écris ton nom
En tête des « principes d’action fédérateurs », le Pacte inscrit en lettres d’or la « transversalité ».
Car l’ambition est de « renouveler l’action publique par un croisement accru de ses politiques ». Rien de moins :
« La transversalité sera recherchée dans l’action publique métropolitaine (par exemple, l’emploi et l’insertion ; l’urbanisme, l’habitat et les déplacements ; …). (…) De même, pour améliorer l’efficacité et l’efficience de l’action publique au sens large, la Métropole devra permettre de relier les différentes strates de l’action (la Commune, la Conférence Territoriale des Maires, la Métropole).
C’est, pour Gérard Collomb, la marque de fabrique de la Métropole de Lyon, « fruit de la fusion entre deux entités aux compétences complémentaires – la Communauté urbaine de Lyon et le Conseil général du Rhône ». C’est devenu un slogan :
« Le croisement de l’urbain et de l’humain ».
Voté le même jour que le Pacte, le « Programme métropolitain pour l’insertion pour l’emploi » doit en être l’une des illustrations.
Depuis le 1er janvier 2015, la Métropole de Lyon verse le RSA à la place du Département du Rhône. Et la nouvelle collectivité est censée mettre en place une politique d’insertion des publiques les plus éloignés de l’emploi.
Pour répondre à cette obligation légale, la majorité à la tête de la Métropole a mis en avant les possibilité de « synergies » avec une autre compétence, les politiques économiques. Ce n’est pas complètement stupide.
Reste à savoir comment les bénéficiaires des minimas sociaux seront effectivement accompagnés. Car les besoins sont immenses et en forte augmentation. Comme nous l’avions raconté, les associations ont tiré la sonnette d’alarme. Tout ne passera pas par des opérations comme « 1 000 entreprises par l’insertion ».
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