En signant un communiqué commun il y a quelques jours, Laurent Wauquiez aidé de Patrick Mignola a donné le premier coup à son adversaire socialiste, l’actuel président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne.
Comment, au MoDem, est-on donc passé d’une “incompatibilité” totale –selon les termes du chef du parti centriste François Bayrou lui-même, avec le très droitier Laurent Wauquiez, à l’élaboration d’un projet commun annoncé au mégaphone ?
Patrick Mignola tente l’explication :
“Ma conception c’est de faire de la politique devant le rideau plutôt que derrière. Parce que sinon ça aurait été résumé encore plus synthétiquement comme une négociation de places et de postes.”
Ce ne serait donc pas ça. Pas de basses discussions sur les ambitions de places d’élus.
“Je n’ai même pas évoqué ce sujet”, jure Mignola.
Avant d’ajouter :
“On sait ce que représente le centre dans cette grande région, nous avons convenu de ne parler de places et de postes que si on arrive à faire une plateforme de gouvernement. Si on fait un projet, on sera bien capable de faire un gouvernement.”
Incompatibles… jusqu’en juillet
Si Laurent Wauquiez était encore il y a quelques semaines incompatible avec le MoDem selon François Bayrou, Patrick Mignola pointait les ambitions personnelles de l’élu (Les Républicains) du Puy-en-Velay. Parlant de Wauquiez comme d’une personne “voulant faire de la région un laboratoire pour une politique de droite”.
D’après Patrick Mignola, la question des valeurs a été discutée dès le départ. Et le refus de toute compromission avec le FN a constitué un “préalable fondamental”.
Ce que l’on croit bien volontiers, puisque Laurent Wauquiez a fait siennes plusieurs des thématiques privilégiées de l’extrême droite. C’est, d’après ce que l’on imaginait, ce qui le rendait d’ailleurs si peu “compatible” avec le MoDem.
“Si on était d’accord sur tout, on serait dans le même parti ; évidemment qu’on a des analyses et des options politiques et philosophiques qui ne sont pas les mêmes. Est-ce qu’on est capable de respecter ces différences ? Vous savez, il y a des sujets et il y a des solutions, assène Patrick Mignola. Des sujets abordés par le FN sont de vrais sujets, mais nos solutions ne sont pas les mêmes. Il ne faut pas s’interdire de les aborder. ”
Le MoDem s’est donc fait désirer, en se lançant dans ce qui n’est pas la moitié d’un jeu de dupes, puisque Patrick Mignola le dit lui-même :
“Pendant 20 ans, j’ai fait des rassemblements de la droite et du centre en Savoie.”
C’est le rôle qu’il s’est donné. Cet entrepreneur à la tête d’une société de revêtement trouve les moyens de s’entendre avec l’autre, agitant le chiffon rouge du FN.
“On ne peut pas prendre la responsabilité de voir le FN arriver en tête au lendemain du premier tour. En Rhône-Alpes-Auvergne, les enquêtes d’opinion le crédite à plus de 20 %”.
Les compromis, c’est maintenant. Par exemple, concernant la lutte contre l’assistanat, dada de Laurent Wauquiez, Patrick Mignola tente un discours plus rond mais adaptable :
“Le fond du sujet, c’est ce que les démocrates défendent on n’a jamais voulu d’une solidarité inconditionnelle, la récompense et le mérite, c’est un des piliers de la démocratie. Si la région avait des compétences sociales, on aurait peut-être du mal à se retrouver, si on est sur des solidarités territoriales et professionnelles, je pense que l’on peut se retrouver.”
Queyranne, Collomb, Piolle : une gauche « d’accord sur rien »
Si le MoDem ne voulait pas être une énième variable d’ajustement électorale, un “autre UDI” (lequel parti de centre droit a sans tergiverser et depuis belle lurette rejoint Laurent Wauquiez), il n’en fait pas la meilleure preuve ici.
En rejoignant Les Républicains à la veille de la campagne et bien avant le premier tour, donc, le maire de La Ravoire a pourtant bien le sentiment de jouer franc jeu avec l’électeur (on se souvient en début d’article du coup de “la politique devant le rideau”). Contrairement à ses adversaires de gauche.
Selon lui, bien que Jean-Jack Queyranne soit “un homme tout à fait respectable”, il fait face à une grosse difficulté au sein de sa majorité régionale :
“Elle est constituée de trois courants d’accord sur rien. Entre un Queyranne, un Collomb et un Piolle, il y a bien peu de choses en commun. Et ils vont finir par dire à l’opinion : regardez finalement on se réunit, parce que c’est ce qu’ils feront entre les deux tours.”
« Rassembler Wauquiez et Mignola » pour taper large
Patrick Mignola explique donc à qui veut l’entendre qu’une plateforme programmatique commune est en cours de construction.
Pour lui, la priorité reste l’emploi. Cela tombe bien, Laurent Wauquiez avait déjà dit la même chose lors d’une de ses conférences de presse lyonnaises, tandis qu’il cherchait à être investi par son parti, face à Michel Barnier, le favori à l’époque du MoDem.
Il imagine des dispositifs d’aide à la croissance des PME, de type micro-crédit, soit la collectivité qui entrerait au capital des PME pendant une période, tel un “petit business angel”.
Toujours dans ce thème, Patrick Mignola aspire à la possibilité de l’ “emploi sans charge” : une TPE de moins de 10 salariés qui pourrait par exemple embaucher son apprenti sans payer de charges pendant un an.
Pour lui, c’est sûr :
“Si on est capable de rassembler Wauquiez et Mignola, on sera capable de rassembler les électeurs, on pourra les convaincre. Parce qu’on part de loin.”
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