Les faits reprochés remontent au 8 février dernier. A la fin de la rencontre entre l’OL et le PSG à Gerland (1-1 score final), le président lyonnais est colère. Il en veut à l’arbitre qui a notamment fait retirer un pénalty pour le PSG, arrêté par le gardien lyonnais à la première tentative. Le PSG avait alors réussi à égaliser. Comme souvent, Jean-Michel Aulas réserve ses bons mots aux twittos et dégaine un très direct :
Bravo à tous ms joueurs et cette jeune équipe de l’ol ! la série d’erreurs d’arbitrage et /ou d’interprétations arbitrales est affligeante!
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 9 Février 2015
Jean-Michel Aulas tremble
Et comme Jean-Michel ne craint personne et surtout pas le Conseil National d’éthique de la FFF, il continue d’enfoncer le clou, à dire ce qu’il pense de ses cibles favorites, c’est à dire les arbitres (en plus des supporters stéphanois). A froid, à tête reposée, une semaine plus tard :
En y réfléchissant longuement je trouve vraiment inéquitable l’arbitrage de dimanche dernier :erreurs d’arbitrage non reconnues c triste! — Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 14 Février 2015
La pression monte doucement et les menaces de passage sous les fourches caudines de la FFF commencent à filtrer. Jean-Michel Aulas, tremble.
Si le commission d’Ethique m convoque pour avoir dit q l’arbitrage de Ol / PSG était affligeant elle va devoir faire ds heures sup avec hier
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 16 Mars 2015
Que cela soit Ibra ou VL et les joueurs d’OM il y a eu des morceaux d’anthologie qui rendent mes déclarations bien fades pour l’éthique — Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 16 Mars 2015
Finalement, la fédé, lassée de passer pour le pion pas sympa dans la cour de récré, envoie la convocation : Jean-Michel devra s’expliquer ce mardi 14 avril (il était initialement fixé au 30 mars). Entre temps, le président lyonnais a encore régalé ses fans. Cette fois ce sont les supporters stéphanois qui ont subi son phrasé SMS et sa communication directe… Mais là il va très loin, jusqu’à les traiter d’autistes :
@STEPHANOISES oh les autistes j’ai répondu à une invitation de votre President RR , ne soyez pas vexé d’être à ……????10 points je crois
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 22 Février 2015
Le président lyonnais avait assisté au match entre Saint-Etienne et Marseille, à l’invitation d’un des président stéphanois. Mais il n’a pas pu résister à son péché mignon : chambrer les Verts.
SMS, kikooLOL et mauvaise foi
On doit reconnaître une chose à l’entrepreneur et patron du club lyonnais : la maîtrise de sa communication, notamment sur Twitter. Langage SMS, avalanche d’émoticônes (à la limite du hors-jeu du kikooLOL et de l’orthographe baroque), style direct et goût affirmé pour activer le ressort de la jalousie. Jean-Michel fédère en trollant les haters. Tout cela donne l’impression de tomber à la va-comme-je-te-pousse. Mais ses sorties sur Twitter complètent sa communication traditionnelle devant caméras et micros qui n’a pas attendu l’explosion des réseaux sociaux pour être générer la polémique.
Malin, il se place toujours (ou presque) en sorte de bon père de famille, le plus souvent défendant les intérêts de son club, parfois ceux aussi du football français contre les autres grandes nations. Ou alors en entrepreneur bridé. Il a pour lui de solides arguments : sa réussite à la tête de l’OL et la ribambelle de titres glanés au début durant la décennie 2000. Il a aussi pour lui une solide mauvaise foi.
Un exemple : Monaco.
Si aujourd’hui Jean-Michel Aulas se réjouit du succès de l’équipe monégasque qualifiée pour les quarts de finale de la Ligue des Champions, dix ans en arrière l’heure n’était pas vraiment à la solidarité nationale. L’équipe monégasque réussit à faire ce que son club n’a pas (encore) réalisé : atteindre la demi-finale de la Ligue des Champions. Elle atteindra même la finale.
« [Avec Monaco] c’est le football de la défiscalisation qui est en demi-finale. » (AFP, avril 2004).
Cohn-Bendit et technique de drague
Aujourd’hui, Jean-Michel joue la solidarité nationale et salue les résultats et la chance d’avoir au sein de la Ligue 1 le PSG version pétrodollars qataris et le Monaco version oligarques russes. La liberté, c’est finalement ce qu’il aime Jean-Michel Aulas. A tel point que dans l’entourage du club certains tentent de réfréner ses saillies. En vain, semble-t-il, selon Gilbert Giorgi membre du conseil d’administration du club qui avoue au Parisien :
« Personne n’arrivera à l’arrêter, il est ingérable sur ses tweets ».
Il pourrait à lui seul mettre tous les community managers au chômage s’il s’occupait de tout. Jean-Michel Aulas est vraiment derrière son compte Twitter et on sait qu’on va le trouver. Sans surprise, il aime ça. Il compare même le réseau social à Mai 68 version idyllique : un idéal de liberté et de démocratie. On peut tweeter sans entrave et avec n’importe qui. S’il dirige aujourd’hui un club et une entreprise cotée en bourse, Jean-Michel Aulas a milité à l’UNEF et idolâtré Dany Cohn-Bendit. Il sera propulsé dans le monde du foot un peu plus tard par Bernard Tapie. Et comme pour Jean-Michel Aulas, « Twitter c’est comme une belle femme« , il devrait donc continuer de jouer librement sur son terrain de séduction favori. Il se définit lui-même comme un « romantique ». Et il le prouve selon lui :
«Twitter est actuellement le moyen le plus pertinent d’être vrai avec les supporters, ça permet la proximité. C’est un moyen de communication direct avec les gens laudatifs et les détracteurs par principe. (…) Twitter est un moyen adapté, utilisé avec sang-froid et au second degré, pour permettre à tout le monde de retrouver un visage humain.»
Un contexte défavorable ?
Son audition intervient toutefois dans un contexte particulièrement tendu en matière de reproches et d’insultes envers les arbitres de Ligue 1. Peu de temps après les récentes sorties du président lyonnais, difficile d’être passé à côté de la version suédoise de Zlatan Ibrahimovic après le match Bordeaux-PSG le 15 mars dernier. Pour avoir dit en rentrant aux vestiaires que l’arbitre du match était « pourri » et que la France était « un pays de merde », l’attaquant avait dû notamment s’excuser publiquement. Le même week-end, rebelote. Mais du côté de l’OM cette fois après le match nul contre… l’Olympique Lyonnais. Furieux que l’arbitre n’ait pas accordé à son équipe un but qu’il jugeait valable (le ballon avait franchi la ligne de but selon les images de télé), le Marseillais Dimitri Payet adresse lui aussi des noms d’oiseaux aux arbitres du match en rentrant aux vestiaires.
Du pain béni pour Jean-Michel Aulas ? Certes, les insultes de ces deux joueurs peuvent faire passer ses propos pour de simples critiques appuyées mais relativement courtoises. Mais la répétition des attaques contre le corps arbitral pourrait inciter les instances du foot français à la fermeté et l’exemplarité. Ce que semblent démontrer les dernières sanctions contre les deux joueurs en question. Zlatan Ibrahimovic vient d’être sanctionné jeudi 9 avril de quatre matchs de suspension et Dimitri Payet écope lui de deux matchs de suspension. Le club de ce dernier estime même que le climat actuel et le cas de Zlatan Ibrahimovic ont fait du joueur marseillais « une victime collatérale d’un tourbillon médiatique ».
Le président lyonnais sera-t-il lui aussi emporté ? Difficile à dire. D’une part, les organes de sanction ne sont pas les mêmes. Dans les cas des deux joueurs du PSG et de l’OM, il s’agit de la commission de discipline de la Ligue professionnelle de football et non du CNE. D’autre part, difficile de sanctionner un président de club de match de suspension. Nous avons contacté la FFF afin de connaître l’éventail précis de sanctions à la disposition du CNE et sa compétence en matière de propos diffusés sur Twitter mais n’avons pas eu de réponse pour l’heure.
Multirécidiviste et le « délateur marseillais »
En attendant, Vincent Labrune, le président de l’OM, a déterré les archives. Il a annoncé avoir constitué un dossier regroupant tous les propos répréhensibles à ses yeux tenus par Jean-Michel Aulas à l’encontre des arbitres ou de son club depuis…1999 ! Un dossier transmis à la Fédération le 25 mars dernier. Jean-Michel Aulas a réagi. Sur Twitter, forcément :
#rmclive l’unique sujet est l’initiative de VL de pratiquer la délation en adressant un pseudo dossier sur l’OL à la FFF : du jamais vu !!! — Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 6 Avril 2015
#rmclive qu’il s’occupe de son club de son entraîneur avec qui il a peu de connivence! Son défaut : croire qu’il est + fort que tous en com!
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 6 Avril 2015
Le jour du match on pouvait pas imaginer que ce rapport était en cours de rédaction par Vincent Labrune : triste pic.twitter.com/TF8cesos0E
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 6 Avril 2015
Le précédent de Joey Barton sur Twitter
Dans un passé récent il existe un précédent : celui de l’ancien joueur de l’OM, Joey Barton. En 2013, dans une série de tweets, le milieu de terrain anglais avait traité le défenseur brésilien du PSG de transsexuel. La Ligue de football s’était saisie de l’affaire qu’elle avait transmise au…CNE. Dans un premier temps ce dernier avait décidé de ne pas sanctionner le joueur invoquant notamment la nature juridique ambigüe des propos tenus sur Twitter et notamment leur caractère public. Il avait fini par infliger au joueur deux matchs de suspension avec sursis. En bon renard des surfaces numériques, Jean-Michel Aulas tente de marquer un pion de raccroc :
Contrairement à ce que pensent certains , Twitter n’est du domaine public c 1 communication régulée seuls les followers validés st informés
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 9 Avril 2015
Malheureusement pour lui, il est légèrement hors-jeu sur ce coup-là. Son compte Twitter n’étant pas protégé, tout le monde a accès à sa prose en 140 signes même sans posséder de compte Twitter.
Des sanctions indolores ?
Mise à part l’interdiction de vestiaires d’arbitres, les précédents dans l’histoire récente du ballon rond français indiquent que le CNE peut aller un peu plus loin. Jusqu’à suspendre un président de ses fonctions officielles. Ce fut notamment le cas pour Louis Nicollin, président du club de Montpellier. En 2009, il avait traité un joueur adverse de « petite tarlouze » au micro de Canal +. Il avait été suspendu deux mois ferme et deux avec sursis de ses fonctions officielles de président avec interdiction de vestiaires d’arbitres et de banc de touche. Une privation temporaire de banc de touche ou de fonction de représentation de son club n’a pas de quoi effrayer le président lyonnais qui ne risque donc a priori pas grand-chose. Le plus dur pour lui serait sûrement de voir son compte Twitter fermé tant il affectionne communiquer par ce canal. Mais en la matière la FFF n’est pas compétente. En attendant, il continue de régaler et de s’ériger en défenseur de la liberté d’expression :
#rmclive quel consensus ? Pourquoi ne pas parler des arbitres ? Quelle interdiction ? Jamais de la vie ! — Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 6 Avril 2015
Bilan : cour de récré et panpan cucul
Mardi 14 avril en début de soirée, la Fédération Française de Football, a annoncé sur son site internet la décision du CNE. Bilan :
Après audition, ce jour, de Monsieur Jean-Michel Aulas, président du club de l’Olympique Lyonnais, la Commission de première instance du Conseil National de l’Ethique de la FFF a décidé de lui infliger une suspension ferme de toutes fonctions officielles de deux matches. Cette sanction prendra effet à compter du lundi 20 avril 2015.
En clair, le président de l’OL n’est pas autorisé à représenter son club devant les instances de la FFF ou de la Ligue de Football (pas grand chose à l’agenda sur cette période), à s’assoir sur le banc de touche de son équipe (il n’y va jamais) et à se rendre dans le vestiaire des arbitres des rencontres concernées (Reims, le 24 avril et Evian, le 2 mai 2015). Comme attendu, la FFF n’a donc pu que gronder et donner une petite fessée à Jean-Michel Aulas pour ses propos concernant l’arbitrage. Pire, Jean-Michel Aulas lui rit un peu au nez puisqu’il annonce via un communiqué officiel sur le site de l’OL qu’il n’a
(…)jamais manqué aux convenances, à la bienséance et à la loyauté des échanges devant l’opinion publique
Il s’étonne également d’apprendre sa sanction par voie de presse.
Bien que les médias semblent informés je n’ai ni les motivations ni la décision d la CNE ,la convocation avait été déjà annoncée par l’AFP ! — Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 14 Avril 2015
Et en attendant d’en savoir plus, Jean-Michel Aulas continuera à faire comme avant :
Dans cette attente, je serai présent auprès de mon équipe demain comme je l’ai été au cours des plus de 1 500 matchs disputés par l’OL depuis 28 ans et je serai présent jeudi au Conseil d’Administration de la Ligue où je siège depuis plus de 20 ans.
Pour tenter de sermonner le petit Jean-Michel, la FFF a reçu le soutien d’une autorité locale : Gérard Collomb, maire de Lyon. Invité de la matinale d’I-télé ce mercredi 15 avril, le maire a conseillé à Aulas de soigner sa e-reputation en s’agitant un peu moins sur le réseau social :
« Tweete un peu moins, on se calme, on ne dit plus rien pour les prochains matchs ».
Incorrigible, le président lyonnais avait déjà continué la chamaillerie de cour de récréation avec le président de l’OM qu’il verrait bien suspendu lui aussi pour l’ensemble de son œuvre ces derniers jours. Après plusieurs matchs (contre le PSG, l’OL et Bordeaux) durant lesquels il estime que son club a été victime d’erreurs d’arbitrage, le président marseillais tire en rafale sur tout ce qui bouge : les arbitres, Canal + qui filme ses joueurs insulter les arbitres et…Jean-Michel Aulas.
Je ne ne peux pas imaginer que V Labrune ait pu influencer le CNE ? pic.twitter.com/UzFlooXWSr — Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 14 Avril 2015
Cerise sur le gâteau, le fils de la propriétaire de l’OM y est allé de sa petite insulte à l’égard d’Aulas. Du pain béni pour le twitto @JM_Aulas.
Vivement que la cloche sonne et que les cours reprennent.
> Actualisation : le 10 avril à 14h30 avec les derniers tweets de JM Aulas au sujet de sa convocation par la FFF.
> Actualisation : le 15 avril à 11h avec la sanction infligée à Jean-Michel Aulas et sa réaction.
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