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Cécile Duflot sur l’année d’Eric Piolle : « un radicalisme pragmatique qui fonctionne »

Il y a un an, l’écolo Eric Piolle prenait aux socialistes les clés de la ville de Grenoble en s’alliant avec le Parti de gauche et un réseau de citoyens engagés. Alors qu’Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) est au bord de la scission sur la question d’un retour au gouvernement, l’ancienne ministre du Logement, Cécile Duflot, se penche sur cette stratégie politique iséroise.

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Cécile Duflot sur l’année d’Eric Piolle : « un radicalisme pragmatique qui fonctionne »

 

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Cécile Duflot et Eric Piolle, le maire de Grenoble lors d’une conférence de presse de soutien aux candidats du « Rassemblement des citoyens » pour les élections départementales iséroises, le 9 mars 2015 à Grenoble. Crédit photo : VG/Rue89Lyon.

« La publicité faisait partie du paysage des rues autant que les trottoirs »

 

Rue89Lyon : Il y a un an, Eric Piolle devenait maire de Grenoble. Que retenez-vous de son action pendant cette année ?

Cécile Duflot : Pendant sa campagne, Eric Piolle et sa liste ont beaucoup été critiqués par les élus sortants qui les qualifiaient « d’idéalistes romantiques ». Mais depuis un an, ils prouvent qu’on peut ne pas être engoncés dans la gestion habituelle. Ils donnent la leçon de démonstration d’un radicalisme pragmatique qui fonctionne.

La suppression de la publicité, par exemple, ils l’ont dit donc ils l’ont fait. Plus personne n’imaginait une ville sans pub. Elle faisait partie du paysage des rues autant que les trottoirs. Cette équipe ouvre le champ des possibles.

Je retiens aussi leur travail sur l’urbanisme grenoblois à travers la révision du plan local d’urbanisme (PLU), l’augmentation de la part des transports doux et le retour de la nature en ville.

 

Cette conquête électorale s’est produite dans le même temps que votre départ du gouvernement. Est-ce qu’elle influence vos propres choix politiques ?

Cette victoire influence mon engagement car les amis grenoblois me réconfortent. Ils démontrent que quand on veut on peut, comme je l’ai fait au ministère du Logement avec la loi Alur. Mettre en place l’encadrement des loyers semblait baroque, mais c’était réalisable. Une autre politique est donc possible, y compris à l’échelle municipale.

 

« Je suis d’accord avec Eric Piolle à 99% »

 

Eric Piolle est-il devenu la mascotte d’EELV ? 

Sa plus grande qualité est d’avoir à la fois une vision politique et de prendre le concret en considération.

Beaucoup de personnes apprécient aussi son style, sa simplicité et sa proximité avec les Grenoblois. C’est d’ailleurs un exemple amusant et révélateur d’apprendre que l’utilisation du vélo a déjà augmenté sans nouveaux aménagements – même si cela est prévu – mais simplement grâce à l’exemplarité d’Eric Piolle qui se déplace quotidiennement à vélo, en contribuant à baisser des dépenses de fonctionnement de la ville. Cela fait aussi de lui un maire très accessible dans la rue.

 

Souhaitez-vous qu’il s’implique plus fortement dans la vie de parti d’EELV qui traverse actuellement une crise d’orientation politique ?

Sans nous concerter, nous sommes totalement en phase. Je pense pouvoir affirmer que je suis d’accord avec lui à 99% quand il s’exprime sur la politique nationale.

Mais il a beaucoup à faire à Grenoble et c’est normal qu’il privilégie son travail de maire. Si nous sommes pour le mandat unique chez les écologistes, c’est pour s’y consacrer à plein temps. Ce qu’il fait.

 

« Les basculements politiques sont l’affaire de plusieurs années ! »

 

En mars, vous avez apporté votre soutien au « Rassemblement des citoyens », construit dans le sillage de la conquête de Grenoble, pour les départementales en Isère. Seuls les binômes de deux cantons grenoblois sur quatre ont été élus. Le « Rassemblement » a calé en route ?

Au contraire, c’est un vrai succès. C’était un moment difficile à Grenoble, car on allait voir le bilan dressé par les électeurs un an après l’élection d’Eric Piolle.

Il y a même eu plus d’électeurs qui ont voté pour les candidats du Rassemblement à Grenoble que pour la liste des municipales. Des personnes ont donc été convaincues par son action durant cette année. C’est extrêmement positif.

 

Ce scrutin avait valeur de referendum ?

C’était un test, disons les choses telles qu’elles sont. Mais les raisons de la victoire d’Eric Piolle remontent à beaucoup plus loin et les écologistes ont d’abord passé un mandat dans l’opposition. Les basculements politiques sont l’affaire de plusieurs années ! Ca s’est fait à Grenoble, ça se fera je l’espère à plus grande échelle à l’avenir.

 

Cécile Duflot et Eric Piolle lors d'une visite du Quartier de Bonne, le 14 mars 2014. Crédit Photo : Véronique Serre.
Cécile Duflot et Eric Piolle lors d’une visite du Quartier de Bonne, le 14 mars 2014. Crédit Photo : Véronique Serre.

En dehors de Grenoble, les candidats du rassemblement citoyen ont systématiquement été éliminés au premier tour. Est-ce un projet politique qui séduit uniquement l’électorat urbain de cette ville de gauche ?

C’est un long chemin qui ne peut pas se faire en un jour. Seuls les gens qui ne connaissent pas la politique peuvent croire le contraire !

 

Quel bilan dressez-vous de cette élection à l’échelle nationale pour les écologistes, que le ministère de l’Intérieur créditent de 2% des voix ?

Je vous mets au défi de trouver un seul candidat écologiste qui n’a fait que 2% en France. Ca me permet déjà de nuancer ce bilan. Le véritable sujet, c’est l’ancrage de l’écologie politique. Ce que je regrette c’est que nous n’ayons pas eu davantage de candidats car la comparaison avec nos résultats aux élections européennes sur les cantons où nous avions des candidats démontre une progression dans l’année écoulée.

Cela m’encourage à porter les solutions de l’écologie. Le vrai débat politique n’est pas tactique mais c’est celui des solutions à mettre en œuvre face au problème du dérèglement climatique aux échelles locale, nationale et mondiale.

 

L’autonomie fédérale des alliances chez les écologistes n’a-t-elle pas brouillé votre positionnement en s’alliant tantôt avec le parti de gauche, tantôt avec les socialistes et en conservant parfois des candidatures autonomes ? 

C’est une question qui n’est pas vaine et qui pose le problème de la lecture nationale des résultats électoraux. Mais pour les scrutins locaux, c’est pertinent d’avoir des stratégies qui s’appuient sur les acteurs, les dynamiques et les partenariats politiques locaux. Ca se paye par une lecture nationale plus délicate. Mais c’est plus utile pour une démarche durable.

 

« L’appel au rassemblement de Manuel Valls est bienvenu, mais encore faut-il qu’il soit sincère »

 

Mardi, Manuel Valls tendait la main pour une entrée des écologistes au gouvernement alors que vous estimiez que son « logiciel est périmé ». Est-ce sa tête que vous réclamez pour envisager un retour dans la majorité ?

Je suis très indignée qu’on ramène ça à un débat personnel alors que j’explique en permanence quelles sont nos divergences. Mes priorités sont l’aggravation des inégalités – qui nourrissent le vote pour le Front national – et la crise écologique.

L’appel au rassemblement de Manuel Valls est bienvenu, mais encore faut-il qu’il soit sincère et qu’il l’accompagne d’une évolution de sa politique. On ne peut pas rassembler en affirmant que la ligne politique ne changera pas. C’est contradictoire.

 

Pour quelles politiques menées actuellement, le gouvernement peut-il se revendiquer de gauche, selon vous ?

La loi biodiversité ou la loi santé qui est en débat actuellement à l’assemblée nationale sont des progrès. Mais en revanche, la loi sur le renseignement est une régression très importante et très grave en matière de libertés publiques.

 

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Cécile Duflot, lors d’une visite de soutien à Eric Piolle, le 14 mars 2014. Crédit Photo : Véronique Serre.

Vous marquez la conférence mondiale sur le climat organisée par la France en fin d’année comme « une occasion historique ». Mais les écologistes peuvent-ils avoir un poids politique sur les négociations en dehors du gouvernement ?

Les choses ne se passent pas que dans le gouvernement ! Avoir une conférence climat réussie mais ne pas mener en France une transition énergétique à la hauteur de ses engagements par manque de moyens, c’est une deuxième contradiction.

On connait le rôle décisif des ONG, de l’opinion publique et de la mobilisation citoyenne dans ces rendez-vous. En 2009, j’ai le souvenir d’une mobilisation publique internationale à Copenhague. Puis celle de New-York en septembre dernier. Il y a une prise de conscience tout autour de cette planète que nous partageons et dont le dérèglement climatique menace la qualité de vie.

 

Pour autant, les mobilisations suffisent-elles pour être prises en compte par les décisionnaires ?

Non, bien sûr que le sommet de Copenhague a été un échec dont il faut en tirer des enseignements. Depuis, les gouvernants ont aussi évolué comme en Chine ou aux Etats-Unis. À l’époque, certains contestaient la véracité du dérèglement climatique. Ce n’est plus le cas car les choses s’aggravent et rendent l’urgence encore plus grande.

 

 « Il n’y a aucun risque de scission chez EELV »

 

Demain, plusieurs figures d’EELV et d’autres formations comme Cap21 ou Génération Ecologie se réunissent. Ils ont en commun d’être favorables à une entrée au gouvernement. Estimez-vous que votre ligne est majoritaire auprès des militants et des sympathisants ?  

Le souhait des militants, c’est le rassemblement des écologistes. Ils ont très mal vécu les déchirements et certains propos. Personnellement, ma discipline n’a jamais été de critiquer ceux qui font partie de la même formation politique que moi.

 

L’éclatement d’EELV est-il évitable ?

Il n’y a aucun risque de scission car pour cela il faudrait que ce soit le souhait d’une grande majorité des militants, mais à part dans les journaux et dans la bouche de quelques uns et parfois des anonymes, ce n’est pas le cas chez Europe-Ecologie-Les Verts.


#Cécile Duflot

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