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Pollution dans la vallée de l’Arve : un reportage sur France 2 crée la polémique

Un reportage de France 2 diffusé en février au journal de 20 heures, sur la vallée de l’Arve, a suscité une vive polémique. Un médecin y tient des propos-chocs sur son niveau de pollution, qui est le plus élevé de France. L’image désastreuse pour le tourisme régional a énervé plus que de raison un élu local.

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Pollution dans la vallée de l’Arve : un reportage sur France 2 crée la polémique

En pleines vacances scolaires, à l’heure où les familles traversent la France pour retrouver les pistes enneigées et respirer l’air frais de la montagne, le reportage diffusé dans le 20 heures de Laurent Delahousse dépeint une toute autre facette du Mont-Blanc, de Chamonix et de la vallée de l’Arve.

Les constats dressés par le reportage sont accablants : durant 6 minutes, France 2 montre une pollution trop élevée et le peu de réaction des autorités de cette région très touristique.

D’après les chiffres de l’OMS cités dans le reportage, près de 60 personnes de la vallée de l’Arve meurent prématurément chaque année à cause de la pollution. Un graphique montre Passy, petite commune de l’Arve, avec 188 jours de pollution annuels contre 93 pour Paris, comme la commune la plus polluée de France.

En cause, le chauffage domestique, le trafic routier et les industries.

Après les beaux paysages montagneux, les journalistes retrouvent le médecin-chef Frédéric Champly à l’hôpital de Sallanches. Il est catégorique :

« Nous, on est médecins, quand on nous pose la question de la qualité de l’air avec l’impact de cette qualité sur la santé, je réponds clairement : « l’air de notre vallée est mortel ». »

Vallée de l'Arve sous une épaisse couche de pollution, capture d'image du reportage de France2
Vallée de l’Arve sous une épaisse couche de pollution. Capture d’image du reportage de France2

A la suite du médecin, dans le reportage, le sous-préfet de Bonneville, Francis Bianchi, tente de donner un contexte politique. Il évoque une certaine tendance à éluder le sujet de la pollution chez beaucoup de responsables politiques, qu’il impute aux enjeux touristiques de la région :

« C’est un peu le risque que l’image de la région soit écornée. Si effectivement il y a une médiatisation très importante (de la pollution, ndlr)… Il y a une filière touristique qu’il faut préserver et donc, de point de vue-là, il y a peut-être des gens qui sont frileux. »

Le reportage se termine sur le médecin, qui vit paisiblement perché dans son chalet, au-dessus du nuage de pollution, avec sa femme et ses deux filles. Ce matin-là, interrogé par les journalistes de France 2, il déclare ne pas vouloir envoyer ses filles à l’école. Raison ? L’indice pollution dans la vallée est « très mauvais » selon l’estimation de l’organisme Air Rhône Alpes.

Là encore, son propos est tranchant :

« Voilà où on en est : on a le choix entre la santé de nos filles et leur éducation, on est en France, on est en 2015. »

Une vive réaction des autorités locales

Quelques jours après la diffusion du reportage, le préfet de Haute-Savoie Georges-François Leclerc va pointer la « partialité » du reportage de France 2. Selon ses propos rapportés par le Dauphiné, il estime que le sous-préfet interviewé par les journalistes n’a pas eu l’occasion de montrer les efforts entrepris pour lutter contre la pollution :

« Cette vallée est polluée et personne ne peut le nier. Mais le reportage de France 2 n’est pas représentatif du travail effectué pour réduire la pollution ».

Le préfet a justement été interrogé alors qu’il signait le projet Arve Pure 2018, dont le but est précisément de lutter contre les effets de la pollution et de favoriser la biodiversité dans les cours d’eaux de l’Arve.

Selon la SM3A (Syndicat Mixte d’Aménagement de l’Arve et de ses Abords) les précédents contrats de Arve Pure, en lien avec le contrat de rivière Arve et le projet SAGE ont permis le retour de l’ombre commun (un poisson d’eau douce) et de la loutre jusqu’alors menacés. Tous les problèmes identifiés dans les années 1980 en termes de pollution par les métaux lourds n’ont certes pas été résolus, mais des progrès ont été faits et des mesures ont été engagées, tente de défendre la SM3A.

Les élus seraient ainsi doublement engagés dans la pollution de l’air et de l’eau de la vallée. Le Plan de Protection de l’Atmosphère de la Vallée de l’Arve (PPA) est en cours d’élaboration par les services préfectoraux et la direction régionale de l’environnement. Rappelons que la vallée a été la première en France à être mise sous ce système de protection.

Mais le maire et conseiller général du canton de Saint-Gervais les Bains, Jean-Marc Peillex (UDI, ex-UMP), n’avale pas le reportage de France 2 et les propos du docteur Frédéric Champly ne passent pas.

Toujours dans le Dauphiné, il réclame des sanctions à son encontre. Il a trouvé l’interview du médecin « très limite ».

Mobilisation sur le net pour soutenir le médecin

Jean-Marc Peillex ne s’y attendait sans doute pas : après sa menace, une pétition de soutien est lancée pour soutenir le médecin urgentiste de l’hôpital de Sallanches. La page Facebook de soutien compte plus de 4 000 « J’aime ».

Cette pétition et cette page mettent en avant le courage du médecin de dénoncer publiquement les effets de la pollution qui touche l’ensemble de la vallée de l’Arve ainsi que des conséquences sur la santé de ses habitants.

Le lendemain, le 20 février 2015, le médecin-chef de Sallanches en remet une couche dans un communiqué :

 » Si certains élus trouvent les propos qui ont été les miens dans le reportage de France 2 comme « limites » ou « durs », c’est qu’ils sont encore loin du début du chemin qu’il leur faudra accomplir pour que les choses changent, pour les gens qui les élisent et qui croient en eux. »

Et de conclure :

« A tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre me soutiennent, qu’ils ne doutent pas un seul instant de ma détermination à continuer à jouer mon rôle de sentinelle. « 

Rétropédalage du maire de Saint-Gervais « meurtri »

Dans un deuxième temps, d’après les propos recueillis par Le Temps, Jean-Marc Peillex dément d’une part les propos que lui attribue le Dauphiné concernant le médecin. Et d’autre part, se targue d’être un défenseur de l’environnement, en sortant de son chapeau un « fonds air trafic » pour lutter contre la pollution qui affecte la vallée du Mont Blanc.

En direction du médecin, il revoit ses positions :

Sur son profil Facebook, il s’exprime sur la « manipulation » médiatique dont il aurait été victime et se présente comme une « âme meurtrie ».

Toutefois, selon lui, la pollution vient d’ailleurs, de Genève, d’Italie et de plus bas. Il remet souvent en cause le trafic routier et autoroutier et pointe du doigt les Genevois, responsables d’après lui de ce constat. Il n’en reste pas moins que la vallée de l’Arve est plus polluée que Lyon.

Cet hiver, Air Rhône-Alpes recense huit pics de pollution contre cinq pour la métropole lyonnaise, 15 sur l’année 2014, contre 11 pour Lyon.

Bulletin 2014 émis par Air Rhône-Alpes
Bulletin 2014 émis par Air Rhône-Alpes

Un fonds air trafic : « chiche ! »

Contacté par téléphone, le président de l’Association pour le Respect du Site du Mont Blanc (ARSMB), Simon Métral, reconnaît l’effet bénéfique de l’éclairage médiatique sur la lutte contre de la pollution :

« Nous on a eu beaucoup de mal à se faire entendre par les journalistes, et même si ce reportage est sans concession, il a le mérite de faire réagir. »

D’après lui, le déni des élus face au constat de la vallée de l’Arve, qui a longtemps prévalu, n’existe plus :

« Désormais, on a le diagnostic d’Air Rhône-Alpes qui est un organisme indépendant, et depuis, plus personne ne remet en cause ce problème de santé publique. »

Carte des particules fines PM10 modélisée sur la région Rhône-Alpes_en_2013, en nombre de jour de dépassement réglementaire
Carte des particules fines PM10 modélisée sur la région Rhône-Alpes en 2013, en nombre de jour de dépassement réglementaire

Le président de l’ARSMB côtoie les responsables politiques depuis une dizaine d’années, date à laquelle ils se sont intéressés au problème.

Quant à la réaction de Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais, Simon Métral reste perplexe :

« Il propose des fonds air trafic et autres, on ne peut qu’être d’accord. Puisque nous avons nous-mêmes que trop insisté sur le fonds air bois précédemment. Alors pour M. Peilleix et ses propositions, je dis « chiche et trois fois chiche ! ». Nous savons qu’il s’agit d’une période électorale où chacun veut se mettre en avant. »

Le fonds air bois a été créé pour lutter contre la pollution aux particules fines. Une solution bienvenue, puisque le chauffage au bois non performant reste la première cause de pollution aux particules fines en Rhône-Alpes.

Même si ce responsable associatif est plus nuancé que le docteur Champly, il précise qu’il a écrit une « lettre ouverte » pour le soutenir car, dit-il « dans ce reportage, le médecin a voulu marteler plus sévèrement pour faire réagir ».

Par ailleurs, pour lui, le fait qu’un élu pense à le sanctionner pour cela est « inadmissible ». Il précise notamment que l’engagement du médecin n’est pas passager :

« Il y a deux ans, 84 médecins dont le docteur Champly ont soutenu l’ARSMB. L’association avait déposé plainte contre l’Etat pour non-respect de la loi sur l’air et les médecins se sont joints à nous. »

Mais quelque peu lassé par la polémique provoquée par le reportage, le militant demande surtout des actes contre la pollution.


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