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Conisme.com tourne en dérision les musées des Confluences et des Beaux-Arts de Lyon

En lançant un site-musée pour exposer leurs propres tableaux, deux dessinateurs lyonnais ont commis une caricature très réussie du Musée des Confluences et de celui des Beaux-Arts de Lyon. Ils raillent, au passage, la façon dont l’art est généralement présenté par ses promoteurs institutionnels, ses commissaires, historiens et autres gardiens du temple. Bluffant.

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Vénus Beauté. Brunel et Girard 2010. Huile sur bois (180 cm x 122 cm). Source : www.conisme.com.

Jusque là, on a surtout évoqué le bourbier politico-financier duquel est né l’imposant ouvrage qui doit ouvrir ses portes au public le 19 décembre prochain. Le Musée des Confluences de Lyon méritait bien une parodie digne de ce nom.

Caricaturé par Sébastien Brunel et Thomas Girard, il devient un « Musée Convergence Conisme de Lyon », dont on peut apprécier la maquette et, même, faire la visite virtuelle. A la place du nuage de verre désormais visible à l’entrée de Lyon, à la confluence du Rhône et de la Saône plus précisément, s’érige une énorme cocotte de papier. De quoi ridiculiser le projet architectural lyonnais.

Une photo de Gérard Collomb en conférence de presse a même été détournée avec, en légende, l’un des objectifs politiques du maire PS de Lyon qu’il répète comme un leitmotiv : « modifier la skyline de Lyon ».

Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, présente le projet qui modifiera la skyline de la ville. Source : www.conisme.com.
Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, présente le projet qui modifiera la skyline de la ville. Source : www.conisme.com.

« Pourquoi pas grâce à une cocotte ? », demande Sébastien Brunel :

« C’est étonnant cette surenchère dans la construction des musées : il faut absolument qu’il y ait un architecte international, que le lieu devienne un gros outil d’urbanisme. Je me rappelle avoir vu, enfant, le gros mammouth au musée Guimet, qui a fermé pendant tant d’années alors que celui des Confluences ne finissait pas d’être en chantier. Ce sera bizarre de le revoir là-bas. »

 

Le Conisme, mouvement artistique né dans un bar TGV

Pour son design, le site du Musée du Conisme de Lyon reprend, à la ligne près, les codes graphiques du Musée des Beaux-Arts de Lyon. Lequel en prend pour son grade, au passage, comme l’ensemble des projets muséaux qui proposent la lecture scientifique et officielle de l’art. Sébastien Brunel et Thomas Girard raillent et désacralisent les terminologies consacrées, le discours des historiens.

Le futur musée Convergence-Conisme apportera à Lyon un rayonnement international.
Le futur musée Convergence-Conisme apportera à Lyon un rayonnement international. Source : www.conisme.com

Ils travaillent depuis 2011 à la conception de leur site, mais ils peignent ensemble depuis 2001 dans l’unique but de monter un canular artistique. Celui du Conisme, un mouvement dont ils se présentent bien sûr comme les chefs de file. Dans la frise chronologique imaginaire, on découvre que les deux artistes se sont rencontrés en 1998 dans le bar du TGV : « arrivée à Lyon, capitale artistique mondiale, à la gare de la Part-Dieu en février ».

Ils ont ensuite loué un petit atelier à la Croix-Rousse. On apprend aussi qu’un an plus tard, ils ont été contraints de changer leurs noms, leurs familles respectives étant « scandalisées par leur mode de vie ». La peinture de Brunel-Girard fait même scandale, les critiques assassinent les expos, des oeuvres sont volées puis retrouvées.

En écrivant cette légende numérique, Sébastien Brunel et Thomas Girard font de Lyon une capitale mondiale de l’art, dans laquelle on a le sentiment que le duo ne serait qu’un exemple de succès parmi d’autres, dans un bouillonnement général fantasmé.

Ils sont à fond.

 

Auchan, la rue de la République, le gigot-flageolets

Le binôme ne s’est pas contenté de la coquille du site et d’une fable bien rédigée. Le site, qui copie parfaitement les pros (avec, notamment, une page hilarante sur les 8 raisons de devenir mécène du musée), présente leurs propres oeuvres, soit 14 tableaux véritablement peints par eux, à quatre mains.

Sébastien Brunel et Thomas Girard sont de la partie, dessinateur et graphiste pour le premier, illustrateur pour des maisons d’édition pour le second. Mais ils ne vendent pas les toiles qu’ils peignent ensemble, elles font partie intégrante du canular.

Gigot flageolets. Brunel et Girard 2002. Huile sur toile (195 cm x 130 cm). Source : www.conisme.com
Gigot flageolets. Brunel et Girard 2002. Huile sur toile (195 cm x 130 cm). Source : www.conisme.com

Parmi les scènes figuratives peintes à l’huile et en grand format, on peut voir le « Jeune couple LCR devant le vidéomatique », « La Joueuse de Rapido », « Mon épicier est un type formidable ». Ou encore « El condor pasa », un triptyque urbain représentant la rue de la République (artère piétonne de Lyon), bourré de détails et ainsi décrit :

« Ses cinématographes, son grand magasin Go-Sport, ses lieux comme le restaurant Hippopotamus ou le libraire disquaire Fnac, les grands événements culturels comme le lancement du petit paumé ou la coupe du monde de repassage ont fait la renommée de la prestigieuse rue de la République, colonne vertébrale de l’hyper-centre lyonnais . C’est dans ce cadre que Girard et Brunel ont ouvert la voie au « Conisme en majesté ». »

Il faut savoir que les Conistes aiment peindre la nature. Et, par « nature », il faut comprendre les zones commerciales, les parkings, ou encore « les sites romantiques et pittoresques ».

La vie Auchan. Brunel et Girard 2002. Huile sur toile (81 cm x 65 cm). Source : www.conisme.com
La vie Auchan. Brunel et Girard 2002. Huile sur toile (81 cm x 65 cm). Source : www.conisme.com

L’histoire du mouvement conique ne pouvait pas s’écrire sans éléments sur le processus de création de cette peinture figurative. Le duo détourne l’art pompier et se moque aussi de la figure périphérique (mais indispensable) du mécène. C’est pourquoi on trouvera des informations très privées sur un de leurs modèles, Sabine Capitan, fille d’Ernest-Antoine Capitan (une caricature de François Pinaud), née en 1981 et rencontrée par les artistes au Quick de la Croix-Rousse. Cette amie dont on peut voir la photo (déguisée en diablesse, à l’occasion de son enterrement de vie de jeune fille) a donc posé pour le tableau « Vénus Beauté », « au cours d’une séance d’épilation définitive ».

Vénus Beauté. Brunel et Girard 2010. Huile sur bois (180 cm x 122 cm). Source : www.conisme.com.
Vénus Beauté. Brunel et Girard 2010. Huile sur bois (180 cm x 122 cm). Source : www.conisme.com.

« On reprend les codes de la peinture classique, comme ici la Vénus d’Urbino de Titien, que l’on transpose à notre époque et dans des situations anecdotiques et un peu absurdes », nous explique Sébastien Brunel.

Tous les deux sont également, « dans la vraie vie », profs de dessin, de nu plus spécialement.

 

Un resto dans le musée, des tongs souvenirs à acheter

Le binôme n’hésite pas à se moquer de lui-même :

« Girard est plus mature et plus intellectuel tandis que Brunel est plus audacieux et plus aventureux. Ils ont toutefois un même désir, évoluer vers un Conisme plus majestueux et plus spirituel à la fois. »

Soit les archétypes du peintre solaire et du peintre maudit. Dans la vidéo d’un vernissage de ce qui pourrait être une rétrospective des artistes, les critiques sont exagérément dithyrambiques. Hilarants. On y reconnaît des comédiens lyonnais.


La renaissance de Vénus – grande rétrospective… par ConvergenceConisme

Le Musée du Conisme serait, selon son site, à quelques jours de son ouverture. Tout comme celui (réel cette fois) des Confluences. Il aura un resto baptisé Le Croupion. Le site a aussi sa boutique avec, par exemple, un briquet décapsuleur décoré de la scène d’apéro entre potes, tirée du tableau « Le Grand soir ».

Bon, pas la peine de sortir sa carte bleue, c’est une fausse boutique. Sébastien Brunel ajoute :

« On nous a déjà demandé s’il était possible d’acheter les tongs siglées. Elles ont un succès fou. On s’est posé la question car tout ce projet nous prend énormément de temps sans nous rapporter un kopeck, mais il y aurait une incohérence à vendre des produits dérivés alors qu’on se moque du marketing des musées. »

Reste « la beauté du geste ». Le duo cherche uniquement des lieux pour monter des expos-canular avec ces toiles, son livre d’art, ses vidéos, son site montré sur ordinateur, et dont la supercherie serait à chaque fois assez vite levée.

En attendant, cet univers numérique mérite une longue promenade, pour plonger dans la mise en abyme que ces artistes-développeurs proposent. Avec les différents niveaux de lecture de ce site, les deux artistes lyonnais offrent à leur savoir-faire une belle exposition, tout en tenant un propos ironique et pertinent sur l’actu lyonnaise, l’art ou encore les Mac Do et la Fnac.

 


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