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French Tech : Lyon peut-elle être sacrée petite reine du numérique ?

Cité de la gastronomie, Capitale européenne de la culture… Quantité de titres et labels nationaux et/ou européens sont décernés à des villes pour leur gestion ou leur potentiel patrimonial. Avec, à la clef, soit de vrais leviers financiers de développement, soit de la flûte marketée. Lyon a candidaté à ces deux trophées, sans victoire franche pour le premier et un échec cuisant pour le second. Cette fois, Gérard Collomb voudrait voir le Grand Lyon labellisé « Métropole French Tech » et devenir la petite reine française du numérique.

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Le quartier Confluence, l'un des pôles numériques dans la candidature de Lyon au label "French Tech". Crédit : Hugo Lautissier/Rue89Lyon.

Par Matthieu Beigbeder et Dalya Daoud

Il sera décerné pour la première fois. Le label « French Tech » est destiné à « positionner la France sur la carte du monde des principales nations numériques ». En plus du Grand Lyon, six autres métropoles régionales ont également déposé une candidature : Aix-Marseille-Provence, Lille, Nantes, Montpellier, Toulon et Rouen. Mulhouse et Strasbourg feront candidature commune. Grenoble serait sur les rangs aussi.

Le quartier Confluence, l’un des pôles numériques dans la candidature de Lyon au label « French Tech ». Crédit : Hugo Lautissier/Rue89Lyon.

Cette fois, contrairement au titre de Cité de la gastronomie qui ne rapportait pas un kopeck, en cas de victoire, les entreprises privées des territoires labellisés se verront attribuer une enveloppe de la banque publique d’investissement (BPI) de 200 millions d’euros. À Lyon, on dénombre une quarantaine de projets, pour la plupart des « accélérateurs de startups », potentiellement candidats à l’investissement de la BPI.

À terme, un retour sur investissement est attendu par la BPI, contrairement aux 15 millions d’euros versés par l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), qui visent, eux, à financer « une campagne de promotion internationale ».

Un jury international de sélection se réunira en septembre prochain pour statuer sur les candidatures présentées. Le Grand Lyon espère une labellisation effective dans le « dernier quadrimestre » de cette année. D’ici trois ans, l’objectif de la métropole lyonnaise est de présenter 100 nouvelles startups chaque année au sein  d’un « dispositif d’accélération ».

 

Plus de 4000 entreprises numériques dans le Grand Lyon

Dans le cahier des charges présenté par le ministère du Redressement productif, pour être labellisée « French Tech », une métropole devra présenter et défendre cinq points majeurs tournant autour de son économie numérique :

  • « Un écosystème entrepreneurial numérique existant parmi les plus remarquables en France »
  • « Une stratégie ambitieuse de développement de cet écosystème »
  • « Des acteurs du territoire mobilisés et fédérés autour de cette stratégie »
  • « Des programmes opérationnels aux services de la croissance et de la visibilité des startups et entreprises de croissance du territoire »
  • « Des espaces identifiés et des infrastructures favorables au développement de ces entreprises »

Le territoire lyonnais possède trois atouts majeurs, à en croire Sylvain Iafrate, responsable du numérique au Grand Lyon. Premièrement, « une masse critique importante », qui en ferait le 2ème pôle numérique national : à Lyon, le numérique représente environ 4000 entreprises et 34000 emplois, pour un chiffre d’affaires global de 3,5 milliards d’euros.

Egalement, une « diversité » et une « complétude » font partie de cet écosystème, selon lui. Enfin, Lyon aurait un « état d’esprit entrepreneurial très fort. »

 

Un « Totem » à la Confluence

Gérard Collomb a sectionné la candidature en quatre pôles géographiques qui ne surprendront personne :

  • Vaise, où l’on dénombre près de 5000 emplois dans le numérique ;
  • Part-Dieu, où se concentrent 7000 emplois insérés particulièrement dans les télécommunications;
  • Villeurbanne, où le pôle Pixel fait figure de locomotive avec 70 entreprises du secteur de l’image, du son et des industries créatives;
  • Confluence, enfin, laboratoire et vitrine de la Smart City chère à Gérard Collomb.

Vitrine du projet, la halle Girard, à Confluence, baptisée le « Totem » pour la candidature. Cet espace de 3000 m2 dédié est le coeur du dispositif « accélérant » l’implantation d’entreprises. Il est censé accueillir en vrac et dans le flou des conférences, des rencontres, de la « détente » et du networking. En vue d’un objectif : l’innovation. Une fois toute la terminologie liée au digital, au numérique, déclinée, reste l’idée d’un bâtiment réaménagé pour l’accueil de sociétés.

 

Les « champions » de Gérard Collomb

Ce qu’on retiendra de la conférence de presse, c’est la démonstration de force menée par Gérard Collomb. Aux côtés de cinq « Tech Champions », qui ont monté des startups numériques d’envergure internationale, le président PS du Grand Lyon a voulu afficher « des acteurs du territoire mobilisés et fédérés » autour de sa stratégie, collant ainsi aux conditions de labellisation.

Guillaume Decitre, un de ces « Tech Champions » et président fondateur de The Ebook Alternativ, a assuré que la reconnaissance internationale qu’apporterait French Tech était « nécessaire » au Grand Lyon. Même son de cloche chez Gautier Cassagnau, président de Géolid, qui juge qu’il faut placer Lyon au même niveau que Berlin, Milan ou Londres. Habituellement, c’est plutôt à Barcelone que Gérard Collomb aime comparer sa ville.

Quand on l’interroge sur l’éventuel rapprochement avec Saint-Etienne pour la candidature et le relatif danger d’étalement que cela représente, Guillaume Decitre s’emporte :

« Regardez la Silicon Valley ! Il y a plus de 80 km entre San Francisco et San Jose. Et au moins 30 km entre San Jose et Berkeley [en réalité, il y en a plus de 70, ndlr]. Ça reste tout de même la Silicon Valley. »

Et de prévenir :

« Si le label French Tech n’est pas attribué au Grand Lyon, je serai obligé de déménager là-bas. »

 

En face, grosse concurrence

Même si Gérard Collomb a assuré que les stéphanois seraient prêts à travailler en collaboration avec la future métropole labellisée, Lyon a tout de même fort à faire. En face, la concurrence fait rage, et pas seulement au niveau de la communication : Marseille et ses 40 000 salariés du numérique, Lille et ses 3600 entreprises du secteur, Montpellier et ses entreprises numériques historiques (IBM et Dell, implantées là-bas depuis plus de 20 ans, selon 01net).

Un petit dernier, le pôle métropolitain Strasbourg Mulhouse, qui présente sa candidature ce jeudi 12 juin, ne devrait cependant pas inquiéter le Grand Lyon. Comme l’expliquent nos confrères de Rue89Strasbourg, la coopération des deux agglomérations Mulhouse et Strasbourg patine un peu.

 

Une victoire quasi-acquise… pour tous

Mais cette concurrence est à relativiser : au Grand Lyon, on nous assure que la labellisation du territoire est « quasi-acquise », d’après le parti pris de Fleur Pellerin, ex-ministre déléguée à l’Economie numérique. De plus, précise-t-on, le fameux label n’est pas exclusif : en clair, plusieurs métropoles peuvent prétendre le décrocher.

En outre, la répartition des sous de l’Etat n’est « pas très claire pour l’instant », confie-t-on au Grand Lyon. Le gouvernement précise que les appels à projets émanant de start-ups présentes dans les villes labellisées auront « un avantage » sur celles présentes sur un territoire non labellisées. Même si, nous précise-t-on, un projet « important » d’une entreprise numérique présente sur un territoire non labellisé ne sera « évidemment » pas écarté. Un label pour tout le monde, donc ?

 

Les labels perdus et le numérique inspirant

Et si la labellisation lui passe sous le nez ?

« Ce n’est pas ça qui fera que tout s’écroulera, répond Sylvain Iafrate. Le label sera un accélérateur pour nos startups. Mais on peut vivre sans lui, on a déjà développé un écosystème numérique très important. »

Gérard Collomb avait réagi de la même façon devant le verdict mitigé relatif à la Cité de la gastronomie, rendu par le gouvernement en juin 2013. Déclarant qu’il ferait la sienne de toutes façons, dans le cadre d’un projet d’aménagement déjà lancé, à l’Hôtel Dieu (Lyon 2e). Les adversaires politiques de Gérard Collomb, eux, ne verront sans doute pas les choses de la même façon. Michel Havard, aujourd’hui conseiller municipal UMP et alors candidat à la mairie de Lyon, avait martelé pendant la campagne électorale que Gérard Collomb fichait une sacrée honte à la deuxième ville de France en ne remportant rien.

C’est aussi la façon de mener les dossiers de candidature (comme pour les Jeux Olympiques) qui doit accoucher de nouveaux projets et créer une émulation au sein de la ville. Au lendemain de sa victoire aux élections municipales en 2008, Gérard Collomb avait même déclaré que le titre de Capitale européenne de la culture, pour lequel il était encore en course à ce moment, constituerait sa feuille de route pour son second mandat.

Quelques temps plus tard, Lyon perdait et on n’entendait plus parler du contenu de ce dossier, des nombreuses idées qu’il contenait. Sir Bob Scott, président du jury, avait estimé que la ville était déjà très « fat » et sacrait donc une Marseille moins bien lotie, en termes d’équipements notamment.

 

> Article mis à jour le 16 juin, après avoir pris contact avec le Grand Lyon concernant les modalités de répartition de l’enveloppe de 200 millions d’euros de la BPI, et sur la façon de décerner le label aux métropoles candidates.


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