A la suite de recours successifs et d’une bataille menée depuis plus de sept ans, Etienne Tête vient de remettre en cause la délibération permettant à la Région de soutenir financièrement Rhône-Alpes Cinéma (RAC), fonds de coproduction régionale de films. Un moyen pour lui de briser le lien entre la collectivité et cette structure qu’il estime non conforme avec les règles de concurrence européennes, mais surtout de dénoncer un supposé système malsain, qui aboutirait à un « mauvais choix de films ».
Dans une interview donnée au blog cpasducinema, Etienne Tête lance l’accusation à peine voilée que RAC choisit surtout ses films par le biais de copinage et d’arrangements entre amis.
Grégory Faes, directeur de RAC, tente de garder son calme :
« Ce sont des propos diffamatoires, largement. Etienne Tête nous calomnie. On a une procédure qui est extrêmement simple : on reçoit les projets de films qui partent tous au comité. Il n’y a jamais de sélection en amont. »
Le comité de sélection de RAC est composé de professionnels et c’est Margaret Menegoz, productrice française entre autres de Michael Haneke, qui en est la présidente.
D’une part Etienne Tête déclare sans plus de précision qu’il y aurait du copinage dans le monde merveilleux du cinéma et, d’autre part, il estime que les films coproduits par la Région sont tout simplement nuls.
C’est quoi votre came, Etienne Tête ?
Tout le monde en prend pour son grade. La coproductrice mais aussi Jean-Jack Queyranne, président socialiste de la Région, accusé de mettre son grain de sel en loucedé dans les choix de RAC. Sur le principe, d’ailleurs, Etienne Tête n’y voit pas d’inconvénient. Il voudrait seulement en être. A cpasducinema, il dit :
« Le politique délibératif est mis devant le fait accompli, en revanche Jean-Jack Queyranne a tout pouvoir personnel, mais pas à titre institutionnel, pour influencer les décisions. La question n’est pas de savoir si le politique s’occupe de culture mais si le politique c’est le président de la Région tout seul ou l’ensemble des élus ? »
Le conseiller régional veut donner son avis. Il va même plus loin : dans une période transitoire, avant qu’un éventuel établissement public à caractère culturel (EPCC) ne soit créé, comme dans son souhait, pour soutenir le cinéma, l’élu écologiste propose de faire voter la production film par film. On manque de tomber de notre chaise. Les élus devraient donc se cogner les 150 pages des 70 scénarios reçus chaque année ? Puis voter ?
Etienne Tête aurait dû nous signaler, au moment des élections régionales, son top 10 cinéma. Que serait la production artistique si elle devait très directement être choisie, modelée par les élus ?
On peut aussi imaginer qu’il y ait une représentativité des partis politiques de l’assemblée, dans les films coproduits. A chacun son film, à chacun son chapitre, à chacun son nom dans le générique. On voit d’ici le conseiller régional du FN Bruno Gollnisch, trouver un moyen de coproduire une adaptation de la pièce Pauvre France. Ils vont avoir de la gueule, les films tournés dans le coin.
Pauvre France 1982 (pièce de théatre) (2) par Rosybart
« On est des pourris ou des gens formidables ? »
Rien n’assurerait, dans une nouvelle structure plus conforme (c’est à dire un EPCC), que le supposé copinage n’intervienne plus. Etienne Tête s’insurge contre le fait qu’un organisme de droit privé bénéficie d’un soutien public, sans plus de transparence. Il prend en exemple le metteur en scène Roger Planchon, qui a fondé RAC et qui a pu financer ses propres films avec le fonds. Ce qui n’a rien d’unique ; de la même façon, les metteurs en scène à la tête de théâtres largement subventionnés par les collectivités y montent et programment leurs propres pièces.
Le débat sur les aides apportées par les régions aux fonds de coproduction de cinéma ne date pas d’aujourd’hui. Le tribunal administratif, dans sa décision du 7 février dernier, annule la délibération du conseil régional renouvelant la convention le liant à la société RAC, pour la période 2011 – 2015. Dans le débat procédural rapporté au tribunal, ni la société ni la collectivité n’ont réussi à apporter des preuves suffisantes que les aides régionales sont valablement notifiées à la commission européenne.
Avec le CNC (centre national du cinéma), autre partenaire du système de coproduction, RAC travaille actuellement à apporter ces preuves, assure Grégory Faes.
Il s’interroge désormais sur la position du groupe Europe Ecologie Les Verts à la région qui, s’il est sans doute embarrassé par les velléités interventionnistes en matière d’art de son élu, espère aussi de la part de RAC plus d’ »équité », de « transparence » et d’ »égalité ».
« D’un côté Etienne Tête dit qu’on est des pourris, des vendus. De l’autre côté le groupe des Verts dit qu’on est formidables, que notre travail est remarquable. Il faudrait qu’ils accordent leurs violons. »
En fait, le groupe écologiste aimerait voir monter un EPCC (établissement public de coopération culturelle), dans lequel les élus pourraient siéger, non pas dans le but de choisir les films, mais dans celui de surveiller de plus près le circuit de financement, sur le modèle d’autres régions en France. La question soulevée est légitime, la méthode employée n’a juste pas servi à ouvrir le débat.
Cas de force majeure
Reportage de France TV Info.
Comme une réponse du berger à la bergère, c’est justement un film coproduit par Rhône-Alpes Cinéma qui vient de recevoir un prix à Cannes, Turist, ou encore Force majeure pour le titre traduit, de Ruben Östlund. Tourné aux Arcs, station de ski en Savoie, il a remporté le prix du Jury dans la catégorie « Un Certain regard ».
On ne sait pas si ce film aurait passé le barrage des jugements et goûts d’Etienne Tête. Un programmateur présent à Cannes et qui a visionné le film nous en a fait une critique assez raide :
« C’est un court métrage de 20 minutes qu’Östlund a tiré au maximum pour en faire un long. Mais en même temps, c’est une vraie carte postale. Ils peuvent être contents, à la Région : pour le coup, c’est très joli, le film fait bien la promo du coin. »
Actuellement, RAC planche sur 12 à 13 films à coproduire. « Il n’est pas question de condamner tous les projets qui sont en cours », explique Grégory Faes. Jean-Jack Queyranne a déjà déclaré quant à lui que rien ne serait stoppé, pas plus les films en cours de coproduction que son soutien à la structure RAC.
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