Fondé sur l’enjeu de places dans le futur exécutif et pas sur la base des programmes. L’accord entre les écologistes lyonnais et Gérard Collomb s’est fait calculette à la main. Personne n’a tenté de faire croire autre chose. Le score global des écologistes, 8,9% des voix sur l’ensemble des neuf arrondissements, a été très moyen, les plaçant dans une position de faiblesse à laquelle ils ne s’attendaient sans doute pas pour la négociation avec Gérard Collomb. Tout a dû se faire très vite : le maire en quête d’un troisième mandat devait avoir tout bouclé lundi soir pour accueillir le président chinois mardi matin.
Si le parti écologiste s’est lancé dans une candidature autonome avec le binôme Etienne Tête/Emeline Baume, leur campagne a très vite mis la sourdine sur la critique du maire PS (pourtant très acerbe au début, notamment sur le mode de gouvernance) : l’accord entre les deux tours était déjà dans toutes les têtes. Lundi, on apprenait que 17 transfuges écologistes étaient dispatchées dans les listes de Gérard Collomb, pour aboutir à la somme de cinq conseillers communautaires et quatre conseillers municipaux EELV. Mais c’est surtout la configuration proposée pour le 1er arrondissement qui a fait perdre leurs nerfs a de nombreux écologistes.
« L’oukase du maire sortant »
Leur candidate Emeline Baume y a fait un score assez faible (11,2%), en 4e position après Nathalie Perrin-Gilbert, maire sortante de l’arrondissement et candidate Front de gauche-Gram (33,4% des voix), après Odile Belinga, candidate de Gérard Collomb (26%), et derrière le candidat de l’UMP (19%).
La voilà qui se retrouve tête de liste, Gérard Collomb espérant que son étiquette verte séduira les électeurs de gauche de ce territoire. Et, peut-être, qu’elle lui permettra de fusiller Nathalie Perrin-Gilbert, qui avait été élue maire de l’arrondissement sous ses couleurs en 2001, exclue du PS depuis et avec qui les relations sont devenues exécrables.
Mardi soir, Philippe Meirieu nous confiait être « révolté ». Le vice-président écologiste à la Région s’est fendu d’un texte dans lequel il exprime sa colère sur cet « accord contre-nature » :
« Pour satisfaire à l’oukase du maire sortant qui veut éradiquer tout ce qui pourrait compromettre son hégémonie et contester son modèle de développement, les négociateurs d’EELV ont accepté de conclure un accord qui impose à l’une de leurs militantes d’affronter et de tenter de faire battre Nathalie Perrin-Gilbert, qui est arrivée en tête avec près de 34% des voix dans le 1er arrondissement. »
« Gérard Collomb nous instrumentalise »
Il faut dire que l’écologiste a connu un revers politique très douloureux avec, précisément, les figures en présence dans cet enjeu électoral spécifique lyonnais. En 2012, à l’issue de l’élection de François Hollande, il est investi par le parti socialiste, dans le cadre des accords signés avec EELV, pour faire campagne dans la 1ère circonscription de Lyon, avec « NPG » pour suppléante, alors non encore exclue du PS. Gérard Collomb est furieux car elle est déjà devenue son ennemie à ce moment ; il envoie son propre candidat, le PRG Thierry Braillard. Qui gagne et devient député.
Philippe Meirieu est plus qu’amer :
« Je souhaite vivement la victoire de Nathalie Perrin-Gilbert, dimanche, dans le 1er arrondissement de Lyon. Pour qu’un vrai contre-pouvoir existe à gauche à Lyon. »
Un militant confie sur le même ton à Lyon Capitale :
« Avec 10% au premier tour quand Nathalie Perrin-Gilbert fait 34%, quelle légitimité a-t-on ? Gérard Collomb nous instrumentalise dans sa guerre avec la maire du 1er arrondissement. Il fait de nous un parti qui ne respecte pas le choix des électeurs. Nous ne pouvons plus incarner le renouvellement démocratique, l’alternative à gauche. »
Le mauvais rôle, le prétexte du FN… et la misogynie
L’alliance d’Emeline Baume et de Gérard Collomb détonne particulièrement sur cet arrondissement car sur de nombreuses thématiques, pour ne pas dire toutes, EELV rejoint Nathalie Perrin-Gilbert. Philippe Meirieu en fait en partie la liste : le refus d’un Grand stade à Décines, la gestion de l’eau en régie publique, le droit universel au logement, la gouvernance équilibrée de la future Métropole…
Dans des communiqués lapidaires, cette alliance est justifiée, entre autres, par la volonté commune de faire barrage au FN à Lyon. Mais dans le 1er arrondissement où le parti d’extrême droite a réalisé son plus petit score (un peu plus de 6%), cela ne résonne pas. Dans l’objectif affiché de « battre la droite », l’accord pourrait en revanche mettre à mal Michel Havard, candidat UMP-UDI pour Lyon, dans le 5e arrondissement.
A Emeline Baume, en cas de victoire des listes fusionnées, a été promise la mairie d’arrondissement. Cette dernière est envoyée dans une mission pour laquelle elle est très controversée au sein de son propre camp. Avec NPG, elles se connaissent bien car Emeline Baume est une des conseillères d’arrondissement de sa majorité. Elles ne s’apprécient guère. « Querelle d’égos », dit-on, pour reprendre les termes les moins misogynes qualifiant cette mésentente.
La couleur des couleuvres
Ce mercredi soir, la jeune écologiste a tenu une conférence de presse aux côtés d’Odile Belinga, avocate de 54 ans qui a été, avant le premier tour, la tête de liste « société civile » de Gérard Collomb :
« C’était le moyen le plus efficace pour qu’il y ait des élus Verts dans les assemblées », a-t-elle dit.
Certes. L’alliance se serait faite aussi de façon à ce qu’ »aucun des deux n’ait à avaler trop de couleuvres. »
Sur son blog saladelyonnaise.com, un journaliste raconte qu’Emeline Baume serait au plus mal. Elle aurait lâché à plusieurs proches avoir été « vendue comme une esclave » par Etienne Tête et Pierre Hémon (le second est adjoint au maire en charge des personnes âgées). Le duo négociateur lui ayant spécifié qu’elle porterait la responsabilité de la disparition des Verts au sein des majorités et des exécutifs. Un militant nous confiait mardi soir qu’Emeline Baume n’avait fait que changer d’avis toute la journée.
Pendant la conférence de presse commune, la nouvelle tête de liste du 1er a tenté de ramener l’intérêt de cette fusion sur les programmes. Déclarant avoir obtenu plusieurs choses de la part des socialistes : mettre des producteurs locaux à la Halle de la Martinière, créer une piste cyclable à double sens dans l’arrondissement (on ne saura pas où exactement), faire de « l’éducation populaire », aller vers de « l’habitat coopératif et transgénérationnel ».
Pour Odile Belinga, reléguée à la troisième place sur la liste, dit avoir volontiers cédé sa place de tête de liste à Emeline Baume, une élue plus expérimentée :
« Il ne faut pas que le 1er arrondissement devienne un village retranché, éloigné du reste de Lyon. »
Sur l’éventuel maire d’arrondissement qui serait alors choisi si cette liste de fusion gagnait, Gilles Buna, écologiste Collomb-compatible de la première heure et qui n’a jamais quitté le maire, a tenté l’écran de fumée : « ce ne sera pas une femme ». On ne voit pas l’intérêt et de dire n’importe quoi et de cacher ce nom aux électeurs.
Etienne Tête comme Emeline Baume assurent que les écologistes, bien qu’unis à Gérard Collomb, continueront à militer contre les grands projets portés par le maire, le TOP (contournement autoroutier), le Grand stade de l’OL, la construction de tours dans la ville…
Que de questions inutiles, toujours contre le deuxième Grand Stade de Lyon à Décines, le combats continuent.
— Etienne tête (@EtienneTete) March 25, 2014
Quel pouvoir dans l’exécutif de Gérard Collomb ?
Même si comptablement la victoire pourrait être du côté de Gérard Collomb, NPG semble favorite sur le 1er arrondissement. Sa stratégie a porté ses fruits : à la tête de son Gram (groupement de réflexion et d’actions métropolitaines), elle a mené campagne dans son arrondissement, s’alliant de façon relativement distanciée mais suffisante, apparemment, au Front de gauche qui, pour ne pas lui faire faux bond, a refusé de rejoindre Gérard Collomb entre les deux tours.
L’accord laissera peut-être des traces. Quelques semaines au moins mais pas davantage car, bientôt, quand Gérard Collomb sera réélu, les écologistes devront montrer s’ils ont eu raison, s’ils ont les coudées franches ou si, comme une majorité d’entre eux n’a cessé de s’en plaindre pendant le deuxième mandat socialiste, ils devront amender toutes les décisions n’émanant que d’un seul homme, par ailleurs surnommé « Dieu » dans les couloirs de la mairie.
> Mise à jour ce mercredi 26 mars à 20h suite à la conférence de presse commune d’Emeline Baume et Odile Belinga.
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