La Métropole de Lyon pèsera plus de 4 milliards d’euros de budget et comptera certainement près de 8 000 agents. Pour la première fois ce mardi soir, sur la chaîne locale TLM, les candidats à la mairie de Lyon ont enfin débattu. Et il a enfin été question de cette collectivité d’un genre totalement nouveau. Le projet de loi a été élaboré « en catimini » par Michel Mercier, alors président UDI du département du Rhône, et Gérard Collomb, président PS du Grand Lyon.
« Manque de démocratie »
« Manque de démocratie » dans l’élaboration de la Métropole ; « pas de suffrage direct » avant 2020 pour la désignation de ses membres mais un « fléchage » : les principales critiques ont porté sur la méthode. Mais le principe du nouvel échelon territorial qui doit réduire le mille-feuille administratif et aboutir à des économies d’échelle, est en revanche validé par tous les candidats.
Carrément « une chance à saisir » pour Eric Lafond, candidat du centre (ex-Modem), ou encore « une opportunité » pour Michel Havard, candidat UMP-UDI.
« La loi est passée, qu’est-ce qu’on fait avec ça ? », a demandé Aline Guitar, candidate Front de gauche-Gram.
Si le périmètre des compétences de cette future Métropole reste à définir, tous les candidats (à l’exception de son géniteur, Gérard Collomb) ont soulevé la question de l’éloignement des citoyens avec cette méga-collectivité. Pour Michel Havard :
« Il faut faire attention au déficit démocratique : le citoyen a le sentiment d’être éloigné de tout ça ».
Pour Aline Guitar, comme pour Eric Lafond, candidat du centre (ex-Modem), il faudra donner davantage de budget aux arrondissements de Lyon, afin qu’à ce niveau des décisions puissent aussi être prises pour les habitants. Même Christophe Boudot, candidat du FN, est sur cette ligne.
Edile « le plus puissant de France »
Avec une vision très souple des textes fondamentaux, le Conseil constitutionnel a validé toute la loi sur la Métropole de Lyon dont le cumul des mandats « à titre transitoire ». Ainsi, entre 2015 et jusqu’en 2020, le maire de Lyon pourra être également le président de la Métropole. Soit l’« édile le plus puissant de France », selon l’animateur de TLM. Expression qui n’a pas été démentie par les débatteurs.
Gérard Collomb n’imagine pas une autre configuration ; Michel Havard non plus. A partir de 2020, le cumul de ces deux mandats ne sera plus possible, et le mode électoral reste à définir.
Etienne Tête, candidat d’EELV à Lyon, réclame un scrutin proportionnel (sur le modèle des élections régionales). Tout en pointant un amendement de la loi passé presque inaperçu, qui ne rend pas obligatoire la parité homme-femme dans la composition des élus de la Métropole, contrairement à ce qui est prévu pour toutes les autres collectivités.
Refonder les services sociaux
Opposé à Gérard Collomb sur la question de la fiscalité mais aussi des transports, le candidat UMP voit dans la Métropole un véritable salut. L’actuel maire PS prévoit, s’il est réélu, d’augmenter les impôts de 5% à Lyon au début de son troisième mandat, afin de lancer de nouveaux « grands projets », dont les études pour un métro entre le Vieux Lyon et la commune de Tassin. Michel Havard, quant à lui, envisage de réaliser grâce à la Métropole des économies telles qu’il pourrait, par exemple, réaliser sans hausse fiscale un métro entre Part-Dieu et Saint-Paul.
Dans la tête du candidat UMP, la réalisation de mutualisations entre la commune et la Métropole pourrait amener à faire des économies. Il cite l’exemple de la petite enfance.
Pour Aline Guitar, la Métropole ne doit pas être l’occasion de « supprimer du service public » :
« Les maisons du département remplissaient un rôle en direction de l’enfance et de l’aide sociale, les CCAS en remplissent un aussi. Comment on fusionne, pour rendre un meilleur service aux Lyonnais, et pas pour tailler dans le gras ? ».
Christophe Boudot ne croit pas quant à lui dans la possibilité de faire des économies avec une Métropole. Dans un élan catastrophiste, il imagine même la disparition totale des mairies sur l’ensemble du territoire métropolitain -ce qui n’a jamais été une option dans la loi. Pour le candidat FN, la Métropole constitue une série de craintes puisqu’il calcule aussi que les salaires des anciens agents du Département seront alignés sur ceux du Grand Lyon et que la masse salariale globale, dont il n’envisage pas qu’elle puisse diminuer, deviendrait trop coûteuse.
Un mystérieux « Contrat avec la Ville de Lyon »
Répondant aux critiques de ces adversaires, Gérard Collomb est resté dans le flou. L’actuel maire a toutefois évoqué un mystérieux « Contrat avec la Ville de Lyon », qui naîtrait donc de la Métropole et qui serait relatif à l’action sociale, compétence récupérée du Département :
« On a les maisons du Rhône, on a les antennes du CCAS, qui sont à 200 mètres l’une de l’autre. Oui, bien sûr que le fait de pouvoir avoir avec la Métropole un « contrat de la Ville de Lyon », ça permettra de diminuer les coûts ».
Pour gagner en efficacité (et faire des économies), Gérard Collomb plaide pour le rapprochement du développement économique et de l’insertion :
« Nous développons beaucoup l’économie (au Grand Lyon, ndlr), mais c’est le conseil général qui fait l’insertion. On va faire en sorte que dans cette Métropole, on fasse un meilleur service à un moindre coût. »
Sans plus de détail sur ce « contrat », Gérard Collomb est resté sur le constat de la dispersion des compétences :
« On voit bien que les choses sont complémentaires : habitat et insertion des publics les plus difficiles. Aujourd’hui, on loge, à travers Grand Lyon Habitat et nos organismes de logements sociaux, un certain nombre de personnes. Ensuite c’est le conseil général qui fait le suivi social et éventuellement l’insertion professionnelle. »
Pourquoi la Métropole est-elle si peu mentionnée dans la campagne ?
Municipales 2014: Lyon par TLM
Avec la Métropole, on parle ainsi, comme l’a mis en lumière le débat de TLM, de l’élu local « le plus puissant de France », d’un budget de près de 4 milliards d’euros par an et de « déficits démocratiques ». Malgré le poids de ces mots, les deux principaux prétendants à la mairie de Lyon ne font pas campagne frontalement sur ces enjeux institutionnels et démocratiques. Comme les campagnes des centristes, du Front National ou de Lutte Ouvrière (ces deux dernières ne portant que des sujets nationaux).
Dans les documents de campagne distribués aux Lyonnais, on ne trouve aucune mention des questions institutionnelles soulevées par cette fusion-acquisition.
Seules les listes écologistes et Front de gauche-Gram abordent dans les leurs la question métropolitaine sous l’angle des changements démocratiques et non pas seulement sous l’angle économique ou urbanistique (comme chez le socialiste Gérard Collomb).
Les écologistes ont présenté mardi à la presse un « programme écologiste pour le Grand Lyon et la future Métropole ». Il reprend les idées déjà évoquées dans les « 40 propositions » de la doublette Etienne Tête/Emeline Baume.
« Pour une plus grande proximité », disent-ils, il faudrait que tous les sujets métropolitains qui concernent la commune ou l’arrondissement soient débattus à ce niveau là (c’est à dire un très grand nombre). Cela passe également par une réforme des différentes instances consultatives (Conseil de quartier, Conseil de développement,…) pour leur donner plus de pouvoir.
Quel « pouvoir d’agir » supplémentaire donner aux citoyens présents dans ces instances ? Ils répondent par le développement du « référendum » en cas de désaccord entre ces différentes instances et l’exécutif de la Métropole. « Dans la limite d’un ou deux référendum par an », précisent-ils. C’est également l’idée de Christophe Boudot pour le FN qui, lui, envisage un référendum par an.
Du côté de la liste Front de gauche-Gram, c’est évidemment la seconde partie de l’alliance, le « Groupe de réflexion et d’actions métropolitaines » (fondé par Nathalie Perrin-Gilbert, actuelle maire du 1er arrondissement exclue du PS) qui a davantage pris en charge cette question : réunions publiques, lettres ouvertes, tract mais également une tribune de son président, Renaud Payre, dans Le Monde.
Leurs propositions rejoignent celles des écologistes (« revaloriser le délibératif face à la présidentialisation des institutions. »). Pour réparer l’absence de débat originel, le Front de gauche-Gram plaide pour la mise en place d’un « d’un parlement métropolitain, qui permettrait d’associer les citoyens à la décision ».
Un sujet « trop compliqué », « pas sexy »
Nous avons interrogé les états-majors des deux principales listes sur l’absence de la thématique « changements institutionnels impliqués par la Métropole de Lyon ». Dans les deux camps, on nous répond que le sujet est « trop compliqué pour les gens ».
« Vous ne vous rendez pas compte du gros paquet que cela représente », nous répond Olivier Brachet, directeur de campagne de Gérard Collomb.
Celui de Michel Havard, Damien Gouy-Perret, reconnaît qu’il ne sait peut-être pas « rendre sexy » ce sujet :
« Le grand public attend des messages simples. La sécurité, les transports, ça intéresse directement. Pour nous, c’est extrêmement compliqué de synthétiser dans un tract les enjeux de la Métropole ».
Presque dans les mêmes termes, les responsables de campagne nous expliquent que « si l’on fait une réunion publique sur le sujet, personne ne viendra ».
Pour autant, selon eux, cette question n’est pas absente de la campagne. Sur les marchés, dans les réunions publiques, les candidats l’évoquent. « Cette question est sous-jacente partout », nous affirme Michel Havard.
De la même manière, candidats socialistes et de l’UMP évoquent le calendrier. Jean-Yves Secheresse, vice-président PS du Grand Lyon, délégué à la stratégie de coopération métropolitaine a précisé à la Gazette des communes :
« Le vrai temps politique de la Métropole aura lieu dans quatre ou cinq mois, lors de la mise en place des instruments communautaires sur ce qui a et va changer d’ici le 31 décembre ».
Un premier état des lieux de la future Métropole, né de la réflexion de groupes de travail réunissant élus et services du département et du Grand Lyon, a été réalisé : les commissions de travail viennent de rendre leurs conclusions. Lesquelles seraient présentées à la future assemblée du Grand Lyon en mai.
Michel Havard voit large :
« Les choses sont en train de se faire. On a eu peu de temps pour faire de l’analyse ».
Ne pas énerver les autres maires du Grand Lyon
Les deux principaux prétendants à la mairie de Lyon mais aussi à la présidence du Grand Lyon et donc, en 2015, de la Métropole de Lyon n’ont, en réalité, pas d’intérêt à trop s’avancer sur le sujet du partage des compétences entre les communes et la future Métropole.
Car pour rassembler une majorité au conseil communautaire, les tractations sont souvent longues et difficiles avec les maires des grandes mais aussi des petites communes.
Gérard Collomb, élu en 2001 grâce aux voix des maires des petites communes de droite de l’Ouest lyonnais s’en souvient.
En 2014, il ne sait pas encore ce qu’il devra leur concéder. A eux mais aussi aux autres groupes qui pourraient composer sa majorité.
Il doit également compter avec une potentielle réélection du socialiste Jean-Paul Bret à Villeurbanne, qui a fait de l’affirmation de sa commune au sein de la Métropole un de ses thèmes de campagne. Et il s’est particulièrement montré sourcilleux sur les compétences que la future méga-collectivité pourrait lui prendre.
Quant à l’actuelle maire de Vénissieux, la communiste Michèle Picard, elle a fait de la « résistance à la Métropole », un des grands axes de sa campagne.
Il pourrait ainsi être mal vu, de la part d’un candidat à la mairie de Lyon, de faire campagne de manière trop visible sur la Métropole de Lyon. Comme si le bulletin de vote des Lyonnais comptait double, contrairement à celui des Vénissians ou des Villeurbannais.
> Article actualisé le 13 mars à 10h30 suite au commentaire de bidule, avec la précision sur le nombre d’agents que pourrait compter la future Métropole de Lyon.
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