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Tram-train de l’Ouest lyonnais : faux départ ou fiasco politique ?

En arrêt depuis le 3 décembre dernier, le tram-train de l’Ouest lyonnais devrait reprendre son service de manière progressive à partir de fin janvier. Pas moins de 8 000 voyageurs par jour selon le Conseil Régional, 4 000 selon la SNCF sont jusqu’ici restés à quai. Le tram-train d’Alstom / Crédit photo : Région Rhône-Alpes. …

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Tram-train de l’Ouest lyonnais : faux départ ou fiasco politique ?

En arrêt depuis le 3 décembre dernier, le tram-train de l’Ouest lyonnais devrait reprendre son service de manière progressive à partir de fin janvier. Pas moins de 8 000 voyageurs par jour selon le Conseil Régional, 4 000 selon la SNCF sont jusqu’ici restés à quai.

Le tram-train d’Alstom / Crédit photo : Région Rhône-Alpes. DR

Six mois, voire un an de fermeture. Les paris allaient bon train sur la durée de l’arrêt du tram-train de l’Ouest lyonnais depuis son incident le 3 décembre dernier. En réalité, les choses pourraient aller un peu plus vite, estime le service communication du constructeur Alstom :

« Le réseau sera ré-ouvert à partir du 20 janvier pour le Pays de la Loire et fin janvier sur l’Ouest lyonnais de manière progressive. La totalité du parc sera ainsi en service commercial courant avril 2014 ».

Les défenseurs du tram-train vont certainement traîner ce nouvel accro comme un boulet pendant quelques temps. Car on a frôlé la catastrophe. Le 3 décembre dernier, vers 21h30, après un stop en gare de Fleurieux-sur-l’Arbresle, une roue du tram-train s’est subitement bloquée. L’accident, qui s’est produit alors que la rame roulait à petite vitesse, n’a eu aucune conséquence fâcheuse pour la quinzaine d’usagers. Mais depuis, plus aucun appareil ne circule sur les deux lignes de l’Ouest lyonnais (Sain-Bel/Saint Paul et Brignais/Saint Paul).

Alstom a-t-elle fait preuve de négligence ?

Dans la foulée, la ligne Nantes-Clisson a également été suspendue par mesure de précaution.

Après une première étude au technicentre de l’Arbresle, la roue défectueuse a été passée au crible au centre d’essais ferroviaires de Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Les conclusions ont été rendues le 20 décembre dernier. C’est le boitard, une pièce reliant la roue à l’essieu, qui s’est fissurée, puis cassée. Conséquence : la pièce défectueuse sera changée sur la totalité des trams-trains équipés du système Dualis d’Alstom (48 trams-trains).

Pourtant, cette casse aurait pu être évitée selon Patrick Mondon, représentant du syndicat Sud Rail, si Alstom n’avait pas faire preuve de négligence.

« Avant la mise en circulation du tram-train, Alstom avait testé le boitard sur ordinateur et pas sur machine. Le constructeur n’avait pas jugé cette pièce à risque ».

La galère des usagers

En attendant la reprise de la circulation, les usagers doivent faire contre mauvaise fortune bon cœur. Un plan de transport adapté a immédiatement été mis en place. Un train toutes les trente minutes en heure de pointe sur la ligne Saint-Bel/Saint-Paul, complété par des cars.

Sur la ligne Brignais/Saint-Paul, la desserte est uniquement assurée en car au départ de Brignais et de Gorge de Loup (Lyon 9e). La courbure reliant cette ligne au tronçon commun ne permet pas d’employer un matériel TER classique.

Blandine Merle, membre de l’association des Clients de la ligne T.E.R. Sain-Bel-Tassin-Lyon (SATALY), dénonce ce plan de transport adapté :

« Depuis l’incident, je voyage dans les anciens trains pour faire l’Arbresle-Lyon Saint-Paul, et la fréquence a été divisée par deux. De 15 minutes à 30 minutes. Et le week-end, c’est pire. Pour les vacances de Noël, les TER de remplacement ont même été supprimés sur notre ligne. Résultat : un bus toutes les heures. »

Pour Nadine Vachez, présidente de l’association d’usagers, ce n’est pas tant la gestion de la crise qui a péché :

« J’ai dit bravo pour la gestion immédiate de l’incident, car dès le surlendemain (5 décembre), des TER étaient mis en service sur la ligne Sain-Bel/Saint-Paul ».

En revanche, elle attend désormais un plan à la hauteur de la gêne occasionnée :

« La SNCF nous répond qu’elle ne peut pas mettre de trains supplémentaires. Il n’y aurait soit-disant pas assez de matériels et de conducteurs disponibles, car les conducteurs de trams-trains ne sont pas habilités à conduire des TER ».

Depuis le 3 décembre, les usagers quotidiens du tram-train doivent ainsi développer des systèmes D. Certains ont eu recours au covoiturage. C’est le cas à Chaponost où plusieurs voyageurs font du covoiturage pour aller prendre le métro à Oullins. Une information tirée du dernier comité de ligne de l’Ouest lyonnais. D’ailleurs, la conclusion du compte-rendu, que s’est procurée Rue89Lyon, révèle l’urgence de la situation:

 «D’une manière générale, la situation s’est dégradée. La SNCF se donne un mois pour réagir ».

Indemnisation : « ce n’est pas notre priorité »

La question de l’indemnisation avait été également soulevée lors du dernier Comité de ligne.

« Sur les trois branches, les usagers qui avaient acheté un abonnement pour décembre peuvent se présenter à la SNCF. La mesure d’indemnisation sera vue au cas par cas ».

Joint par téléphone, Alexandra Autret, responsable territoriale du TER Rhône-Alpes, balaie d’un revers de main cette information :

« Ce n’est pas notre priorité pour l’instant. L’objectif est surtout d’assurer la sécurité des voyageurs. Et que chacun puisse trouver une solution à son trajet. Aucune date n’est encore arrêtée pour les indemnisations ».

Une fréquentation en hausse

Lancé en septembre 2012, le tram-train répondait à un besoin : désenclaver l’ouest lyonnais. Cette zone compte 35 communes et environ 230 000 habitants. Sa géographie vallonnée était particulièrement propice à ce mode de transport déjà éprouvé dans d’autres périphéries urbaines. Au final, le projet aura coûté 297 millions d’euros, financés en majeure partie par la Région.

Tous les voyants semblaient au vert jusqu’à l’incident. Le taux de fréquentation a connu une progression de 20% entre septembre 2012 et août 2013. Eliane Giraud insiste sur un point, le taux de ponctualité :

« Il est de très bon niveau, compris entre 96 et 98%, soit un taux supérieur à la moyenne en Rhône-Alpes. Alors que le taux de trains supprimés est faible, compris entre 0,8 et 1,6% ».

Gilles Desforges, conseiller municipal de Brignais, délégué aux transports et aux économies d’énergie, défend le tram-train :

« L’accident fut un grand choc, une grande déception pour tout le monde. Car à Brignais, ce système très efficace a eu un succès immédiat ».

Des couacs en série

Malgré une progression du nombre d’usagers, le tram-train n’a jamais fait consensus. Avant sa mise en circulation, il était déjà sous le feu des critiques. Aujourd’hui, les événements donneraient presque raison à ses détracteurs. Le départ fut poussif : un an de retard pour l’Ouest lyonnais, dix mois de retard sur la ligne Nantes-Clisson. Les couacs se sont enchaînés. Voici quelques exemples relatés par Sud Rail :

  •  Le 3 septembre 2012, incident du tram-train 890056 sous le tunnel de Loyasse :des voyageurs bloqués pendant des heures.
  •  Mouvements et chutes de poteaux caténaires.
  • Difficultés récurrentes du matériel en hiver comme en été sous l’effet du froid ou de la chaleur.
  • Problème de fermeture des portes.

La liste est longue pour des usagers de plus en plus excédés. Que ce soit sur des blogs de particuliers affectés ou encore sur des sites de pétitions en ligne, le tram-train nourrissait, avant même l’incident du 3 décembre, pas mal de critiques.

Un transport « low cost »

Si beaucoup ont reproché le coût pharaonique, pour certains syndicalistes de la SNCF, au contraire, il s’agit d’un projet « low-cost ». Comme Patrick Mondon, délégué Sud-Rail :

« La situation actuelle sur l’Ouest lyonnais prouve que nous avions raison d’être contre le choix de la SNCF et du conseil régional de faire du ferroviaire avec une organisation et du matériel low-cost inadapté sur l’Ouest lyonnais ».

Il avance une raison : le coût.

« C’est un choix purement économique avec des conducteurs sous-payés. La SNCF a créé un nouveau grade – conducteur tram-train- avec un salaire de 1 200 euros net en début de carrière contre 3 000 euros en moyenne par mois pour un conducteur TER. Même chose au niveau de la formation : un conducteur TER fait neuf mois de formation contre trois mois pour un conducteur tram-train. Sans oublier qu’ils se trouvent seuls à bord ».

Une critique à laquelle la SNCF, jointe par téléphone, n’a pas souhaité répondre.

Un gain de temps faible

L’association SATALY n’a jamais vu d’un bon œil la présence du tram-train dans l’Ouest lyonnais. Blandine Merle accuse les instances d’avoir fait la sourde oreille à leurs revendications :

« Comme d’autres associations, nous avions demandé un doublement des voies, car le TER circulait sur une seule voie. Les différents organes décisionnels ont demandé notre avis sans en tenir compte au final. On nous a avancé des raisons de coût et de réalisation. Certains tronçons comme le Tunnel des 2 Amants avant Gorge-de-Loup ne pouvaient pas être doublés ».

Nadine Vachez s’interroge sur la viabilité d’un tel investissement :

« On gagne finalement peu de temps avec le tram-train, cinq minutes sur un trajet d’une demi-heure. Cela n’est pas considérable compte tenu de l’investissement occasionné. Notre principal souci est moins le temps que la fiabilité. Les usagers n’ont pas envie de circuler sur du matériel défectueux ».

Ce à quoi répond Eliane Giraud :

« On n’a pas fait le tram-train parce qu’on voulait faire un système low-cost. La Région voulait un transport innovant en milieu urbain pour répondre aux besoins des usagers ».

Reste à savoir si les usagers avaient réellement besoin d’un transport qui semble rouler sur des œufs.


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