Depuis quelques années, le sigle LGBT s’est enrichi d’une nouvelle lettre : un I, encore discret et plutôt rare (mais que l’on voit fleurir par exemple à la devanture du local d’ARIS depuis sa réouverture en juin 2012 sous le nom d’ARIS – Centre LGBTI) et qui désigne les intersexes. Dans l’imaginaire collectif, l’intersexuation se confond souvent avec l’hermaphrodisme, une notion médicale datant de la fin du XIXe siècle et qui a le tort, pour beaucoup des personnes concernées, de laisser croire qu’il existe des individus possédant deux types d’organes génitaux (masculins et féminins) parfaitement développés.
Si une telle configuration est physiologiquement impossible, certains bébés naissent en revanche avec des organes génitaux que les médecins qualifient généralement d’“ambigus“ ou d’“indéfinis“ (deux adjectifs rejetés par les associations de personnes intersexes), c’est-à-dire ni totalement masculins, ni totalement féminins. Encore ne s’agit-il là que d’une toute petite minorité des personnes intersexes… Pour mesurer leur degré d’intersexuation, on utilise alors un outil inventé dans les années 50 par le pédiatre et endocrinologue suisse Andrea Prader (1919-2001) : l’échelle de Prader comprend six degrés, de 0 à 5. 0 correspond à des organes génitaux externes clairement féminins, 5 à des organes génitaux externes clairement masculins.
« Je me suis toujours sentie fille »
À sa naissance en 1969, Natasha Cailleux a ainsi été catégorisée comme “Prader 4“. À l’âge de six ans, elle subit une première opération chirurgicale avant de connaître, durant toute son adolescence, un traitement à base d’hormones de croissance et de testostérone dans le but de la “viriliser“. Dès qu’elle atteint sa majorité, son père l’engage dans la Légion étrangère afin d’en faire “un vrai homme“…
«Pourtant, au fond de moi, je me suis toujours sentie fille !», explique-t-elle.
Mais pour l’état civil, elle est alors un garçon, sans contestation possible. Sa féminité, elle ne peut la vivre que par le travestissement. «J’ai du m’hormoner de façon pirate», c’est-à-dire en dehors de tout suivi médical, un traitement qui n’est évidemment pas sans risque et qu’elle finance en se prostituant. Ce n’est qu’en approchant des rivages de la quarantaine qu’elle pourra subir une nouvelle opération chirurgicale, non pas de réassignation sexuelle, mais d’assignation sexuelle :
«Ce qui nous différencie des personnes trans, c’est qu’on demande un sexe, pas un changement de sexe».
Hermaphrodite endormi, au Louvre. © Miriam Mollerus / CC / Flickr
« Ni une tare, ni une pathologie »
Le cas de Natasha est un exemple d’intersexuation parmi d’autres, mais pas le plus répandu. Car la grande majorité des personnes intersexes présentent des organes génitaux typiquement masculins ou féminins. Leur intersexuation peut alors résulter d’un dysfonctionnement hormonal et se manifester par exemple à la puberté à travers l’absence de développement mammaire ou une pilosité très abondante.
L’intersexuation peut également avoir des origines chromosomiques : c’est le cas des personnes atteintes du syndrome de Klinefelter, qui possèdent plus de deux chromosomes sexuels (XXY, XXXY, XXYY…).
Quelles que soient les causes et les manifestations de l’intersexuation, Natascha aimerait que le grand public comprenne qu’«il ne s’agit ni d’une tare, ni d’une pathologie : juste d’une particularité» et milite pour cela à la section lyonnaise d’Homosexualités et Socialisme (HES), où elle est plus spécifiquement en charge des thématiques liées aux transidentités et à l’intersexuation.
«Lutter contre l’assignation obligatoire»
Elle est également en lien régulier avec le Groupe de Recherche, d’étude et de Traitement des Troubles de l’Identité Sexuelle (GRETTIS) que coordonne à Lyon le professeur Nicolas Morel-Journel, qui l’a opérée. Pour elle, l’urgence (outre une loi simplifiant le changement d’état civil) est de «lutter contre l’assignation obligatoire» des bébés qui présentent, aux yeux des parents et des chirurgiens, des organes génitaux “ambigus“.
Dans de pareilles situations :
«La parole des enfants est la plus importante», juge-t-elle en connaissance de cause, même si elle est consciente que «la pression parentale est souvent la plus forte. Mais c’est une vie qu’ils risquent de gâcher».
Pour éviter de tels drames, Natasha préconise notamment une meilleure information des parents, par exemple à travers la remise aux femmes enceintes d’une brochure sur l’intersexuation.
Un site pour aller plus loin
S’il existe sur Internet beaucoup de forums où les personnes trans ou intersexes peuvent trouver des réponses à leurs questions, peu de sites sont aussi complets que www.txy.fr, qui se veut une plateforme d’échanges et d’entraide entre tous les «T» et les «I». Il publie des contributions des différents acteurs des mouvements trans et intersexes, aux positions parfois très divergentes.
Par Romain Vallet, à retrouver sur heteroclite.org

Rue89Lyon est menacé ! Enquêter sur l’extrême droite, mettre notre nez dans les affaires de patrons peu scrupuleux, être une vigie des pouvoirs politiques… Depuis 14 ans, nous assurons toutes ces missions d’utilité publique pour la vie locale. Mais nos finances sont fragiles. Nous avons besoin de 30 000 euros au 16 avril pour continuer d’être ce contre-pouvoir local l’année prochaine.
En 2025, nous faisons face à trois menaces :
- Un procès-bâillon : nous allons passer au tribunal face à Jean-Michel Aulas, ex-patron de l’OL qui nous attaque en diffamation.
- Des réseaux sociaux hostiles : Facebook, X, mais aussi Google, ces plateformes invisibilisent de plus en plus les médias indépendants en ligne.
- La montée de l’extrême droite : notre travail d’enquête sur le sujet nous expose et demande des moyens. Face à Vincent Bolloré ou Pierre-Edouard Stérin qui rachètent des médias pour pousser leur idéologie mortifère, notre média indépendant est un espace de résistance.
Pour toutes ces raisons, nous avons besoin de votre soutien : abonnez-vous ou faites un don à Rue89Lyon !
Chargement des commentaires…