Par Leïla Piazza et Antoine Pâris
A 18h, des habitants du quartier et militants s’étaient donnés rendez-vous sur l’esplanade de la Grande-Côte, pour une action mystère. Quelques minutes plus tard, ils se sont dirigés vers le collège Truffaut, vide depuis septembre.
Sur place, ils ont été accueillis par quelques policiers, qui ont tenté de stopper l’entrée des manifestants dans les bâtiments à coup de gaz lacrymogène. Une dizaine d’entre eux a toutefois pu rentrer. Quinze minutes plus tard, les policiers, après la venue de renforts, ont laissé passer une cinquantaine de manifestants qui ont pu s’introduire dans les locaux du collège Truffaut. Avant, qu’une nouvelle fois, les forces de l’ordre fassent usage de gaz lacrymogènes.
Les politiques s’en mêlent
Présents rapidement sur les lieux, la maire du 1er arrondissement, Nathalie Perrin-Gilbert, en congé du PS ainsi que le conseiller régional Front de gauche, Armand Creus ont été touchés par les gaz lacrymogènes. Ils envisageaient de porter plainte.
Nathalie Perrin-Gilbert, les yeux larmoyants et la voix érayée :
« Parce qu’il est inadmissible que des enfants dorment à la rue et que chaque jour, 1000 personnes se voient refuser l’hébergement d’urgence au 115, nous demandons la réquisition légale du collège Truffaut. »
Et la maire du premier d’expliquer qu’elle a envoyé plusieurs lettres au maire de Lyon, Gérard Collomb, « pour proposer des réquisitions » :
« Zéro réponse ! On a un maire et un préfet qui ne bougent pas. Alors on est obligés d’agir. »
Armand Creus a alors pris la parole pour appeler les gens à prévenir des soutiens pour qu’ils viennent renforcer la mobilisation :
« On est simplement là pour faire respecter le droit. On n’est pas des casseurs, nous n’acceptons pas d’être gazés ! Nous sommes là pour créer un dialogue sur les réquisitions de logements vides. »
Durant trois heures, une cinquantaine de personnes ont occupé le collège Truffaut. A l’extérieur, une centaine de personnes, rejoints par des soutiens, venus notamment d’une réunion qui se tenait en parallèle à l’école Gilbert Dru dans le 7e arrondissement.
Vers 21h, les personnes présentes à l’intérieur sont sorties dans le calme des bâtiments. Ils se sont alors dirigés vers la place de la Comédie, pour une manifestation symbolique, aux cris de « un toit c’est un droit, réquisition ! ».
Et ce, toujours accompagnés de Nathalie Perrin-Gilbert et d’Armand Creus. Devant l’Hôtel de ville de Lyon, les deux élus ont à nouveau pris la parole, sifflés par une partie des personnes présentes. Certains parlaient de « récupération » en cette période d’élections municipales.
« Les municipales, on s’en fout ! On veut de la mobilisation, pas des discours. »
Les deux élus étant à l’origine de la constitution d’une liste commune associant le Front de gauche et le club de réflexion de NPG, le Gram.
« Une mobilisation citoyenne »
A l’origine de cette action coup de poing, on ne trouve pourtant pas de politiques. C’est la suite d’une mobilisation qui avait démarré fin novembre à la Croix-Rousse.
Claude, membre du comité de soutien aux familles sans-papier de l’école Victor Hugo et de RESF, explique :
« A la base, ce sont des commerçants de la montée de la Grande-Côte et des parents d’élèves, qui s’indignent de voir des familles avec enfants, notamment du collège de la Tourette, dormir à la rue. Depuis le 30 novembre, les gens du quartier se sont relayés pour les héberger et leur offrir de la nourriture. C’est plus large que d’habitude comme mobilisation, c’est assez hétéroclite. »
Et en effet, ce mardi soir, les personnes présentaient des profils variés. Il y avait des militants, de CLASSES, de la Ligue des droits de l’homme, du Mrap… bien sûr. Mais il y avait surtout des parents d’élèves venus avec leurs enfants, des habitants du quartier, d’âges divers.
Séverine, l’une des personnes mobilisées, s’en réjouit :
« Ce qui est bien, c’est que ce soir, ce n’est pas seulement rouge et noir. C’est une véritable mobilisation citoyenne. »
Martin, musicien intervenant dans les écoles, en rajoutait une couche :
« C’est une mobilisation d’habitants du quartier contre une politique inhumaine, inutile et triste. »
Dans le 1er arrondissement, les enseignants et parents d’élèves parlent d’au moins neuf familles à la rue.
Deux quartiers en pointe : Croix-Rousse et Guillotière
Mais il n’y a pas que les Pentes de la Croix-Rousse à être concerné. Dans le même temps, ce mardi soir, se tenait une conférence de presse à l’école Gilbert Dru dans le 7e arrondissement de Lyon, au coeur de la Guillotière. Cette école est occupée depuis deux semaines par des parents d’élèves pour obtenir un hébergement pour des familles à la rue.
Une bonne centaine de personnes étaient présentes pour un goûter suivi d’une conférence de presse. A la tribune improvisée, des parents et enseignants de l’école Gilbert Dru, des représentants de la FCPE, RESF ou encore des membres de l’association CLASSES.
Outre l’école Gilbert Dru, l’école Berthelot est également occupée. D’autres écoles sont touchées par des enfants vivant à la rue ou dans des squats. Mais c’est clairement à la Guillotière et sur les Pentes de la Croix-Rousse que le terreau militant et associatif permet des actions des occupations d’école ou des tentatives de « réquisition citoyenne ».
Et encore, le désarroi est marqué, notamment dans les rangs des parents d’élèves de l’école Berthelot. La FCPE craint l’arrivée des vacances scolaires qui risquent d’entamer la mobilisation et l’attention. L’occupation des écoles risque en effet de devenir difficile :
« Et puis, comment va-t-on faire si les personnes restent longtemps sans solution ? Nous, à l’école Berthelot, on a toujours aucune réponse des autorités, aucune solution ».
Des solutions insuffisantes et tentations radicales
La conseillère générale PS du 7e arrondissement, a bataillé pour trouver des solutions. Tous les enseignants et parents d’élèves le disent. Elle annonce :
« On a pu reloger une famille grâce à des places d’urgence qui devaient s’ouvrir, mais pour les autres familles de l’école Gilbert Dru et de Berthelot, ça va être plus compliqué ».
550 places supplémentaires ont été ouvertes pour le plan froid mais ce n’est pas suffisant et près de 800 personnes se trouvent sans solution en appelant le 115.
Alors les parents d’élèves continuent à bricoler pour accueillir et soutenir les enfants et leurs parents SDF.
Et une tentation plus radicale a soulevé l’enthousiasme d’une partie des parents d’élèves réunis pour ce goûter : l’ouverture de squats.
« C’est une solution. Certes les squats ont mauvaise réputation. Mais il s’agit de logements chauffés, avec des matelas. La situation est tellement critique qu’on a même des assistantes sociales qui nous appellent pour savoir si on peut héberger des familles », raconte le Collectif logement qui revendique l’ouverture d’une dizaine de squats.
Ce mercredi, le maire de Lyon a réagi aux évènements de mardi soir, dénonçant notamment la « récupération politique ».
Et quelque 200 personnes, selon leprogres.fr, se sont rassemblées mercredi soir devant l’hôtel de ville pour réclamer la réquisition de bâtiments vides.
> Article mis à jour le 19 décembre à 11h avec la réaction de Gérard Collomb et une nouvelle manifestation devant l’hôtel de ville.
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