Depuis mercredi 3 décembre, une grosse partie de la région est touchée par un épisode de pollution aux particules fines. Le lendemain, le niveau d’alerte, celui où des mesures de restriction des sources de pollution doivent être prises, a même été franchi dans le bassin lyonnais et Nord Isère, relate l’observatoire Air Rhône-Alpes.
Après une petite accalmie ce week-end, le niveau redescendant à un dispositif préfectoral « d’information et de recommandation », le niveau d’alerte a été réactivé mardi 10 décembre dans le bassin lyonnais, le Nord Isère et la vallée de l’Arve.
Il s’est ensuite généralisé à l’ensemble des zones de la région, passant même au niveau 2 dans le bassin lyonnais. Et les choses ne devraient pas s’améliorer tout de suite, prévient Air Rhône-Alpes :
« Jeudi 12 décembre, les conditions météorologiques devraient peu évoluer. La dispersion des polluants restera donc peu efficace, malgré un léger fléchissement sur l’ouest de la région. »
Dans les 48 heures, l’observatoire espère toutefois une « probable » amélioration.
A l’origine de ce mal, responsable de dizaines de milliers de décès prématurés chaque année en France, une cause quelque peu surprenante.
Article initialement publié le 6 févier 2013.
En février/mars 2013, Rhône-Alpes a connu 11 jours consécutifs de pollution aux particules fines. Cet épisode exceptionnel par sa durée et son intensité (selon Air Rhône-Alpes) rappelle que la pollution est à l’origine de 42 000 décès prématurés chaque année en France. La pollution tue donc. Et sa première source d’émission est le chauffage au bois. L’Etat semble enfin décidé à agir. Sur le moyen terme, car en ce moment, à part réduire la vitesse, aucune autre mesure n’a été prise.
En hiver, ce sont les particules fines. En été, c’est l’ozone. Pendant la saison froide, les pics de pollution aux particules fines se suivent et se ressemblent, créant un sentiment d’accoutumance.
Les communiqués de la préfecture annonçant que l’on dépasse les niveaux d’alerte sont relayés par la presse. Mais les articles ne battent pas des records d’audience.
La préfecture communique sur la réduction de vitesse à 70 km/h. Mais les automobilistes ne sont pas nombreux à lever le pied.
Mis à part réduire la vitesse sur les périphériques de nos agglomérations, l’Etat semblait jusque là rechigner à prendre des mesures. Peut-être parce qu’elles peuvent être impopulaires, puisqu’il en va de la liberté individuelle, en l’occurrence celle de se chauffer comme on l’entend.
1. Rhône-Alpes, l’une des régions les plus polluées de France
2. La pollution des petits pavillons
3. Six mois d’espérance de vie à gagner
4. « Beaucoup d’efforts ont été faits sur les diesels »
5. Un fonds d’aide pour changer de cheminée
6. La Vallée de l’Arve en première ligne
7. « Fini le feu à l’âtre »
1. Rhône-Alpes, l’une des régions les plus polluées de France
Les particules fines sont des particules en suspension de la taille d’une cellule qui se glissent dans l’appareil respiratoire.
Comparées aux émissions d’autres polluants, celles des particules diminuent le moins vite. Elles ont même eu tendance à augmenter entre 2007 et 2008.
En 2011, année noire, toutes les stations de l’agglomération lyonnaise ont enregistré des dépassements de la valeur limite de 35 jours admis par l’Union européenne. Le point de mesure le plus exposé (le record) de la région est la station de la Mulatière, au sud de Lyon, à proximité du trafic routier : 93 jours de dépassement de la valeur limite pour les concentrations dans l’air.
Selon Air Rhône-Alpes, l’organisme en charge de la surveillance de l’air dans la région, 2012 devrait être meilleure.
Mais tout de même, 33% de la population rhônalpine a été exposée à des dépassements de seuil en 2011. Ce qui en fait l’une des régions les plus polluées de France.
Quatre zones sont particulièrement concernées :
– L’agglomération lyonnaise
– L’agglomération stéphanoise
– L’agglomération grenobloise
– La Vallée de l’Arve
Sur une carte, voilà ce que ça donne.
Les particules fines ont trois sources principales :
- Le trafic routier, surtout les moteurs diesel
- Les activités industrielles
- Le chauffage au bois non-performant
2. La pollution des petits pavillons
Sources : Air Rhône-Alpes
En fonction des zones considérées, la proportion des sources d’émission varie. En Rhône-Alpes, en moyenne, la principale cause de pollution aux particules fines (PM10 et PM 2,5) est donc le chauffage au bois individuel (et non pas les chaufferies à bois collectives) utilisé dans de mauvaises conditions.
Par « mauvaises conditions », il faut entendre :
– Des foyers ouverts ou anciens (datant d’avant 1996) plutôt que des foyers fermés.
– Du bois traité ou humide plutôt que non-traité et sec.
En moyenne, sur l’année, le chauffage au bois domestique (en clair votre poêle ou votre cheminée) est responsable de cette pollution aux particules fines à hauteur de 34%. L’impact du chauffage peut atteindre 55% en saison hivernale et 71% les jours de grand froid, soit une multiplication par 4 des tonnages émis.
Même à Lyon. La moitié de la pollution de l’agglomération lyonnaise provient d’ailleurs. Car la pollution, c’est comme le nuage de Tchernobyl : elle ne connaît pas de frontière. Conséquence : le fond de l’air (pollué) est dû en grande partie aux chauffages domestiques des zones pavillonnaires péri-urbaines.
A proximité d’un axe routier, on peut atteindre des records quand cette pollution de fond déjà élevée se cumule avec la pollution des véhicules.
En hiver, la météo n’arrange rien. Peu de vent, un anticyclone et une baisse des températures compose le cocktail idéal pour un pic de pollution.
Il existe également un phénomène d’inversion de températures en hiver. Comme si un couvercle se formait en dessous duquel (en vallée), il fait plus froid qu’au dessus. Ce phénomène est particulièrement fréquent dans les vallées alpines.
3. Six mois d’espérance de vie à gagner
Les particules fines (PM10) sont à l’origine de 42 000 décès prématurés chaque année en France.
Selon l’étude Aphekom, dans les principales villes polluées françaises (Lille, Paris ou Lyon), près de six mois d’espérance de vie pourraient être gagnés si la pollution était ramenée aux niveaux préconisés dans les « lignes directrices » de l’OMS.
La Commission européenne fixe à 50 microgrammes par m3 (µg/m3)la concentration journalière maximal de PM10. Cette valeur ne devant pas être dépassée plus de 35 fois au cours d’une même année.
La France qui a pulvérisé ces seuils journaliers dans plusieurs régions, notamment en Rhône-Alpes se retrouve assignée par l’Union européenne devant la Cour européenne de justice. La décision n’a pas encore été prise.
Selon plusieurs sources, les pénalités pourraient atteindre les 15 à 20 millions d’euros par an.
Lors du lancement de ce contentieux, la commission européenne reprochait à la France non seulement de ne pas avoir respecté les valeurs limites mais également de ne pas avoir mis en place un plan d’action visant à respecter ces seuils d’exposition.
4. « Beaucoup d’efforts ont été faits sur les diesels »
Il n’y a pas que l’Union européenne qui fait pression sur la France. Au début de cette année 2013, l’INVS (Institut national de veille sanitaire) en appelait à des politiques « plus radicales » en la matière.
Jusqu’ici, seuls les secteurs de l’industrie et du transport étaient dans le viseur des pouvoirs publics pour diminuer la pollution.
Concernant, les véhicules diesel, des efforts sont encore à réaliser, notamment pour diminuer la concentration des véhicules polluants dans les grandes villes. C’était l’idée des ZAPA qui a été reportée sine die.
Mais les gains les plus importants à réaliser concernent le chauffage au bois, selon Christophe Deblanc, chef de service prévention des pollutions à la DREAL Rhône-Alpes (qui est l’administration déconcentrée de l’Etat en charge du dossier) :
« L’ensemble des secteurs émetteurs ont vocation à contribuer à la réduction des émissions des particules. Néanmoins, au niveau des transports, les normes européennes qui imposent les filtres à particules ont constitué une amélioration majeure des performances des véhicules. Au fur et à mesure que le parc de véhicules se renouvelle, on a une amélioration. Aujourd’hui, des actions vigoureuses sont nécessaires sur le secteur résidentiel tertiaire et donc du chauffage au bois ».
Du côté de la filière bois et des promoteurs du « bois-énergie-verte », les mentalités semblent enfin prêtes pour assumer cet apparent paradoxe : oui, le chauffage bois permet de diminuer le dioxyde de carbone (et donc le réchauffement climatique). Mais utilisé dans de mauvaises conditions, le bois dégage des particules fines.
Manuel Marquis, l’un des directeurs territoriaux d’Air Rhône-Alpes, explique :
« Il y a encore cinq ans, on avait du mal à faire partager ce constat par les acteurs de la filière bois énergie. Il a fallu le prouver notamment au travers d’analyses chimiques des particules. Aujourd’hui, ces blocages ont été levés ».
Les cheminées avec un foyer ouvert polluent considérablement. Un fonds d’aide au renouvellement de ces cheminées pourrait être créé.
5. Un fonds d’aide pour changer de cheminée
Pour rentrer dans les clous de la réglementation européenne, la France a enfin décidé d’intégrer des outils plus contraignants au sein de ses Plans de protection de l’atmosphère (PPA).
En vigueur depuis 2010, ces PPA sont censés conduire à une diminution de la pollution, par zones concernées (Lyon, Grenoble, Saint-Etienne et Vallée de l’Arve).
Jugés insuffisants par la Commission européenne, ces PPA sont en cours de révision pour y intégrer de nouvelles mesures, particulièrement sur le chauffage au bois.
Actuellement en discussion, ces plans d’actions devraient s’articuler autour de deux mesures phares :
– Une interdiction de l’installation de matériels non-performants. C’est à dire ne respectant une performance au moins équivalente au label « Flamme verte cinq étoiles ».
– Un fonds d’aide au renouvellement des cheminées et poêles non-performants (foyers ouverts ou datant d’avant 1996).
Ces mesures réglementaires d’interdiction ont été saluées par les associatifs. La France suivant en cela l’exemple de l’Autriche ou de la Suède.
6. La Vallée de l’Arve en première ligne
Le PPA de la Vallée de l’Arve servira de test. Particulièrement concernées par cette pollution, les collectivités locales de la vallée alpine haut-savoyarde (qui s’étend de Bonneville à Chamonix) et l’Etat ont déjà adopté en février 2012 un plan jugé ambitieux.
En mai, le préfet de Haute-Savoie signait les décrets interdisant la mise en service de matériels non-performants et l’utilisation de chauffages défectueux pendant les épisodes de pollution.
Reste en discussion, le montant du fonds d’aide pour s’équiper de matériel performant. Ce qui n’est pas une paille. Pour l’agglomération de Grenoble, on a par exemple évalué à 4,4 millions d’euros la somme nécessaire.
L’Etat, à travers l’Ademe, et les collectivités devraient mettre au pot. Mais en ces temps de vaches maigres, nombreux craignent une reculade sur ce point.
Isabelle Roussel, vice-présidente de l’APPA (Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique), insiste sur ces mesures financières d’accompagnement :
« Les gens qui utilisent en appoint leur cheminée pour se chauffer sont majoritairement d’origines modestes. On risque de les fragiliser s’il n’y a pas de mesures d’accompagnement. Sinon, on générera encore de la précarité énergétique, notamment si les gens ne peuvent plus se chauffer en cas de pic de pollution ».
Isabelle Roussel appelle également de ses voeux un « changement de mentalité » :
« En Rhône-Alpes, le feu à l’âtre est symbole de convivialité. Il va falloir faire comprendre qu’il pollue également pour que les utilisateurs acceptent de modifier leurs habitudes ».
L’amélioration de la qualité de l’air dépend également de la qualité du bois. C’est pourquoi, dans les PPA le label « Rhône-Alpes Bois Bûche » va être développé, pour guider le consommateur dans ses achats.
Comme le rappelle cette vidéo mis en ligne sur le site de Air Rhône-Alpes, un bois de bonne qualité (sec et sain) associé à un appareil performant (ramoné au moins une fois par an) divise par 25 la quantité de particules fines émises.
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