Pas de coco pour sûr, plutôt le genre de substance à vous enfoncer dans les limbes d’un canapé sans fond. Pourtant du fond, voilà un disque qui n’en manque guère. Enfant du punk et de la noise, voix et basse de feu les One Second Riot, Pierre-Georges Desenfant nous balance un projet d’une finesse certaine, où l’expérimentation laisse toute sa pleine mesure à des nappes sans fins et à sa voix abyssale, véritables incantations au bon goût. Pas forcément nostalgique, il revient sur ses premiers amours plus caféinées et sur les motifs de son revirement artistique :
« Je suis un des nombreux fils nés du punk et de la noise. Presque 10 ans de bons et loyaux services et sans doute un besoin de changement, de se renouveler. L’envie de se remettre en danger, de se confronter à l’inconnu. D’évoluer aussi. Je suis joueur. J’aime les challenges. C’était une manière de se donner un nouvel objectif. Repartir de zéro, viser la même ligne d’arrivée, tout en prenant un chemin différent. »
« Expérimenter et s’écarter de ses automatismes »
Et quand on lui demande pourquoi il a choisi de faire de « l’abstract noise » alors qu’il aurait pu gagner plus de thune en jouant comme tout le monde de la folk, il répond :
« Ça a été le fruit du hasard. Expérimenter et s’écarter de ses automatismes. J’ai toujours composé avec les outils disponibles autour de moi. Cette fois-ci, c’était un piano et une reverb. Estimons nous heureux, il y aurait pu y avoir de la flute à bec. Concernant la folk, je laisse ça à madame : Elle fait ça mieux que moi et j’espère qu’elle ramènera de l’argent à la maison. »
Une démarche musicale singulière de très bonne facture pour un homme qui accepte de se faire entretenir par sa moitié : il n’en fallait pas plus pour nous donner envie de soumettre l’artiste à notre désormais classique questionnaire « Orgueil et préjugés« .
« Gérer une bande de filles ultra bourrées qui vous gueulent des trucs en allemand avait été un beau tour de force »
– Votre premier geste artistique ?
« Surement quand j’avais 7 ans. J’étais en colonie de vacances quand mes parents en ont profité pour donner mon lapin (qui était une plaie, mais c’était mon lapin). J’ai chanté des chansons tristes de Queen toute la journée… « WHO WANTS TO LIVE FOREVEEEEEEEERRRRR… » »
– Quelle pratique artistique trouvez-vous intolérable ?
« L’utilisation systématique et abusive de l’auto-tune dans la série TV Nashville. Sérieusement, personne ne peut chanter juste comme ça ! »
– Quelle est pour vous la plus grosse arnaque artistique ?
« L’utilisation systématique et abusive de l’auto-tune dans la série TV Nashville. Je viens de te le dire. Tu m’écoutes ? »
– Votre pire souvenir pendant un concert ?
« Pas sûr qu’on puisse le qualifier de pire, mais sans doute celui dont je me souviens le plus. Je suis seul sur scène et fais de la musique assez calme. Alors gérer une bande de filles ultra bourrées qui vous gueulent des trucs en allemand, un soir à Berne, avait été un beau tour de force. »
« Je n’ai jamais été intéressé par la sexualité de mes parents, j’imagine que c’est plutôt bon signe »
– Avec lequel de vos parents pensez-vous avoir un problème ?
« Œdipe ou Electre… Ma prof de français nous maintenait qu’Electre était remplie d’allusions sexuelles. Que si le roi était décrit buvant avec le petit doigt en l’air, c’était une manière de dire qu’il avait un petit sexe. Enrichissant quand tu es en 3e, non ? Je n’ai jamais été intéressé par la sexualité de mes parents, j’imagine que c’est plutôt bon signe. »
« Jean-Marc Ayrault… un vrai type de gauche ! »
– À quelle personnalité politique pourriez-vous dédier une de vos chansons ?
« Peut-être Old Car à Jean Marc Ayrault. C’était beau de déclarer dans ses biens son combi de 1988, un bel effort de transparence. Photo à l’appui, les cheveux poivre et sel, la brise balayant le visage, détendu. Un vrai type de gauche ! »
– Le dernier produit culturel consommé/acheté/emprunté ?
« Cold sweat, de James Brown, à Dangerhouse. Et Hold Up, pour agrandir ma collection de romans de la superbe maison d’édition 13e note, au Bal Des Ardents. »
– Avez-vous déjà sacrifié votre art pour de l’argent ?
« Je viens d’appeler ma banque. On dirait que non. »
– Et sinon, vous comptez faire un vrai métier, un jour ?
« Je ne gagne pas ma vie avec ma musique. Je ne suis pas artiste, Je suis technicien du son. Tu me diras c’est un peu pareil… Je suis intermittent. Comment ça ? C’est pas un vrai métier non plus ? »