Par le collectif d’habitants de la Guillotière, « Les Guillotins »
Durant l’été 2012, des habitants de la Guillotière s’étaient mobilisés contre l’expulsion de Roms. © Leila Piazza / Rue89Lyon.
Depuis le lancement de la « requalification » de l’Îlot Mazagran, à la Guillotière (Lyon 7e), des habitants se mobilisent contre l’embourgeoisement de leur quartier. Cela passe essentiellement par un soutien aux familles roms qui squattent immeubles ou terrains en friche. Nous publions une tribune d’un des ces collectifs d’habitants qui s’est nommé « les Guillotins ».
« Ils constituent dans ce quartier de la ville de Lyon, un véritable foyer de malpropreté, un centre antihygiénique (…). Paresseux, fainéants au degré le plus élevé, ils rôdent dans les rues, le jour et la nuit, toujours en quête de quelque malveillance ou d’un « bon coup » à faire ».
Qui ça, les Roms ? Non, les Algériens des environs de la place du Pont, dans un rapport de police… de 1923. C’est qu’au cours des siècles de son développement depuis le Moyen-Age, « la Guille » a toujours été populaire et stigmatisée en tant que telle par les Lyonnais de l’autre côté du pont.
Aujourd’hui plus encore qu’hier, l’autorité publique entend « amorcer une requalification globale » du quartier autour de l’Îlot Mazagran car Lyon doit rester « l’une des villes les plus attractives d’Europe ». « Requalification » ? Notre quartier et ses habitants seraient-ils dé-qualifiés, ou disqualifiés ?
De fait, les populations les plus pauvres sont amenées peu à peu à laisser place à ceux que certains appellent les « petits bourgeois intellectuels » : dans les rues proches de la place Mazagran, fleurissent les cabinets d’architectes et autres ateliers ou galeries d’artistes. Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres. Nombre d’entre nous, « Guillotins », pourrions nous ranger parmi ces petits bourgeois intellectuels. Mais il y a des choses que nous n’entendons pas laisser faire en notre nom.
Sur cette place, il y a, aussi, des gens qui font des barbecues tous les après-midis d’été, des gens qui boivent de la bière, des gens qui sont assis là depuis des années sur un banc le long de la rue, il y avait des gamins roms qui jouaient sous le regard proche de leurs parents. Sur les images du projet d’aménagement de la place, ces gens-là ont tous disparu.
La vie du quartier s’est organisée autour de l’Ilot Mazagran et du jardin d’Amaranthe, un jardin partagé, créé en 2003. Au fond à droite, le 52 rue Montesquieu. © Leïla Piazza / Rue89Lyon
52 rue Montesquieu : l’emblème du nettoyage du quartier
Le nettoyage a déjà commencé : aux abords immédiats de la place Mazagran, en l’espace d’à peine plus d’un an, des Roms et autres résidents ont été chassés par trois fois de leurs lieux d’habitation pour que les bâtiments soient détruits en vue de la réalisation d’un jardin et d’une place publique.
Dans l’un des cas, l’habitation des Roms était parfaitement légale. Dans les deux autres cas, l’immeuble squatté, au 52 rue Montesquieu, a été acquis fort cher par la collectivité publique (plus de 700 000 €) et, en l’état des études réalisées, il est parfaitement apte à être réhabilité pour accueillir des logements SOCIAUX. La collectivité s’obstine pourtant à vouloir le détruire et en attendant, un vigile est payé pour y demeurer 24 heures sur 24 et empêcher toute nouvelle intrusion.
Nous, « Guillotins », n’acceptons ni le nettoyage du quartier ni la destruction d’un immeuble qui en est l’emblème évident. La Guillotière est fière d’être populaire et elle le restera. La preuve ? Nos voisins, les Chibanis de la Place du Pont, sont toujours là malgré toutes les tentatives des pouvoirs publics pour les déloger. Mais, pour un prochain mandat, il serait temps que nos élus abandonnent enfin leur logique guerrière de « reconquête » des quartiers.

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