Environ 300 personnes vivent dans ces tentes. ©Leïla Piazza / Rue89Lyon
Breaking news mardi à la mi-journée. Un jour avant que le juge des référés décide, ce mercredi, l’expulsion des 300 demandeurs d’asile squattant sous le pont Kitchener, les médias lyonnais annoncent : la préfecture a pris un arrêté de réquisition d’un terrain appartenant au Grand Lyon pour les reloger jusqu’au mois d’avril. La préfecture devrait donc financer dans les prochaines semaines l’installation de mobil-homes et l’encadrement social par une association, certainement Forum Réfugiés.
Il ne devrait donc pas y avoir d’expulsion sans relogement. Cette information est une bonne nouvelle pour les demandeurs d’asile, Albanais pour la plupart. Beaucoup moins pour le maire d’Oullins.
Le terrain est situé sur la commune dirigée par le sénateur UMP François-Noël Buffet qui se montre hyper remonté contre cette installation. C’est lui qui a fait diffuser l’information alors que la préfecture du Rhône refusait de confirmer la réquisition.
François-Noël Buffet : convocation de la presse et outrance verbale
Mardi après-midi, il a convoqué la presse pour crier sa colère. Selon lui, il n’aurait pas été associé à la décision, le préfet lui affirmant même vendredi qu’il étudiait « d’autres hypothèses » que celle d’Oullins. A Vernaison selon lui. Et surtout, il n’est pas d’accord pour accueillir ces quelques 300 demandeurs d’asile, la plupart albanais, sur sa commune.
« C’est scandaleux », crie-t-il. François-Noël Buffet va même jusqu’à parler d’un « procédé de voyou » devant la caméra de TLM parce qu’il n’a appris que lundi l’arrêt de réquisition signé par le préfet du Rhône alors que ce dernier lui aurait dit que « rien n’était fait » le vendredi :
«J’ai appris hier qu’un arrêté de réquisition des 10 hectares avait été signé par le préfet, vendredi soir, alors qu’il (le préfet) m’avait dit que rien n’était fait. C’est absolument scandaleux dans la manière de faire. »
Outre le manque de concertation qu’il dénonce, le maire d’Oullins affirme que le lieu est mal choisi. D’abord, dit-il, la commune « fait déjà le job », en accueillant déjà « 220 demandeurs d’asile ».
Sous-entendu : hors de question d’en avoir 300 de plus. Surtout que « l’accueil de Roms deux hivers de suite » aurait coûté « 80 000 euros de remise en état à la commune », fait valoir le maire auprès de France 3 Rhône-Alpes, dans une confusion des situations. Il sous-entend même que l’arrivée des demandeurs d’asile ferait courir un « risque accru de délinquance ».
Le préfet, droit dans ses bottes : « Ça râle, ça crie, mais ça ne m’intéresse pas »
Par ailleurs, argumente le sénateur-maire d’Oullins, le lieu est destiné à d’autres usages. En effet, le terrain se situe à l’endroit même où doivent être construits un pôle multimodal et un écoquartier suite à la mise en fonction du métro d’Oullins, prévue le 11 décembre.
Devant l’emballement médiatique, la préfecture du Rhône qui, dans un premier temps, avait refusé de confirmer l’information, a fini par réagir aux propos du maire d’Oullins. C’est le préfet, Jean-François Carenco lui-même, qui lui a répondu. Droit dans ses bottes, il affirme à l’AFP (via leprogres.fr) :
«Le pôle multimodal ne commencera pas demain et l’entrée du terrain ne sera pas proche de la sortie du métro».
Pour répondre aux plaintes de Buffet, le préfet rappelle l’obligation d’héberger tout demandeur d’asile au titre de l’application de la Convention de Genève signée par la France :
« La loi qui n’est pas discutée impose à l’État de loger tous les demandeurs d’asile officiels. Devant l’afflux, je ne l’ai pas fait, mais il faut trouver une solution pour l’hiver pour tous ceux qui sont sans hébergement », a-t-il déclaré à l’AFP (via lefigaro.fr).
En relogeant des familles avec enfants à la veille de la chute des températures, le préfet déroule des visées humanistes dans Le Progrès, comme pour mieux enfoncer le maire d’Oullins :
« Ça râle, ça crie, mais ça ne m’intéresse pas. Ma mission, c’est que les gens ne meurent pas de froid à Lyon. »
Gérard Collomb et la « peau » de François-Noël Buffet
A l’approche des municipales, François-Noël Buffet a décidé de s’engouffrer bille en tête dans un sujet délicat. Il craint surtout que l’arrivée de ces demandeurs d’asile sur son territoire ne lui soit préjudiciable. En tout cas, les riverains, souvent prompts à s’offusquer de l’installation de campements illégaux ou de centres d’hébergement, pourraient lui en tenir rigueur dans les urnes en mars prochain en choisissant la liste FN.
François-Noël Buffet doit faire savoir haut et fort qu’il n’est pas le responsable de cette implantation mais qu’il s’agit d’une « alliance » entre le président du Grand Lyon et le préfet.
François-Noël Buffet voit plus loin que la simple mairie d’Oullins. En effet, le sénateur-maire UMP est aussi le chef de file de l’opposition UMP au Grand Lyon, dont il aimerait prendre la présidence, avant celle de la future Métropole de Lyon.
Invité ce mercredi matin dans l’émission « L’Autre direct » de Lyon cap TV, le maire UMP d’Oullins s’interroge faussement pour savoir « à qui profite le crime » :
« Nous savons tous qu’il y a des enjeux sur ce territoire qui sont extrêmement importants. Singulièrement à l’échelle de la communauté urbaine et de la future Métropole. Il peut y avoir des intérêts à ce que j’ai quelques difficultés. »
Gérard Collomb refile la « patate chaude »
Finalement, dans cette affaire, l’ennemi principal du maire d’Oullins est rapidement devenu le socialiste Gérard Collomb, maire de Lyon et président du Grand Lyon, qu’il accuse de mal faire son travail (défendre les intérêt du Grand Lyon face à l’afflux de demandeurs d’asile).
François-Noël Buffet, qui ne peut juridiquement rien faire contre la décision du préfet (puisque le terrain appartient au Grand Lyon et non à la commune), demande par conséquent à Gérard Collomb de saisir la justice contre l’arrêté de réquisition. Car, dit-il, il en va de « l’intérêt d’Oullins et de la Métropole de Lyon ». Tout en sachant qu’il y a peu de chance que le maire de Lyon le suive.
Malgré tout, le maire d’Oullins a lancé jeudi une pétition (à signer en mairie) où il en appelle au président du Grand Lyon, « pour contester au nom de la communauté urbaine, l’arrêté préfectoral ».
Il serait bien surprenant que Gérard Collomb s’engage dans une nouvelle bataille juridique alors que la « patate chaude » des demandeurs d’asile sera, pour un temps, ailleurs qu’à Lyon et que le juge vient à peine de donner raison au président du Grand Lyon. Ce qui était loin d’être évident.
C’est en effet lui, en tant que président de la communauté urbaine, qui avait engagé la procédure d’expulsion des demandeurs d’asile de Perrache, les assignant au tribunal. Or, les avocats de la défense avaient fait valoir au cours de l’audience que le Grand Lyon n’était pas compétent pour engager cette procédure, le terrain situé sous le pont Kitchener ne lui appartenant pas. En conséquence, il y avait un risque que le juge des référés renvoie, ce mercredi, l’affaire devant le tribunal administratif.
Le préfet comme le maire de Lyon avaient donc intérêt à accélérer les choses de manière à ce que la décision de relogement intervienne avant la décision du juge.
Maintenant que les demandeurs d’asile vont aller sur une autre commune, Gérard Collomb regarde ailleurs et n’entre pas dans la polémique avec François-Noël Buffet. Dans Le Progrès de ce mercredi 23 octobre, il en appelle plutôt au gouvernement pour gérer la crise que connait le département du Rhône face à l’afflux massif de demandeurs d’asile :
« Le problème n’est pas de choisir un terrain dans le Rhône, ni ces 300 personnes. Le problème c’est le flux. (…) La solution ne peut pas être départementale. (…) On demande à ce qu’il (le gouvernement, ndlr) se saisisse de cette problématique et puisse organiser sur tous les départements l’accueil des demandeurs d’asile. La solution ne peut être que nationale. »
> Article actualisé vendredi 25 octobre à 9h, suite au lancement d’une pétition contre l’installation des demandeurs d’asile par le maire d’Oullins.
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