1er mois à 1€

Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Aux Minguettes, le ministre de la Ville rate la commémoration de la « Marche des beurs »

Pour le trentième anniversaire de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, dite « Marche des beurs », le ministre de la Ville devait déposer une plaque commémorative en compagnie de l’initiateur de cette marche. Mais, à la dernière minute, Toumi Djaïdja a refusé de « recevoir » François Lamy.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Lyon, abonnez-vous.


A Vénissieux, sur le plateau des Minguettes, une plaque devait être posée en hommage à la Marche pour l’égalité et contre le racisme. Cela devait se passer ce lundi, 30 ans après le départ de cette marche qui se terminera par une manif de 100 000 personnes à Paris. François Mitterrand avait même reçu ces marcheurs.

A l’origine, ils étaient une quinzaine, partis de Marseille en réaction à une énième bavure policière dont Toumi Djaïdja avait été la victime, dans son quartier de Monmousseau, aux Minguettes. Sur son lit d’hôpital, c’est lui qui avait lancé cette idée avec le père Christian Delorme.

Dans les mois qui ont suivi, ce que l’on a appelé la « Marche des beurs » est rapidement tombée dans l’oubli. Et les marcheurs ont retrouvé l’anonymat de leur quartier.

L’anniversaire des 10 ans et des 20 ans ne les avaient pas franchement ramené à la lumière. 30 ans après, on s’attend par contre à vivre une avalanche de commémorations, avec la multiplication de conférences, de publications de livres et même la sortie d’un film avec Jamel Debbouze, « La Marche ».

Le gouvernement socialiste veut également en être. Il a financé 70 actions commémoratives portées par des associations, pour un total de 455 000 euros.

Parmi les actions les plus symboliques, le ministre de la Ville, François Lamy, devait poser une plaque à quelques pas de là où Toumi Djaïdja avait reçu une balle d’un policier en 1983.

« Je ne peux cautionner l’inaction politique »

Mais à la dernière minute, changement de programme : pas de plaque, pas de rencontre avec la figure emblématique de la Marche. Bref, il n’y aura pas d’images pour le 20 heures.

François Lamy a quand même fait le voyage de Paris. En remplacement, le ministre a fait le tour des Minguettes en voiture et a fait le point sur le renouvellement urbain du quartier. Puis il a assisté à la présentation de projets associatifs de commémoration de la Marche.

Toumi-Capture-ecran
Toumi Djaïdja. Capture d’écran de son site.

Dans la matinée, le cabinet du ministre, tout comme la maire de Vénissieux ne voulaient pas s’expliquer davantage sur ce changement de dernière minute. François Lamy allant même jusqu’à affirmer qu’il ne voulait pas faire de l’anniversaire de la Marche une commémoration.

En milieu de journée, on comprenait un peu mieux les raisons de l’absence de Toumi Djaïdja.
Selon une source ministérielle citée par l’AFP, Toumi Djaïdja a décliné la rencontre après avoir réclamé en vain que son nom figure sur une plaque commémorative en l’honneur de la « Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme ».

Contacté, Toumi Djaïdja reconnaît que cette exigence d’un nom sur la plaque était un prétexte. « Avec ou sans la plaque ma décision était prise ».

Il s’en est expliqué longuement dans un communiqué intitulé « récupération ou reconnaissance de la Marche de l’égalité ? »

« Je ne peux cautionner l’inaction politique en signant un chèque en blanc au gouvernement. Si certains cherchent à capter l’héritage de sympathie suscité par la Marche à travers cette commémoration, cela ne peut se faire à moindre frais. La commémoration doit être un moment fort où des décisions politiques courageuses et concrètes sont prises pour que l’histoire de nos quartiers populaires s’inscrive enfin dans l’histoire de notre pays ».

Lamy-ministre-ville

Le ministre de la Ville, François Lamy ce lundi à Vénissieux. ©Laurent Burlet/Rue89Lyon

Des annonces gouvernementales pour fin octobre

Faute de commémoration, le ministre de la Ville voulait que cette matinée serve à « mesurer ce qui a été fait et ce qui reste à faire ». Il a été servi. Plusieurs responsables d’associations ou d’élus locaux ont insisté sur « l’urgence à agir contre l’augmentation de la précarité et les discriminations » dans les quartiers populaires.

Le ministre de la Ville ne s’est pas démonté. Il a défendu une « politique structurelle » qui aura des effets (la sienne, avec les emplois d’avenir ou les emploi francs) contre une « politique des coups médiatiques » faite de « plans Marshall » sans lendemain (celle des autres). L’auditoire était prié de le croire.

Deux anciens marcheurs participaient à cette rencontre avec les associatifs. Ils ont souligné certains progrès accomplis depuis 30 ans.
Arbi Rezgui des Minguettes :

« On a marché pour qu’ils arrêtent de tuer des jeunes. En 2013, on ne se fait plus tirer dessus comme des lapins ».

Le sociologue Adil Jazouli qui a co-écrit un livre sur la Marche avec Toumi Djaïdja à paraître à la fin du mois, a recensé 42 crimes racistes entre 1981 et 1983. Même s’il note « plus de diversité dans le monde du travail ou de couple mixte, beaucoup reste à faire. On est en butte à un phénomène de crispation identitaire ».

Le rapport « police/jeunes des quartiers » est notamment toujours problématique.
Le ministre François Lamy le reconnaît volontiers et promet des mesures. Manuel Valls devrait faire une « annonce pour la fin du mois »… après avoir enterré une promesse de François Hollande concernant la délivrance d’un récépissé lors des contrôles d’identité.


#Banlieue

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

À lire ensuite


Partager
Plus d'options