Par Laurent Burlet et Leïla Piazza
Les présidents de l’Oeuvre française, Yvan Benedetti, et des Jeunesses nationalistes, Alexandre Gabriac lors d’une conférence de presse le 21 juin 2012 à Lyon © Philippe Juste / Maxppp
A l’issue du Conseil des ministres de ce mercredi 24 juillet, Manuel Valls a annoncé la nouvelle de la dissolution en qualifiant l’Oeuvre française d’ :
« Association qui propage une idéologie xénophobe et antisémite, des thèses racistes et négationnistes, qui exalte la collaboration et le régime de Vichy, et qui rend des hommages réguliers au maréchal Pétain, à Brazillac ou à Mauras».
Comme l’affirme Libération, pour rendre cette dissolution effective, le gouvernement s’est appuyé sur la loi de 1936 relative aux groupes de combat et milices privées. Le quotidien évoque trois motifs :
- « L’appel à la haine raciale et antisémite »
- « L’exaltation de la collaboration »
- L’organisation de « camps de formation paramilitaires », qui l’apparente à « une milice privée »
Le 10 juillet, le gouvernement avait déjà dissous trois groupuscules d’extrême droite, dont les JNR impliquées dans la mort de Clément Méric.
L’Oeuvre française : une organisation pétainiste quasi militaire
L’Oeuvre française, qui compte aujourd’hui quelque 200 membres, est l’une des plus vieilles formations d’extrême droite française. Pétainiste, ce groupuscule s’affiche antisioniste pour mieux diffuser des messages à caractère antisémite.
L’organisation a été fondée en 1968. Elle est l’héritière de partis collaborationnistes de la Seconde Guerre mondiale et des nostalgiques de l’Algérie française version OAS. Son fondateur, Pierre Sidos, est le fils d’un homme fusillé pour collaboration à la Libération. Depuis 2012, son chef est Yvan Benedetti, conseiller municipal de Vénissieux.
L’Oeuvre française est notamment connue pour son organisation quasi militaire, comme le précise le blog Droite(s) extrême(s) du Monde :
« Très hiérarchisée, l’OF possède un uniforme et des grades. Ses militants portent une chemise bleue comme les Phalangistes espagnols des années 1930. Elle est entourée de cercles concentriques – Jeune nation, les Jeunesses nationalistes et autres Cercle du 6 février – qui servent à la fois à filtrer les militants et à assumer les actions plus chaudes, sans mettre en péril l’organisation mère. »
Les Jeunesses nationalistes : le groupuscule qui occupe le devant de la scène
Quant aux Jeunesses nationalistes, c’est la branche « jeune » de l’Oeuvre. Le groupuscule a été fondé en 2011 par Yvan Benedetti et par son leader actuel, Alexandre Gabriac, 22 ans, conseiller régional Rhône-Alpes élu en Isère.
Les deux hommes s’étaient notamment fait élire sous l’étiquette FN. Mais ils ont tous les deux été exclus du parti après l’arrivée à la présidence de Marine Le Pen, Yvan Benedetti, pour s’être déclaré « antisémite, anti-sioniste et anti-juifs » et Alexandre Gabriac pour plusieurs photos où on le voit effectuant le salut nazi.
L’aigle et le faisceau comme symbole, le rejet de la démocratie ou l’adoration de l’armée… Pour Stéphane François, politologue spécialiste des droites radicales de l’Université Marc Bloch de Strasbourg, ces groupuscules relèvent du “mouvement néofasciste”.
Depuis un an, et surtout depuis les manifestations contre le mariage gay, l’Oeuvre française a changé de stratégie en mettant sur le devant de la scène les Jeunesses nationalistes.
Le jeune Gabriac a réussi à mobiliser les médias en masse lors d’ »actions coup de poing », dernièrement en bordélisant une conférence du député PS Erwan Binet, rapporteur du projet de loi sur le mariage pour tous, et en tentant d’occuper le siège du PS à Lyon.
Le leader des Jeunesses nationalistes ouvre également volontiers la porte de son domicile aux caméras. Au printemps, il a eu les honneurs de M6, de France 2 et de Canal +. Une médiatisation sans commune mesure avec l’importance de son groupuscule, qui, dans son fief de Lyon, se fait concurrencer par un autre groupe nationaliste, le GUD.
Quelle efficacité ?
Après la mort de Clément Méric, le Collectif de vigilance 69 contre l’extrême-droite avait appelé, en avril, les autorités à sortir de « leur silence assourdissant » face aux groupuscules d’extrême-droite.
Le président PS de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne avait quant à lui demandé cette dissolution au ministère de l’Intérieur en mai, qui avait lancé le processus quelques semaines plus tard.
Beaucoup doutent de l’efficacité de cette dissolution affirmant que, si le symbole est important, ces groupes se reformeront sous un autre nom. Ils risqueraient toutefois d’être poursuivis pour reconstitution de ligue dissoute.
Le leader de l’Oeuvre française, Yvan Benedetti, semble donner raison aux sceptiques. Mercredi matin, il a réagi sur Twitter, à l’annonce, anticipée par Libération, de la dissolution de son groupe :
Libération annonce la dissolution de l’#oeuvrefrancaise ce matin en conseil des ministres Une seule réponse simple, claire: Dissolution? NON
— Yvan BENEDETTI (@Yvan_Benedetti) July 24, 2013
Pour Alexandre Gabriac, cette idée relève carrément du « fantasme » :
Croire que dissoudre avec un bout de papier nos assos stoppera notre détermination et notre avancée relève du fantasme. L’avenir est à nous.
— Alexandre GABRIAC (@Gabriac) July 24, 2013
Le leader des Jeunesses nationalistes semblerait presque se réjouir d’être, une fois encore, placé sur le devant de la scène.
Un recours contre la dissolution
Dans un communiqué délivré mercredi à 19 h, Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac ont annoncé qu’ils allaient déposer un « recours en référé suspensif » devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation de cette « forfaiture » :
« Nous l’affirmons haut et fort : les Nationalistes vivront ! Et si ça n’est plus demain à notre bannière que vous nous reconnaîtrez, vous nous reconnaîtrez car nous serons toujours là ».
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>Article actualisé le 25 juillet à 10h avec le communiqué de presse de l’Oeuvre française et des Jeunesses nationalistes
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