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Circuits courts (3/6) : le business des paniers alimentaires

Avec le développement des circuits courts, même un citadin n’ayant jamais vu une ferme de sa vie peut manger local.

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Rue89Lyon poursuit sa série de reportages sur ces nouveaux modes de consommation. Pour ce troisième volet, nous nous sommes intéressés aux systèmes de paniers portés par des entreprises ou des associations. Entre la coopérative revendiquant une démarche militante et l’entrepreneur à l’affût des attentes du consommateur, les enjeux diffèrent. 

Les adhérents d’Alterconso viennent récupérer leur panier hebdomadaire devant le centre social Pierrette Augier (Lyon 9e). © JEM/Rue89Lyon

L’attrait des consommateurs pour les produits locaux a fait des émules. Dans le sillage des AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), de plus en plus de structures privées proposent des paniers alimentaires. Les produits sont (presque) les mêmes. Le changement ? Désormais un intermédiaire fait le lien entre les producteurs et des consommateurs moins enclins aux concessions.

Les AMAP exigent un engagement semestriel ou annuel, avec paniers sans produits choisis, et dates de distribution figées. Les entreprises, elles, font d’autres propositions : elles livrent sans abonnement des paniers dont le client peut décider la composition. L’agglomération lyonnaise abrite une offre des plus diversifiées, avec son lot de réussites et d’échecs.

 

« Une des limites des AMAP : cuisiner du chou tout l’hiver »

« Cette semaine on a eu un petit problème de logistique, ce qui fait qu’il manque des produits dans certains paniers. Prévoyez-un plus gros sac pour la prochaine fois. »

Dans l’arrière-salle bétonnée et éclairée au néon du Centre social l’Oasis (7e arrondissement de Lyon), l’explication sera répétée plus d’une fois par le salarié d’Alter-Conso, structure créée en 2006, et devenue en 2008 société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Le plus souvent, les clients réagissent avec le sourire. Il faut dire qu’ici la relation avec le consommateur n’est pas censée être uniquement commerciale. Les clients d’Alter-Conso s’abonnent sur une période de six mois et viennent chercher une fois par semaine un panier de produits frais et de saison dans l’un des 14 points de distribution de l’agglomération.

Ce système n’est pas sans rappeler celui des AMAP, avec des différences toutefois. Alter-Conso joue le rôle d’intermédiaire entre les producteurs et les consommateurs. Les huit salariés se chargent de la gestion des flux et d’aller récupérer les produits, directement dans les exploitations. Ce lundi, c’est Claire qui est de tournée. Elle revient sur l’une des différences entre Alter-Conso et une AMAP :

« Nous sommes en relation avec 45 producteurs, nous proposons donc une gamme plus large de produits. Le consommateur est moins confronté à ce qui pour moi est une limite des AMAP : cuisiner du chou tout l’hiver à cause du manque de variétés. Nous, on propose aussi du vin, de la bière, de la viande. »

 

Des paniers plus chers que ceux des AMAP

Le consommateur se lasse moins vite, mais paie un peu plus cher. Les adhérents de l’AMAP de Caluire (100 % bio), paient 10 euros pour un panier « duo » et 15 euros pour un panier « famille », selon une formule souvent retenue par les AMAP. A titre de comparaison, la plupart des adhérents d’Alter-Conso déboursent (frais de fonctionnement compris) 13,2 euros pour un panier « couple » et 19,2 euros pour un panier « famille ».

Quant à Potager City, l’entreprise leader du secteur, elle facture 14,9 euros le « petit » panier de légumes et 27,9 euros le « grand » panier (pour un volume de produits plus important). Des différences de prix qui s’expliquent à la fois par les frais de fonctionnement et la recherche de profits.

L’autre différence fondamentale c’est qu’avec ce système, le consommateur n’a pas à venir filer de coup de main pour la distribution ou la préparation des paniers. Il peut s’impliquer au sein de l’association des consommateurs d’Alter-Conso. S’il le souhaite. Actuellement, Alter-Conso compte 730 adhérents. Au delà, le fonctionnement de la coopérative deviendrait trop complexe. Le but premier n’est pas de croître, assure Clément Pons, un des salariés :

« On ne veut pas devenir les Carrefour du panier. On ne veut pas trop grossir. On préfère que d’autres petites entités se créent. »

C’est pourquoi Alter-Conso a fait le choix d’essaimer sa démarche. Dans son sillage, deux structures similaires sont créées en 2008 : l’Arbralégumes (100 % bio), et Croc’éthic qui fonctionnent sur le même modèle mais sous forme associative avec chacun trois salariés. Ces trois structures distribuent leurs paniers dans 27 lieux de l’agglo.


Voir la carte Où récupérer des paniers de produits locaux dans l’agglo lyonnaise ?


« Aller dans les quartiers bobo où ça marche et dans les quartiers populaires »

L’idée est aussi de proposer ces produits locaux (provenant d’exploitations situées à moins de 80 kilomètres) sur l’ensemble de l’agglomération et pas seulement dans les quartiers « où ça marche », selon Claire :

« On a une logique géographique : couvrir le territoire d’une manière assez homogène et avoir des points de distribution à la fois dans les quartiers où ça va marcher, parce qu’ils sont bobos ou pour d’autres raisons et dans des quartiers plus populaires, ce qui est fondamental. »

Contrairement aux points de distribution situés dans Lyon, ceux des communes populaires de Vénissieux, Vaulx-en-Velin ou encore Rillieux-la-Pape pourraient accueillir bien plus d’adhérents mais ne séduisent pas assez.

Pour permettre à des publics plus modestes d’y accéder, le prix du panier diffère en fonction de critères liés aux revenus. Il est majoré de 20 % pour les travailleurs, de 10 % pour les étudiants et de 0 % pour les chômeurs, la majoration étant l’un des moyens de financer la masse salariale de la coopérative. Au final, seul 1,2 % des adhérents paient le prix minimal alors que plus de 62 % paient le prix fort.

Le problème viendrait d’une difficulté à bien faire comprendre le concept selon Claire :

« L’idée répandue, c’est de se dire que le panier c’est plus cher. Pour moi la difficulté ce n’est pas de capter l’attention de publics en difficultés, ce n’est pas non plus tellement une question de prix, mais c’est une question d’habitudes. Habitudes alimentaires ou culturelles. A Vaulx-en-Velin où il y a une grosse population maghrébine, les mamans reconnaissent bien la qualit é des produits mais l’idée de s’abonner ou ne pas pouvoir choisir et négocier les prix n’est pas bien acceptée ».

Dans l’idéal, la coopérative aimerait mettre en place des partenariats avec des centres sociaux qui pourraient financer une partie du coût des paniers.

 

« Dans l’agglo lyonnaise, on sent une fin de cycle par rapport au système panier »

Malgré un bon bouche-à-oreille, « ce qui fonctionne le mieux », le nombre d’adhérents à tendance à stagner depuis 2010, explique Claire :

« A la rentrée de septembre, on va donner un coup de collier sur la communication, en organisant des portes ouvertes, dans les MJC et les centres sociaux. C’est du travail de maintenir le nombre d’adhérents. Il y en a qui déménagent, d’autres qui s’en vont et qui ne nous disent pas pourquoi et aussi ceux qui se lassent et ont envie de retourner au marché ».

La baisse de régime serait aussi due à un effet de cycle, selon Clément Pons :

« Il y a un engouement médiatique en faveur de plus de traçabilité. Mais au niveau de l’agglomération lyonnaise, on sent une fin de cycle par rapport au système panier qui n’est qu’un outil et pas une fin en soi. Il y a un temps de retard chez les grands médias qui en parlent alors que ça s’essouffle ».

Dans cette optique, Alter-Conso participe avec d’autres acteurs des circuits courts au projet PIRAT. Il s’agit notamment à terme de monter une ferme communautaire avec des espaces tests pour les futurs agriculteurs.

Laurence Blanc, productrice de lait dans les Monts du Lyonnais s’occupe de la distribution des paniers. © JEM/Rue89Lyon

« On peut consommer intelligemment sans être militant »

Cet essoufflement n’est pas étranger au nombre de structures qui se partagent le même créneau. Et dans ce secteur, « beaucoup vont et viennent », selon Martin Deslandes, fondateur des Paniers de Martin (100 % certifié bio, label AB) qui enregistre environ 300 commandes hebdomadaires.

MIAM, une coopérative similaire à Alter-Conso a fermé ses portes en 2008, l’association Saveurs du coin a préféré cesser le volet paniers de son activité, et de nombreux sites Internet sont laissés à l’abandon. Reste que les points de distribution (de la boucherie au centre social) pullulent sur le territoire de l’agglomération.

Là où les sociétés coopératives maintiennent le système de l’abonnement avec ce lien ville-campagne si cher aux AMAP, des entreprises jouent à fond leur rôle d’intermédiaire. Pas d’abonnement, pas d’implication et en prime la possibilité d’acheter à la carte. Des sites internet comme lepanierpaysan.com livrent même à domicile des produits locaux. Pour Martin Deslandes, les différents systèmes, qui font souvent travailler les mêmes producteurs, spécialistes des circuits de proximité, ne se concurrencent pas vraiment :

« On doit pouvoir consommer de façon intelligente sans être obligé d’être dans une démarche militante. Dans l’idéal, il vaut mieux consommer dans une AMAP mais pour beaucoup le niveau est trop exigeant. Certains arrêtent les Paniers de Martin et se redéploient sur une AMAP près de chez eux, d’autres font le chemin inverse. »

 

Agrumes venus d’Espagne : le 100 % local « ne fait pas rêver le client »

A la carte des Paniers de Martin, outre les produits locaux, on peut tomber sur des agrumes en provenance d’Espagne. Même chose du côté de Maréchal Fraîcheur ou de Potager City dont la provenance des produits est étendue à toute la région Rhône-Alpes. Si les oranges sont souvent l’exemple qui confirme la règle, Martin Deslandes souligne l’importance de proposer une palette étendue de produits :

« L’arbitrage entre local et diversité n’est pas du tout évident. Et il faut varier la composition du panier pour ne pas lasser. Chacun n’a pas le même degré de tolérance. Beaucoup disent : « je comprends mais je sature, je n’ai plus de plaisir à cuisiner les légumes qu’on me procure », et ils espacent leurs commandes ».

Une position que partage Yoann Alarçon, qui a monté Potager City :

« Les deux premières années, j’étais 100 % local mais ça ne fait pas rêver le client. Aujourd’hui je fais entre 60 % l’hiver et 80 voire 100 % de local l’été. J’ai appris à baisser mon niveau d’exigences pour faire que la boîte survive. »

Si une grande partie des entreprises affiche la provenance précise de leurs produits, certains entretiennent le flou et la frontière du local devient de plus en plus lointaine. Il s’agit souvent d’entreprises proposant des produits uniquement bio, mais « privilégiant » les produits locaux ou encore des paniers « de vos régions ».

 

Un développement « dicté par le consommateur »

Avec ses 20 salariés, ses 2 000 à 3 500 commandes hebdomadaires rien que pour le Rhône (il est également implanté à Marseille et vient de se lancer à Paris) et sa croissance annuelle de 30 %, Potager City est de très loin le leader du secteur. Pour lui, l’explication est simple : « le développement de la boîte a été dicté par le consommateur ». Comprendre : Potager City peut proposer des bananes (bio et équitables) venues d’outre-mer, parce qu’il n’y a pas de producteurs de bananes dans la région. Il en est sûr, c’est en utilisant ce principe de subsidiarité appliqué au local que le consommateur pourra être séduit par les circuits courts :

« Un nouveau mode de consommation est en train de se construire. Un modèle qui permet à la fois aux producteurs de vivre de leur travail et aux entreprises de créer de l’emploi tout en gardant un socle de valeurs. Mais si le changement est trop violent pour le consommateur alors il n’adhérera pas ».

La réussite de Potager City s’explique aussi par le fait que la moitié des commandes sont adressées par des entreprises. L’enthousiasme du jeune entrepreneur, ne doit pas masquer le fait que les systèmes de distribution de paniers n’ont, sauf exception, plus le même écho qu’il y a 5 ans. Mais l’offre de produits s’est largement étoffée : on ne distribue plus seulement des légumes, des fruits ou du fromage, mais du pain, de la bière, du vin, de la viande ou des produits transformés. Sans pour autant proposer une gamme aussi variée que les magasins de producteurs ou les épiceries locales.


#Agriculture bio

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