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Man of Steel : Acier trompé

Vu de mon canapé

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, que penser de l’absence de slip rouge sur le nouveau costume de Superman dans la nouvelle interprétation des aventures du super-héros, Man of Steel ? C’est là un changement de taille, une presque entorse, et qui sait, peut-être même une trahison. Mais ce n’est hélas pas la moindre parmi celles que nous inflige ce nouveau film.

De mémoire de Terrien, Superman avait toujours eu l’idée saugrenue de porter son slip par-dessus son collant, mais l’on s’y était fait. Créé par Jerry Siegel et Joe Shuster, Superman est né en 1938 dans le magazine Action Comics. Alors qu’un super-héros débarque désormais tous les deux mois sur les écrans du monde entier, il faut toutefois lui reconnaitre un statut bien à part dans la galerie des super défenseurs de l’humanité, qu’ils soient à cape, collant ou oreilles pointues, robotisés ou extra-terrestres.

Tout ce qui est Dieu

Pour commencer, Superman est le super-héros par excellence. Le plus connu, le plus mythique. Parce qu’il fut le premier d’entre eux et qu’à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, il prit naturellement le rôle de protecteur des Etats-Unis. Ensuite, on a vite décelé chez lui une forme d’allégorie du Christ. Alors que Krypton, sa planète de naissance est sur le point d’être détruite, papa Superman (Jor-El) nous expédie bébé Superman (Kal-El, «Tout ce qui est Dieu» en hébreu), afin qu’il nous montre la voie à suivre*. Et c’est à 33 ans, apprenons-nous dans Man of Steel, qu’il prend conscience de son rôle de défenseur de l’humanité. On pense aussi à Moïse, déposant son fils dans un berceau et le confiant au fleuve Nil pour échapper à la mort…

Sur l’écran, continuons d’oublier la première adaptation télévisée des aventures de Kal-El, tournée de 1952 à 1958 avec, dans le double rôle de Superman et du journaliste Clark Kent, feu George Reeves, mort d’un coup de flingue en 1959 sans qu’on sache encore aujourd’hui s’il s’agissait d’un meurtre ou d’un suicide**. Son presque homonyme Christopher Reeve prend la relève vingt ans plus tard dans la série de quatre films tournés entre 1978 et 1987. On n’en retiendra toutefois que les deux premiers, réalisés par Richard Donner et Richard Lester, avant que la série ne bascule dans une sorte d’auto-parodie et ne boive le bouillon au box office. Mais lorsque sort Superman en 1978, avec Marlon Brando (4 millions de $ pour une panouille de dix minutes dans le rôle de Jor-El) et Terence Stamp (dans celui de l’affreux Général Zod), le succès critique et public est au rendez-vous.

Reeve, colosse sympathique, crève l’écran face à Gene Hackman qui, dans le rôle de Lex Luthor en fait un peu des tonnes. Les effets spéciaux sont plutôt réussis pour l’époque (notamment grâce aux époustouflantes maquettes de New York signées Derek Meddings) et le thème musical de John Williams devient culte. On a beau passer les 3/4 du film à se demander comment cette gourde de Lois Lane (Margot Kidder) ne reconnait pas Superman derrière les lunettes de cette armoire à glace de Clark Kent, on apprécie que derrière l’humour, en revanche, le réalisateur tente d’effleurer les états d’âme du héros. Notamment lorsque celui-ci, à qui son père à instamment ordonné de ne pas intervenir sur la destinée des Terriens, décide malgré tout de remonter le temps en faisant le tour de notre planète dans le sens contraire de sa rotation afin de sauver Lois Lane (dont il est amoureux) avant qu’elle ne meure. Pas de quoi remplir une copie au bac de philo mais c’est à peu près tout ce que l’on saura des tourments qui agitent  Kal-El.

Superman Lives and Returns

Après ces films inégaux suivront une seconde série télévisée, Loïs & Clark : les nouvelles aventures de Superman (1993-97) et une brochette de dessins animés, ainsi que plusieurs projets de films annoncés, parfois lancés puis abandonnés. Comme ce Superman Lives de Tim Burton qui donna lieu à la diffusion sur internet d’une photo de Nicolas Cage dans le costume du héros qui fit poiler la terre entière.

En 2006, Brandon Routh enfile bottes et slip rouges dans Superman Returns, de Bryan Singer. Son incarnation de Superman ressemble à celle de Reeve, en plus lisse toutefois et même un poil benêt. On assiste ici au retour du super-héros qui avait disparu après sa rupture avec la journaliste Lois Lane, laquelle s’était en outre fendue d’un brûlot un peu vache dans le « Daily Planet » intitulé « Pourquoi le monde n’a plus besoin de Superman » qui lui avait valu le Pulitzer. Sorti de sa retraite pour contrer les noirs desseins d’un Lex Luthor incarné sobrement (cette fois) par Kevin Spacey, Superman réapparait aux yeux de l’humanité dans une scène d’ouverture d’anthologie qui le voit stopper net la chute d’un avion à quelques centimètres d’un terrain de football pour le poser délicatement sur le gazon sous les hourras de la foule. Hélas, les deux heures suivantes ont l’air d’en durer huit et le film frôlera le bide au box office.

Même pas cape

Combien de fois faudra-t-il encore se farcir la destruction de New York avant que les producteurs de ce genre de films ne se décident enfin à se renouveler ? Combien de pulvérisation d’immeubles, de voitures écrasées, de foules affolées courant dans les rues ? Pour Man of steel, qui vient tout juste de sortir, Zach Snyder (et son producteur Christopher Nolan, encore tout auréolé du succès planétaire de sa trilogie Batman), ne s’est pas posé la question. En 1978, Christopher Reeve et Terence Stamp se battaient déjà à coups de taxis jaunes dans des décors en plâtre et la tension était palpable. En 2013, Superman et le Général Zod disparaissent derrière les effets spéciaux et l’on ne ressent plus rien. Déjà vu. Mille fois et en mieux. Chez Batman, chez Spiderman, chez Iron Man, chez les Avengers

Entre la bouillie scientifique des scènes sur Krypton, le déluge pyrotechnique aux relents de Guerre des Mondes et les bastons urbaines, il ne reste guère de temps pour s’intéresser aux personnages. C’est bien dommage car l’interprétation est à peu près tout ce qu’il y a à sauver : les scènes intimistes entre un jeune Clark Kent qui découvre ses pouvoirs, et ses parents adoptifs qui essayent de le protéger tout en le préparant à sa super destinée (excellents Diane Lane et Kevin Costner) sont particulièrement émouvantes et Henry Cavill est un bon Superman, massif et sensible, indestructible et doux. Mais un Superman Nolanisé, sombre et ténébreux, une mutation qui convenait beaucoup mieux au personnage de Batman, héros perturbé par excellence. Les couleurs du film sont au diapason, vitreuses et délavées, et font presque regretter l’aspect cartoon des premiers films qui ne se prenaient pas autant au sérieux.

D’ailleurs, avec le slip rouge, le thème triomphant de John Williams a disparu de la BO de Hans Zimmer et Lois Lane a troqué sa machine à écrire contre un treillis, preuves qu’on s’amuse de moins en moins dans l’univers des super-héros.

Alors qu’ils avaient été conçus pour cela, nous amuser.

 

*«Ils peuvent être un grand peuple, Kal-El. Ils souhaitent l’être. Il ne leur manque que la lumière pour montrer la voie. Pour cette raison plus que toute autre, pour leur capacité à faire le Bien, je t’ai envoyé à eux, toi, mon fils unique.» (Marlon Brando dans le rôle de Jor-EL, parlant des Terriens chez qui il s’apprête à envoyer son fils dans Superman de Richard Donner, 1978).

** Ben Affleck incarne George Reeves dans le film Hollywoodland (Allen Coulter, 2006) qui accrédite la thèse du meurtre.



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