> Mise à jour du 19 juin 2015 : Deux ans après ce premier procès, un troisième « Gudard », mineur au moment des faits (aujourd’hui âgé de 19 ans) vient d’être condamné à six mois de prison avec sursis pour sa participation à l’agression. Un jugement du 19 juin du tribunal pour enfant de Lyon.
L’entrée du tribunal de grande instance de Lyon. Photo : Ugo Moret/Rue89Lyon
C’est une première, à deux égards. Depuis la refondation de ce groupuscule d’extrême droite, à Lyon, en septembre 2011, il n’y avait pas eu de procès de membres revendiqués du GUD (Groupe Union Défense), connus pour leurs actions violentes. C’est également une première au regard des peines qui ont été prononcées. Depuis que se multiplient les violences des groupuscules d’extrême droite, on n’en avait jamais connues de si sévères.
Violences de rue
Ce jeudi, se tenait devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Lyon le procès d’une des ratonnades qu’affectionne le GUD. L’une des agressions de groupuscules les plus violentes parmi celles que connaît Lyon depuis ces derniers mois.
Nous sommes vers 3 heures du matin, dans la nuit du 17 au 18 juin, dans le 3e arrondissement de Lyon. Une dizaine d’individus réalisent une « espèce de contrôle au faciès », selon les termes de la présidente lors d’une première audience qui avait abouti au renvoi du procès.
Leurs victimes ? Deux jeunes couples qui rentrent chez eux en Velo’v.
En pointe sur cette action, Christophe, un jeune homme de 24 ans, sans profession. Il bloque le Velo’v d’un des hommes portant les cheveux longs en lui demandant « t’es blanc ? T’es français ? » Il lui reproche d’être ami avec une « asiatique ». « En quoi ça te regarde ? », a-t-il eu pour réponse. Le militant du GUD insiste :
« Tu fréquentes une asiatique. Tu déshonores la France ».
S’en suit une série de coups portés contre lui et contre l’autre homme du groupe. Les coups sont principalement portés aux visages. Les coups de pied continuent même quand les deux amis tombent au sol et perdent connaissance. La personne considérée par le GUD comme « asiatique » a également été frappée mais moins lourdement :
« Ils m’ont menacée de me faire la même chose si je bougeais », a-t-elle témoigné, encore choquée.
Lors de la première audience, les deux hommes victimes portaient une minerve. L’un a perdu deux dents et l’autre a eu notamment une partie du visage fracturée.
A l’audience, le procureur a souligné que les quatre victimes doivent leur salut à des voisins, témoins de la scène, qui ont appelé la police.
« Nous ne sommes pas violents »
A l’audience de ce jeudi, trois personnes comparaissaient. Deux membres du GUD et une troisième personne arrêtée peu après l’agression. Cette dernière, fichée comme militant d’extrême gauche par la police (selon les termes de la présidente) rentrait chez elle. Rapidement, elle a été mise hors de cause par les quatre victimes.
« Je ne suis pas d’extrême gauche. J’étais militant antifasciste. Mais j’ai tout arrêté », a tenu à préciser ce jeune cuisinier.
Des deux membres du GUD, c’est sur celui qui était en détention provisoire que les débats ont majoritairement porté.
A 24 ans, Christophe est hébergé par son cousin dans le 9e arrondissement. Sans diplôme et sans profession actuellement, il s’est installé il y a un an à Lyon après une séparation. Il a une fille de quatre ans. Il a reconnu avoir mis des coups et avoir tenu des propos racistes à propos de l’ »asiatique ». Il met ça sur le compte de l’alcool. Rien à voir, dit-il, avec le groupuscule d’extrême droite :
« Ce qui s’est passé est en dehors de mon appartenance au GUD. J’assume personnellement ».
Lors de la première audience, l’avocat des quatre victimes et de SOS Racisme (constituée partie civile, avec la Licra), Bertrand Sayn, l’avait questionné sur son militantisme :
- Sur la violence : « Ce n’est pas parce qu’on est membre du GUD, qu’on est violent ».
- Sur les valeurs du GUD : « être nationaliste, cela veut dire aimer notre pays ».
- Sur le nationalisme : « être français, avoir des valeurs françaises ».
A la seconde audience, la présidente, Isabelle Roch, l’a également interrogé sur le GUD et sa conception de la « préférence nationale ». De questions en questions, il s’est embourbé :
« Je ne suis pas un politicien. Je ne sais pas », avant d’ajouter en guise de définition de son nationalisme : « j’aime mon pays, ses traditions et ses valeurs chrétiennes comme base de notre pays ».
Slogans racistes dans les rues de la Guillotière
Que faisait ce groupe d’une dizaine de « Gudards » à la Guillotière, le quartier cosmopolite de Lyon ?
Les deux accusés ont expliqué qu’ils rentraient chez eux (Caluire pour l’un, le 9e arrondissement pour l’autre). C’est difficilement crédible : ils marchaient exactement dans la direction opposée.
Ils ont donc déambulé dans les rues de ce quartier, après avoir participé en début de soirée à un rassemblement contre la venue de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, dans le 9e arrondissement de Lyon.
Ensuite, ils se sont « alcoolisés », comme ils le disent eux-mêmes. Une des victimes témoigne :
« On les a vus de loin sur le cours Gambetta. Ils gueulaient des slogans et des insultes racistes ».
Que cherchaient-ils ? Le deuxième prévenu, David, qui comparaissait libre mais sous contrôle judiciaire, s’est qualifié de « sympathisant du GUD ». A 20 ans, il est étudiant en BTS dans un lycée de la Loire. Il a également reconnu avoir porté des coups.
C’est lui qui a brièvement décrit cette façon qu’a le GUD de déambuler dans la rue :
« On interpelle des gens, on crie. Concernant les deux couples, c’est pas moi qui ai pris la décision de les embêter pour déclencher une bagarre. C’est Christophe. »
Il a essayé de se présenter comme une personne non-violente, attirée par le côté « social » du GUD, comme les maraudes pour SDF « français de souche » :
« Mais aujourd’hui, je me rends compte que ça draine des personnes violentes ».
Désormais, Il a promis de s’éloigner du GUD et de se « concentrer sur (son) travail ».
« Peur de sortir de chez moi »
Les deux « gudards » ont exprimé leur « regret ». Mais ces paroles ont semblé glisser sur les victimes. Visiblement très choquée à l’audience, la personne que le GUD avait considérée comme « asiatique » n’ose plus sortir de chez elle. Elle se dit « crispée, courbaturée ». Elle a du mal à s’endormir :
« Si personne n’avait appelé la police, mon compagnon et mon ami seraient morts ».
Depuis plusieurs mois, le GUD fait parler de lui, particulièrement à Lyon, lors des manifestations contre le mariage gay. Une passante avait notamment été frappée au moment de la dispersion d’une de ces manifs.
Frigide Barjot avait également subi leurs insultes lors de sa venue à Lyon.
Les prévenus, Christophe et David, s’étaient également illustrés lors d’une tentative d’accrochage d’une banderole sur la préfecture du Rhône, le 7 mai dernier. Christophe doit comparaître prochainement pour des violences sur agent de police.
L’avocat des victimes, Bertrand Sayn, a rappelé que depuis le début de l’année, 13 agressions de l’extrême droite radicale ont été recensées. « Ces violences sont la conséquence d’une idéologie raciste », a-t-il tranché.
L’avocate des deux « gudards », Marie-France Vuillermet, a tenté de s’opposer à ce qu’elle nomme « une récupération politique » et de faire passer les deux membres du GUD comme des « pauvres gosses, à qui on fait endosser un costume indécent ».
Un argument qui n’a pas convaincu la présidente Isabelle Roch : elle a ainsi évoqué Clément Méric, mort sous les coups d’un militant d’un autre groupuscule d’extrême droite.
«Violences aggravées en réunion en raison de la race ou de l’ethnie de l’une des victimes»
La présidente est allée au-delà des réquisitions du procureur en condamnant Christophe, le meneur, à 18 mois de prison dont six mois avec sursis. Une peine assortie d’un mandat de dépôt. David a écopé de 12 mois de prison dont six mois avec sursis mais sans mandat de dépôt. Le caractère raciste de l’agression a été retenu. Quant au troisième prévenu, il a été relaxé.
Le verdict a été rendu vers 21 heures alors qu’une quinzaine de militants du GUD venaient de s’asseoir dans la salle pour soutenir leurs camarades. « Force et honneur » a lancé l’un deux. Des amabilités ont été échangées avec la dizaine d’antifascistes présents depuis le début de l’audience. La police a fait tampon pour éviter un affrontement.
Les quatre victimes ont dû être évacuées par l’arrière du tribunal.
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