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A Lyon, la justice oblige le préfet à reloger une cinquantaine de Roms

Une première. Suite à l’expulsion du terrain qu’elles squattaient, dix familles de Roms ont obtenu ce jeudi du tribunal administratif de Lyon leur relogement. Le préfet du Rhône a quatre jours pour s’exécuter.

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Photo d’illustration : le bidonville Roms de Saint-Fons en janvier dernier. Crédit : Laurent Burlet/Rue89Lyon.fr

Il y a une semaine, le jeudi 28 mars, la police expulsait d’un bidonville de Villeurbanne douze familles. Soit 50 personnes dont 26 enfants. Le soir même, le curé de Gerland les hébergeait dans une salle paroissiale. Mais il avait prévenu : il ne pourrait les garder plus longtemps que le week-end de Pâques.

Au lieu d’essayer d’aller trouver un autre terrain à squatter dans l’agglomération, comme souvent après une expulsion, ces Roms ont attaqué le préfet en justice. Appuyées par les associations « Enfants sans toit » et le Mrap, elles ont saisi le tribunal administratif pour non application du Droit au logement opposable qui prévoit notamment dans un de ses articles que :

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».

L’audience avait lieu mercredi. En attendant la décision, la cinquantaine de personnes a dormi devant le tribunal administratif de Lyon, avec le prêtre.
Ce jeudi après-midi, elles ont appris que, parmi elles, les familles avec enfants (soit dix familles sur douze) ont obtenu du juge un hébergement.

 

« Un séisme juridique »

Le représentant du Mrap a qualifié de « séisme juridique » ces ordonnances du juge des référés :

« C’est une immense victoire du droit. Cela démontre que toutes les expulsions de terrains sans solutions de relogement sont illégales ».

Ce succès juridique est une première. La circulaire du 26 août 2012 de Manuel Valls prévoit en effet que tous les terrains squattés fassent l’objet de propositions de relogement avant expulsion. Mais les associations soulignent régulièrement qu’elle n’est pas appliquée. Pour la première fois, des recours en justice étaient engagés pour demander ce relogement.

« C’est un signe fort du juge. On espère qu’après cette décision, le préfet du Rhône va réenvisager sa manière de faire », déclarait l’une des avocates, Myriam Matari.

Les deux avocates des familles, Céline Amar et Myriam Matari, avaient déjà fait des recours dans le cadre d’une campagne juridique lancée l’année dernière à Lyon, par la Fondation Abbé Pierre. Mais cette fois-ci, il s’agissait de contraindre la préfecture à maintenir les SDF dans les hébergements d’urgence alors que ces structures fermaient à la fin du plan froid.

 

L’entrée du tribunal administratif de Lyon. Crédit : Laurent Burlet/Rue89Lyon

 

Le juge ne ménage pas le préfet

Dans ses douze décisions (une par famille) que nous avons pu consulter, le juge n’a pas été tendre avec le préfet du Rhône :

  • Le préfet n’a pas fait de propositions « pour tenter d’orienter M. XX et autres vers un dispositif d’accueil adapté à leur situation familiale ». Sous-entendu : le préfet n’a pas appliqué la circulaire de Manuel Valls.
  • La saturation du dispositif d’urgence, le 115, « ne saurait justifier qu’aucune solution ne puisse être offerte à une famille sans abri, composée d’enfants en bas âge, compte tenu des conséquences graves pour ces enfants ».
  • Les locaux paroissiaux sont « inadaptés et ne sauraient constituer une solution d’hébergement ».

Le juge administratif en tire la conclusion qu’il y a une « carence » dans la mise en oeuvre effective du Droit au logement :

« La carence de l’Etat dans son obligation d’assurer un hébergement d’urgence à des personnes sans abri est caractérisée et constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale des requérants ».

Par conséquence, il « enjoint » le préfet du Rhône de proposer à tous les couples avec enfants, « dans un délai de quatre jours », un hébergement d’urgence.

 

« Penser que je peux loger tous les Roms présents à Lyon est une position absurde »

Contacté par l’AFP (via lefigaro.fr), la préfecture a indiqué que le préfet, Jean-François Carenco, « prenait acte » de la décision et ne ferait « aucun commentaire ».

Le jour de l’audience, la préfecture du Rhône n’était pas représentée. Mais le matin même du procès, devant les journalistes, Jean-François Carenco avait expliqué sa politique vis-à-vis de la communauté rom, qu’il estime composée d’environ 2 000 personnes sur l’agglomération lyonnaise :

« Il est dangereux de dire que tout le monde a droit, tout le temps, à un hébergement. Penser que je peux loger tous les Roms présents à Lyon est une position absurde. »

Comme dans son mémoire de quatre pages transmis au tribunal, le préfet a tenu à mettre en avant le dispositif Andatu (« Pour toi » en rom), confié à Forum réfugiés, qui vise à insérer les familles Roms. Ce dispositif prévoit, après la signature d’un « contrat », d’obtenir un titre de séjour, de bénéficier d’un logement et de toucher le RSA. En contre-partie, la personne doit suivre un apprentissage du français et s’inscrire dans une démarche de recherche d’emploi.

Mais les douze familles qui ont attaqué le préfet n’ont pas vu, selon leurs avocates, la couleur de ce programme. Ce qu’a rappelé le juge administratif :

« Si le préfet évoque également un dispositif d’accueil dénommé ANDATU, il n’apporte aucune précision sur les modalités de son application et des conditions qui permettront à M. XX et autres d’en bénéficier. »

Le préfet du Rhône a promis d’autres expulsions de « squats et et de camps » dans les prochains jours. Mais il a quatre jours pour reloger les 10 familles. Ce délai expiré, il devra verser une astreinte de 75 euros par jour de retard et par famille.

En attendant leur relogement par le préfet, les familles ont été mises  l’abri dans une église de Villeurbanne, par le curé Jean-Claude Servanton, de la paroisse de la Résurrection.

> Article mis à jour le 6 avril à 11h30 avec l’information de la mise à l’abri des familles dans une paroisse de Villeurbanne


#Bidonville

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