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Le directeur des Ateliers paralyse-t-il son théâtre ?

Créé en 1975 et dirigé depuis par le metteur en scène Gilles Chavassieux, le théâtre des Ateliers démarre l’année 2013 sur de nombreuses incertitudes. Les subventions sont suspendues à la venue d’un nouveau co-directeur auquel Chavassieux est censé

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laisser la main. Ce qu’il semble avoir du mal à faire.

Par Hugo Lautissier, avec Dalya Daoud

Hugo Lautissier/Rue89Lyon

Tandis qu’une conférence de presse de « crise » est organisé dans le théâtre de la rue Petit David, un photographe de presse demande à Gilles Chavassieux s’il peut le prendre en photo. Réponse gênée du metteur en scène, fondateur des Ateliers :

« Ce n’est pas pour faire mon intéressant, mais on est en pleine réorganisation. Je ne sais pas si c’est très utile que ma photo réapparaisse en ce moment. »

En filigrane, il faut entendre : je ne sais pas si je ne devrais pas plutôt faire profil bas en ce moment. Depuis le départ précipité en septembre 2012 de son jeune codirecteur artistique, Simon Delétang, le doute plane sur l’avenir du théâtre d’expression contemporaine.

Arrivé en 2008, l’ancien étudiant prometteur de l’ENSATT prend le poste de codirecteur des Ateliers, aux côtés de Gilles Chavassieux, censé s’effacer peu à peu à son profit. Simon Delétang a laissé cet épisode derrière lui mais garde une certaine amertume :

« On m’a proposé ce poste pour assurer la transition à la direction du théâtre. Mais rapidement, j’ai compris que Gilles Chavassieux n’avait aucune envie de quitter les Ateliers. »

Vidéo de Simon Delétang racontant l’un de ses projets autour de l’auteur Lars Norén, monté au théâtre des Ateliers (en 2010).

« Soit je lâche des bombes, soit je me tais »

Le jeune directeur quitte alors la scène discrètement en septembre dernier sans vraiment, à ce moment-là, donner les raisons de son départ. Aujourd’hui, agacé par la version donnée par Gilles Chavassieux, qui estime que ce départ n’aurait été motivé que par des raisons financières (reformer une compagnie pour avoir plus de moyens), Simon Delétang tente de contenir sa colère :

« Soit je lâche des bombes, soit je me tais. »

Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir quitté le navire, quatre de ses collaborateurs sont partis en même temps que lui. C’est presque un problème générationnel qui opposerait Delétang à Chavassieux :

« Nous avons essayé de donner une image plus jeune au théâtre, mais il y avait clairement deux visions du monde qui s’opposaient.

J’ai quitté un emploi stable et une bonne situation. Ce n’était pas de gaieté de coeur. Aujourd’hui, je dois tout recommencer à zéro et trouver de nouveaux partenaires, je n’avais plus rien à faire là-bas. »

Un problème générationnel qui commence à agacer sérieusement les collectivités, qui soutiennent le théâtre des Ateliers depuis de nombreuses années par le biais de subventions.

« On voudrait un directeur qui soit en phase avec sa génération »

Après le départ de Simon Delétang, en septembre dernier, s’est fait entendre une réelle exaspération face à ce qui pourrait passer pour le caprice d’un directeur vieillissant qui, s’il a fait beaucoup pour sa structure et pour la création contemporaine, n’imagine pas lâcher les manettes.

Pour l’année 2012, le théâtre a bénéficié de :

  • 353 000 euros de la DRAC (direction départementale des affaires culturelles, représentante de l’Etat)
  • 220 000 euros de la Ville de Lyon
  • 110 000 euros de la Région.

Le Département (qui a assuré jusqu’à 25% des financements), a annoncé qu’il se retirait complètement du projet. Les trois autres soutiens publics ont d’une certaine façon laisser planer le doute sur leur ré-engagement, ce qui a suscité la panique de Gilles Chavassieux, la convocation de la presse et le lancement d’une pétition en ligne.

« Tout de suite, c’est l’artistique qui va être touché », estime Gilles Chavassieux.

Pour le directeur des Ateliers, les causes de la menace du désengagement sont multiples : mise en place de l’Eurométropole, investissement dans le musée de la Confluence, renouvellement de la direction de la DRAC… Elle serait à l’inverse unique, et toute autre. La municipalité en donne le détail :

« Ce théâtre est largement soutenu, il doit donc répondre à un cahier des charges, dans lequel il a clairement été demandé qu’une codirection soit mise en place. La discussion est loin d’être fermée, l’idée n’est pas de couper les subventions des Ateliers. Ce théâtre a un rôle dans la ville et dans la création d’oeuvres contemporaines. »

Pour bien se faire entendre, la Ville de Lyon a donc mis la pression. Au cours du prochain conseil municipal, en mars, devrait être votée l’attribution de la moitié de la subvention annuelle, soit environ 120 000 euros. Le reste étant suspendu au recrutement de ce fameux codirecteur, auquel Gilles Chavassieux devra finir par laisser les coudées franches. Même position pour la Région, qui doit également faire voter l’attribution de la moitié de la subvention en mars prochain, et suspend l’autre moitié à l’arrivée du nouveau directeur.

 Un nouveau directeur-mystère

Si Gilles Chavassieux a défendu le théâtre par le biais de sa structure pendant 38 ans, en gestionnaire et metteur en scène prolifique, les collectivités sont catégoriques : « il doit passer la main, à un directeur en phase avec sa génération ».

Pressé par les conditions posées de façon radicale par les pouvoirs publics, il a annoncé lors de sa conférence de presse son intention de confier les clés du théâtre à « quelqu’un ». Un directeur-mystère. « Qui ne viendrait pas forcément de la région ».

« Je souhaite me retirer de tout poste à responsabilité. Quelqu’un devrait me remplacer dans le courant du mois de mars. »

Pudiquement, il estime que le principe de codirection nuit à la visibilité du théâtre auprès des financeurs -le théâtre n’étant pas un établissement public, mais une société coopérative (SCOP), dont il promet qu’il restera membre quoiqu’il advienne. Des réunions s’organisent actuellement pour désigner le futur pilote, les collectivités souhaitant avoir leur mot à dire et, sans doute, suivre la succession de plus près afin que, cette fois, elle aboutisse.


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