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Beppe Grillo n'est pas Coluche

L’ancien comique Beppe Grillo pourrait bien être le troisième homme des élections italiennes de février prochain. Avec 16% des intentions de vote il devance l’actuel président du Conseil Mario Monti. Candidat « anti-système »et populiste, Beppe Grillo rassemble chaque jour des milliers de personnes dans son Tsunami Tour. Souvent comparé, à tort, à Coluche

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, l’humoriste ne fait en réalité plus trop rire.   

« J’appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés… à voter pour moi ».
Le 30 octobre 1980, Coluche se lançait dans la course à la présidence. Venu pour « foutre la merde », le candidat anti-système abandonne quelques mois plus tard une entreprise considérée comme une plaisanterie et devenue un peu trop sérieuse à son goût. Lassé par les menaces, Coluche retire en avril 1981 sa candidature. Le parallèle a rapidement été fait par les médias français notamment.

Comique, grande gueule et candidat anti-système, Beppe Grillo est le Coluche italien. Mais le leader du Mouvement 5 étoiles, actuellement troisième dans les sondages, s’en défend : contrairement à Coluche en 1981, il compte aller jusqu’au bout. Et c’est là toute la différence.

5 étoiles pour un tsunami

Depuis plusieurs semaines Beppe Grillo arrangue les foules dans son Tsunami Tour électoral. Tandis que ses adversaires égrainent les plateaux télé, le comique fait campagne à l’ancienne, trimbalant son camping-car de ville en ville. Petit exemple de la faconde du bonhomme à la chevelure hirsute dans cette vidéo capturée à Palerme :

Avec un slogan percutant, Licenziamoli tutti (licencions-les tous), Beppe Grillo scande son désamour pour les politiques. Corrompus, menteurs, irresponsables… Les dirigeants de son pays ont selon lui tous les travers, et faire table rase serait donc la seule solution.

Alors se candidater lorsqu’on fait campagne contre les politiques et la politique en général ne serait-ce pas contradictoire ? Beppe Grillo a trouvé la parade. Il n’est pas à la tête d’un parti mais d’une « association libre de citoyens », le MoVimento 5 stelle.

Un V majuscule pour le Vaffanculo day. Et cinq étoiles pour les thématiques eau, environnement, transport, réseaux et développement mises en avant par l’humoriste. Et mainteant le Tsunami Tour. Revenons-en donc à la mutation de la satire en machine politique.

Des plateaux télé à la scène politique

En 1986 Beppe Grillo est propulsé par la télévision publique  qui lui laisse entière liberté d’expression dans son émission Grillometer. Il est banni de cette même télévision publique pour des critiques un peu trop acerbes envers le pouvoir en place et la classe politique. Ni une ni deux, il se lance dans le one man show et sur le web, deux moyens pour diffuser ses idées.
La mayonnaise prend. Les italiens sont alors fatigués par le berlusconnisme.

C’est sur son blog qu’il lance en 2005 la première expérience participative : il propose aux personnes ayant déposé des idées sur son site de se réunir au niveau local. Les « amis de Beppe Grillo » naissent. La machine politique est lancée. Devant le Parlement européen en 2007, l’humoriste se positionne en faveur d’une loi interdisant aux politiques ayant un casier judiciaire de se présenter.
Deux mois plus tard, 300 000 signatures sont recueillies et 50 000 personnes défilent dans les rues de Bologne le 8 septembre 2007 pour le Vaffanculo day. Trois lois d’initiatives populaires sont déposées Palazzo Chiggi, siège du gouvernement. Rebelotte en 2008. Un nouveau V-day et la presse se déchaîne contre ces « grillate rosse », référence aux Brigate rosse, le mouvement terroriste de gauche. Sauf que, comme le souligne le journaliste Marco Travaglio dans la vidéo (en italien) qui suit, « ces terroristes-là ne tirent pas, ils signent ».

L’éditorialiste résume en quelques mots la pensée médiatico-politique de l’époque : « antipolitique, populiste, terroriste, fasciste… et vulgaire, puisque Beppe Grillo prononce le mot Vaffanculo ».

Une vision toujours d’actualité. Mi-janvier, après un nouvel écart de l’humoriste réclamant à Brindisi la suppression des syndicats, Beppe Grillo a été attaqué. La CGIL, le syndicat majoritaire a déclaré : « s’il veut la disparition de leurs 12 millions d’adhérents, l’objectif est-il l’extermination de masse ? » Pour Rosi Bindi, la présidente du Parti Démocrate (centre-gauche), c’est « le signe d’une dérive autoritaire et d’une conception simpliste de la démocratie ».

Le parti démocrate, auquel Beppe Grillo n’avait pu présenter en 2009 sa candidature aux primaires internes. Et c’est de cet affront qu’est né le MoVimento 5 stelle. Car le comique fait peur, comme faisait peur Coluche. Mais pour Grillo il s’agit d’un mouvement de fond, comme on vient de le voir, et ses 16% dans les sondages à l’heure actuelle ne datent pas d’hier.

Déjà des élus

D’ailleurs, à la différence de Coluche, plusieurs « grillini » ont été élus ou ont obtenu de bons scores. En 2008, 23 conseillers communaux et deux parlementaires européens, Luigi De Magistris et Sonia Alfano. Rebelotte en 2010. Mieux, en 2012, quatre maires 5 stelle sont élus, dont celui de Parme.

Et c’est bien ce qui inquiète pour les prochaines élections : voir un populiste se placer en troisième position. Le tribun est notamment taxé de critiquer sans avoir de réel programme. Un constat pas entièrement faux. Car derrière de belles idées de démocratie participative et de politique transparente, Beppe Grillo en meeting crie plus que ce qu’il propose. Mais entre le retour de Silvio Berlusconi, les mesures d’austérité prises par Mario Monti, et, comme l’explique Philippe Ridet du Monde, le dernier scandale financier en date, les italiens semblent avoir soif d’une troisième option.

Petit résumé pré-électoral :

Et pour les plus courageux, le programme (en italien) du MoVimento 5 stelle.


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