Le bidonville de Saint-Fons. Crédit : Laurent Burlet/Rue89Lyon
Le matin, accompagnés par des associatifs, ils arrivent en groupe, entre quinze et vingt, et montent au deuxième étage du bâtiment qui abrite le commissariat de Saint-Fons. Les enfants, âgés de 6 ans à 12 ans, font 8h30-12h, puis 13h45-16h15 ; les horaires de l’école élémentaire Parmentier à laquelle leur classe est affectée. Une institutrice, formée en FLE (français langue étrangère) et une stagiaire les encadrent, seules, toute la semaine.
Pas de bureau du directeur en cas de problème dans la classe. Pas de cantine. Pas de point d’eau non plus. Des bouteilles d’eau minérale sont fournies par les militant du Collectif lyonnais pour l’accès à la scolarisation (CLASSES) qui ont jusque là “accepté la situation du moins pire”. Les élèves ne croisent quasiment jamais les policiers qui travaillent au rez-de-chaussée, en voisins. Les ailes du bâtiment sont indépendantes ; la cohabitation est “normale”. Le souci ne serait donc pas tellement “cette histoire de commissariat”, selon un enseignant interrogé sur la commune de Saint-Fons :
“Les institutrices sont isolées, elles se débrouillent toutes seules. Les enfants sont entre eux, ils parlent donc leur langue d’origine, le romani pour la plupart, l’italien pour certains. Ils ne parlent le français que dans des situations factices, avec l’enseignante, et jamais avec d’autres enfants. Le projet pédagogique ne tient pas.”
Interrogé par l’AFP, le cabinet de Dominique Baudis, défenseur des droits, assure avoir le dossier entre les mains depuis 10 jours et y être attentif, d’autant qu’“il ne semblerait pas conforme” à l’esprit de la circulaire du 26 août, qui encadre entre autres la scolarisation des enfants roms. Il a également souligné que la France vient d’être condamnée pour violations manifestes des droits des populations roms, par décision du Comité européen des Droits sociaux (CEDS).
Une “classe ghetto”
Pourtant, Jean-François Carenco, préfet du Rhône, se félicite d’un dispositif de scolarisation “exceptionnel” :
“(Il) permet à de jeunes enfants Roms de ne pas rester dans la rue. Ce dispositif est transitoire à un double titre : les locaux en attendant de nouvelles écoles d’une part, les enfants eux-mêmes qui ont vocation à intégrer des cours ordinaires une fois la remise à niveau effectuée. Les enfants, pour la plupart d’entre eux n’étaient pas scolarisés avant leur entrée dans cette classe.”
De la même façon, la maire socialiste Christiane Demontès, qui rappelle dans un communiqué que Saint-Fons est l’une des communes les plus pauvres de l’agglomération, estime avoir mis tous les moyens nécessaire pour faire face à une urgence :
“Depuis août 2012, la ville de Saint-Fons abrite un camp de Roms d’environ 200 personnes, toutes expulsées l’été dernier des villes (notamment de Saint-Priest, ndlr) dans lesquelles elles résidaient auparavant.”
Ce problème de scolarisation des enfants roms, Christiane Demontès aurait sans doute aimé régler plus vite et de façon plus radicale, par le biais d’une requête d’expulsion du bidonville, déposée devant le tribunal par l’un des propriétaires du terrain. A cette demande, la justice a répondu, en décembre dernier, en repoussant la destruction des quelques 70 cabanes au mois de mai prochain.
Pour le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) qui a révélé la situation, cette “classe ghetto” constitue une « nouvelle forme de discrimination à l’encontre de la minorité rom ». C’est donc après la parution d’articles dans la presse locale que les discours institutionnels se sont mis au diapason.
D’abord, des bancs sont opportunément arrivés ce mardi dans la classe, au-dessus du commissariat. Ensuite, c’est l’inspection académique qui a fini par donner une posture officielle : elle serait actuellement “en réflexion” pour que les enfants soient intégrés à des classes au sein des établissements scolaires. Pourtant, depuis le début, il semblerait que les « enfants du commissariat » auraient pu être intégrés dans un établissement scolaire, au milieu des autres élèves.
Le directeur de l’école veut “rapatrier la classe”
Jusque là, ni la mairie, ni la préfecture, ni l’inspection académique n’ont semblé entendre l’avis de l’équipe pédagogique de l’école Parmentier. Le directeur de l’établissement, Marc Ronzière, observe l’agitation post-médiatique de son bureau et assène :
“Ce qu’on veut depuis le début, c’est rapatrier la classe, l’institutrice et la stagiaire ne peuvent pas continuer à travailler dans ces conditions. On peut accueillir les enfants dans l’école, on est à même de libérer des locaux et de mettre les élèves dans des classes selon les niveaux. Toute l’équipe pédagogique est d’accord avec ça. On l’a déjà fait, il y a deux ans : on a accueilli 17 enfants qui vivaient dans des squats de part et d’autre de l’école. Je ne vous dis pas que c’est facile mais c’est possible.”
Si la décision du tribunal administratif prévoit l’expulsion du bidonville en mai prochain, elle ne porte en fait que sur une partie du terrain, divisé entre différents propriétaires (EDF et la CNR). On imagine mal les forces de l’ordre évacuer cette seule parcelle, quand les habitants n’auraient qu’à reconstruire les cabanes sur la partie non expulsée. La question de la scolarisation des enfants sur la commune de Saint-Fons ne va pas donc disparaître demain.
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