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Périph’ Ouest : l’autoroute qui ne sera jamais construite

Depuis la saisine de la Commission nationale du débat public, par Gérard Collomb, président du Grand Lyon, pour la construction du Tronçon Ouest du Périphérique (TOP) lyonnais, les discussions sont houleuses. Les réunions publiques qui se multiplient réunissent de plus en plus de personnes.

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> Tribune initialement publiée le 6 février 2012.

L’objectif est à la fois de démontrer que le projet continue d’avancer malgré la contestation de nombreux élus et habitants de l’agglomération, mais aussi de renommer le projet « anneau des sciences » à la place du TOP. Il s’agissait alors de communiquer sur l’intérêt pour les pôles scientifiques lyonnais de disposer d’un « nouveau » moyen d’échange routier à l’heure de l’Internet 2.0.

 

L’autoroute A7 au niveau de la Confluence à Lyon. ©Thomas Francillard/Rue89Lyon

 

Question de vocabulaire

 

L’idée des communicants est grandiose. D’une part, le projet évite maintenant de prononcer les mots « autoroute » ou « périphérique » qui fâchent à une période où l’Etat, à travers le Grenelle de l’environnement, a proclamé en 2010 un moratoire sur la construction de toute nouvelle autoroute. D’autre part, en prenant le monde scientifique comme garant d’un projet autoroutier, la communication politique entend rendre légitime le périphérique car « les scientifiques » font encore partie des rares personnes qui ne se sont pas exprimées sur le sujet pour le contester. Que peut donc bien penser la science d’une autoroute urbaine ?

 

Une journée d’étude organisée par une grande école lyonnaise s’est pourtant penchée sur la question en juin 2010 en prenant l’exemple du TOP et du COL pour traiter de la problématique suivante : « Les projets d’autoroutes urbaines : impasses, contestations et alternatives ». La journée n’a probablement pas attirée certains communicants éclairés, mais elle a rassemblé des historiens, des géographes, des politistes, des urbanistes, des ingénieurs, des experts du CERTU, de l’Agence d’urbanisme, des élus et des associations. Elle a aussi été suivie par des agents de diverses administrations lyonnaises et par des représentants de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon. Quelles en ont été les conclusions ?

 

 

Une histoire qui date

 

La première montrait, à travers une perspective historique, que le COL et le TOP avaient été pensés dès le début des années 1940, puis repris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le plus intéressant était de voir que les tracés choisis à l’époque correspondaient quasiment aux mêmes que ceux proposés aujourd’hui par nos décideurs. Les supporters du TOP diront alors que ce tracé est la preuve de la nécessité historique du projet, tandis que les opposants pourront argumenter de l’inadaptation des décideurs aux évolutions économiques et sociales des territoires concernés. Comment expliquer que ces projets, dans les cartons depuis le milieu du 20e siècle, n’ont-ils pas pu se réaliser, alors que d’autres autoroutes urbaines de l’agglomération ont été aménagées ? Les explications sont nombreuses et varient au fil du temps : conflits politiques, contestations sociales et environnementales, contexte économique, etc. En fait, la question de l’utilité économique et sociale du Tronçon Ouest du Périphérique lyonnais s’est toujours posée, y compris pendant la période d’essor économique des Trente Glorieuses.

 

 

Pas dans mon jardin

 

A partir de cette analyse, les chercheurs se sont penchés plus particulièrement sur les contestations autour des autoroutes urbaines. Là-aussi, les conclusions sont intéressantes. Outre le déficit démocratique qui entoure ces projets, une évolution des modes de mobilisation des associations a été observée : d’abord structurée par des pratiques NIMBY (Pas dans mon jardin) dans les années 1980, l’action des associations s’est progressivement structurée vers la mobilisation d’une expertise, aux côtés de certains élus et ingénieurs. Leur contestation s’attache aujourd’hui à promouvoir de vraies alternatives, notamment pour le développement des transports collectifs ferroviaires, en mobilisant des experts. Finalement, ces contestations remettent en cause l’expertise et même la vision de la société des décideurs politiques et de leurs institutions. Leur argumentation tient d’autant mieux que le prix de l’essence ne cesse d’augmenter (atteignant un nouveau record en janvier 2012), que, de ce fait, le trafic automobile est en baisse dans l’agglomération lyonnaise depuis le début des années 2000, et que la crise de la dette publique interroge sur l’opportunité économique d’investir plus de 2 milliard d’euros dans une autoroutes.

 

 

Le TOP restera de la pure fiction

 

En passant de la science à la science fiction, deux scénarii peuvent alors se dessiner :

 

Le premier scénario, le plus probable, est qu’au regard des difficultés historiques qui s’accumulent sur la construction du TOP et au regard du contexte actuel de crise économique, cette autoroute ne sera jamais construite. L’enveloppe de plus de 2 milliard d’euros d’argent publique aura été réaffectée dans des politiques plus urgentes pour gérer la crise, avec pourquoi pas une partie investie dans la recherche publique pour développer les énergies renouvelables et repenser globalement notre politique énergétique.

 

Le deuxième scénario est celui d’une inauguration effective du TOP dans une quinzaine d’années, vers 2027. Il donnera alors l’occasion à la science d’organiser à Lyon un grand colloque international intitulé « Comprendre le gaspillage d’argent public en période de crise : le cas lyonnais de l’anneau des sciences vu par la science » !

 

 


#Gérard Collomb

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