Les immigrés sont nombreux à être ouvriers. Mais de plus en plus, ils exercent des fonctions de cadre, nous dit l’étude de l’Insee.
Les trois principales agglomérations de Rhône-Alpes, Lyon, Saint-Etienne et Grenoble, ont vu la part des immigrés augmenter au sein de leur population active. Aujourd’hui (chiffres de 2008) ils représentent 13% de la population et 13% des actifs.
Pour aller au-delà du simple constat, l’Insee a voulu dresser « le nouveau profil de la population active immigrée ».
L’un des auteurs de cette étude publiée le 14 décembre, Axel Gilbert, est formel : « elle permet d’infirmer les préjugés persistants » selon lesquels, entre autres, les immigrés seraient pour une grand part au chômage.
Immigrés diplômés et cadres
De manière attendue, l’étude de l’Insee confirme que les immigrés sont toujours plus exposés que les autres au risque d’être au chômage (18 % contre 9 % pour les non-immigrés) ou d’occuper un emploi précaire.
Une situation qui s’explique, en partie, parce que les immigrés actifs sont trois fois plus nombreux à ne pas détenir de diplôme que les non-immigrés actifs.
Mais cette situation n’est pas figée. Les immigrés sont de plus en plus nombreux à être diplômés et à occuper des fonctions de cadre. Leur proportion parmi les cadres est en effet passée de 6 % en 1999 à 8 % en 2008.
Surtout, l’étude aborde la question du déclassement qui concerne les immigrés avec une grande acuité. En effet, si « les immigrés sont de plus en plus qualifiés et diplômés », ils ont, à niveau de diplôme équivalent, « plus de risques d’occuper un emploi en deça de leur qualification que les non immigrés».
Selon l’Insee, ce sont 27 000 immigrés (sur les 128 000 immigrés actifs que comptent les trois agglomérations) qui se trouvent dans cette situation.
Immigrés et entrepreneurs
L’Insee révèle un autre dynamisme à travers un profil inédit : celui de l’immigré-entrepreneur. Sur les trois agglomérations, 7 % des immigrés actifs sont entrepreneurs contre seulement 5 % parmi les non-immigrés. Les chercheurs expliquent ce phénomène :
« Pour les immigrés, s’investir dans la création d’entreprise apparaît comme une voie d’insertion économique et sociale et constitue une réponse à des conditions d’accès à l’emploi difficiles : plus de chômage, des emplois plus précaires et ce malgré la possession d’un diplôme ».
Dans le même sens, l’étude révèle que les immigrés sont plus souvent que les autres inscrits dans une agence d’intérim. Selon l’Insee : « la proportion des immigrés se déclarant placés dans un agence d’intérim est deux fois supérieure à celle des non immigrés. (…) L’intérim apparaît comme un recours pour trouver un emploi ». Une façon d’expliquer, que face à une situation de précarité, les immigrés ne restent pas plus inactifs que les autres et entreprennent pour sortir du chômage.
« Les immigrés ne sont pas une charge pour le pays »
Maurice Charrier, vice-président du Grand Lyon chargé de la politique de la ville, dont la délégation a participé à cette étude de l’Insee, relève qu’un médecin sur dix ou encore que 15 % des enseignants du supérieur sont immigrés.
L’ancien maire communiste de Vaulx-en-Velin, Maurice Charrier, se réjouit ainsi de constater ces « bons signes pour le dynamisme » de l’activité des immigrés. Et donne sa lecture de cette étude :
« La place des immigrés est plus complexe que ne le laissent présager certains discours qui auraient tendance à considérer que leur présence est une charge pour notre pays ».
Mais, derrière ce dynamisme pointé par Maurice Charrier, se cache une grande diversité de situations, en particulier chez les cadres, comme l’évoque l’étude :
« «Les cadres immigrés arrivés récemment sont principalement originaires de l’Union européenne. (…) On constate une augmentation des cadres immigrés américains (…) et d’autres pays d’Asie. »
La question de l’influence des origines n’est pas plus creusée dans cette étude de l’Insee. Axel Gilbert le reconnaît :
« On sait que le taux de chômage par exemple, diffère, toutes choses égales par ailleurs, entre les diplômés immigrés selon leur origine. Il ne s’agit pas d’un tabou ou d’une volonté de rayer cela mais ce n’est pas ce qu’on a voulu mettre en avant ».
Pour Maurice Charrier, il s’agit de toute façon d’un secret de polichinelle.
« Il ne faut pas être sorti de l’ENA pour savoir que les discriminations touchent plus fortement les immigrés d’origine africaine que les autres immigrés. Des chiffres plus détaillés, malheureusement n’auraient fait que confirmer ce constat ».
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