Une vingtaine de commerçants ambulants se sont brièvement installés jeudi devant l’hôtel de ville de Lyon. Photo : Laurent Burlet
Ils vendent des kebabs, des sandwichs-merguez ou escalopes-frites. Les marchands ambulants font leur chiffre annuel en grande partie dans le centre-ville pendant les quelques jours que dure la Fête des Lumières. Mais cette année ils ne seront que neuf. Il y a trois ans, ils étaient 18, disent-ils. Les neuf places ont été obtenues, « arrachées », ce jeudi soir, à la suite d’une énième réunion de crise avec les services de la Ville de Lyon.
Un nombre limité qui se justifie, selon la mairie de Lyon :
« C’est une question de sécurité et de contraintes techniques liées aux installations de la Fête ».
« Gérard Collomb ne nous aime pas », soutiennent, au contraire, les marchands ambulants qui se sont mobilisés pour se faire entendre.
Pas de kebab place Bellecour
Le rêve de tout commerçant ambulant, c’est d’obtenir un emplacement place Bellecour pour la Fête des Lumières. Un emplacement en or, durant des festivités qui attirent quelque 4 millions de visiteurs en 4 jours : il permet d’assurer 30% du chiffre d’affaire de l’année.
Malgré la fin des travaux d’embellisssement la place, la mairie n’autorisera à aucun marchand de kebab de faire cuire sa viande sur la place Bellecour cette année.
« Il s’agit d’une volonté du maire, Gérard Collomb », justifie Marie-Odile Fondeur, adjointe PS au commerce et à l’artisanat :
« C’est une place attractive, centrale. Nous avons souhaité redonner la possibilité aux Lyonnais de circuler librement ».
Avec un nombre réduit de places en centre-ville, le tirage au sort des emplacements sera moins attractif cette année. Sandrine Alvarez, trésorière de l’association des commerçants ambulants de la Ville de Lyon, a son explication :
« Le maire de Lyon ne nous veut pas, particulièrement place Bellecour. Au cours d’une réunion avec des gens de la mairie, on nous a dit que nos stands feraient tache sur les photos de la Fête des Lumières qui doivent faire le tour du monde ».
Grève de la merguez
Dimanche dernier, aux abords du stade de Gerland, les commerçants ambulants n’ont pas vendu une seule merguez aux supporters de l’OL. La grève. Ce jeudi, à 9 heures, ils ont installé deux camions et trois de leurs barnums blancs devant l’hôtel de ville.
Avec une sono et des slogans écrits sur des draps : « Là où Mr Collomb passe, les ambulants trépassent » ou « mort de la merguez, bientôt la soupe ». Efficacité maximale. En moins d’une heure, la vingtaine de commerçants a obtenu un rendez-vous le soir même avec le cabinet du maire pour tenter d’obtenir davantage d’emplacements en centre-ville.
A l’issue de la réunion du soir, ils ont obtenu, en effet, trois places de plus. Mais toujours rien place Bellecour et seulement deux places sur les quais de Saône.
La mairie explique que l’installation de préfabriqués pour les travaux des rives de Saône ainsi que des échafaudages de la Fête des Lumières rendent impossible le stationnement d’un nombre plus important de commerçants.
Pour l’ensemble de la Presqu’Île, l’adjointe au maire Marie-Odile Fondeur met surtout en avant des problèmes de sécurité :
« Avec 4 millions de visiteurs, le centre-ville de Lyon est en plan Orsec depuis deux ans. Nous devons respecter ce plan de sécurité ».
Sandrine Alvarez, en porte-parole des commerçants en camion, souligne « l’ouverture dont a fait preuve la mairie », afin de ne pas fermer la porte à la discussion. Pour finalement mieux mettre en avant son amertume :
« Reste qu’on a rien obtenu pour la place Bellecour et pour les quais de Saône, les endroits stratégiques ».
Une meilleure street food?
Pour la Fête des Lumières comme pour le reste de l’année, les emplacements sont décidés par la municipalité en fonction des événements : matches de foot à Gerland, concerts à la Halle Tony Garnier (toujours dans le quartier de Gerland) ou devant le théâtre antique de Fourvière l’été pendant le festival des Nuits de Fourvière.
A écouter les marchands ambulants, le kebab qui a « eu payé », ne paie plus.
Christine Simon, présidente de leur association :
« La Ville de Lyon a supprimé de bons emplacements à côté du stade de Gerland ou de la Halle Tony Garnier au moment des travaux sur ce quartier. Mais après les travaux, on nous a redonné moins d’emplacements et surtout bien moins intéressants ».
Par exemple, à la Halle Tony Garnier, les soirs de concert, il n’y aurait que deux places sur les six qui seraient valables. Pas de quoi satisfaire le supporter affamé et encore moins le commerçant.
Marie-Odile Fondeur dit « entendre ces difficultés » mais ne veut pas de statu quo, prétextant l’argument nutritionnel et celui de la qualité de la street food proposée :
« Nous allons discuter avec eux pour réfléchir à leur avenir. Nous voulons privilégier le qualitatif, au niveau du mobilier comme des produits. Nous souhaitons des produits frais et locaux. Par exemple, dans les grandes villes apparaissent les « food trucks ». Lyon ne peut pas rester en dehors de cette tendance ».
« Vendez des salades et de la soupe »
Cette volonté de changement portée par la municipalité est la cause profonde des tensions.
Parmi les griefs : l’expérience de passer par des appels d’offre pour confier, à l’année, des kiosques de restauration rapide. Dans le cahier des charges des ces appels d’offre, les kebabs et les frites ne sont pas les bienvenus.
Ce qui fait s’étrangler Monsieur Ben Bakir, 52 ans et 32 d’ancienneté dans le métier de commerçant ambulant :
« On nous a dit qu’il fallait qu’on vende des salades et de la soupe. Mais nous, on sait ce que les gens nous demandent : des sandwichs kebab ou merguez ».
Enfin, l’interdiction de la vente d’alcool à proximité du stade de Gerland énerve tout autant les marchands. Christine Simon explique :
« C’est 40% de notre chiffre d’affaires. On nous l’interdit alors que le Ninkasi (bar-restaurant situé en face du stade, ndlr) continue à en vendre ».
Les galériens du fast-food
Devant s’adapter aux aléas climatiques et aux « mauvais » horaires des matchs de foot (coup d’envoi à 17h), les vendeurs en camionnette se disent étranglés.
D’autant que la plupart d’entre eux ne roulent pas franchement sur l’or. « RSA » notamment, certains bouclent les fin de mois grâce aux prestations sociales. D’autres racontent qu’ils doivent payer leurs charges sociales à l’huissier tant ils ont du retard. Il y a ceux aussi qui doivent aller « partout en France » pour faire rentrer les sous. « Jusqu’aux Fêtes de Bayonne », nous dit l’un deux.
Sandrine Alvarez installe son stand à Gerland mais aussi à Geoffroy-Guichard, à Saint-Etienne :
« On a obtenu trois emplacements, on espère qu’on tombera sur les bons au tirage au sort ».
Marie-Odile Fondeur a promis de réunir prochainement les marchands pour discuter des emplacements à l’année et réfléchir à l’avenir :
Un autre commerçant, Djamel Dehzib commente :
« On commence à faire comprendre à la mairie que s’ils continuent comme ça, on va finir par crever ».
Marie-Odile Fondeur affirme que la Ville soutient ses commerçants ambulants. « La meilleure preuve, on dialogue avec eux ». Mais elle ajoute : « ça n’empêche pas d’avoir une réflexion plus globale ». Les vendeurs de kebabs sont prévenus.
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