Hollande-Monti prévue en décembre prochain. L »occasion de faire le point sur le mouvement contestataire des deux côtés des Alpes, sur ces « No Tav » bien mieux organisés en Italie qu »en France.
Des No Tav ont occupé le siège social de Promogeovalsusa à Turin, l »une des compagnies impliquées dans le projet du TGV © Alessandro Di Marco/EPA/MAXPPP
« Qui sont les ennemis de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin en France ? Les partis politiques : presque pas. Les associations : pas plus. »
C »est ainsi que le journaliste Maurizio Tropenano s »exprimait dans les colonnes de La Stampa après sa venue à Lyon le 13 septembre dernier, pour couvrir la rencontre entre la Transalpine et Il Comitato Transpadana.
Suite à notre article sur la rencontre entre les comités de soutien au Lyon-Turin (la Transalpine coté français, et Il Comitato Transpadana côté italien), plusieurs réactions d »opposants nous sont parvenues. Et il est vrai que des deux côtés des Alpes, la mobilisation n »atteint pas la même ampleur. En Italie le mouvement No Tav est connu, actif, organisé. Violent parfois. Violenté aussi.
Dans la vidéo (en italien) tournée au mois de mars 2012 pour Servizio Pubblico et Il Fatto Quotidiano, quelques jours après l »électrocution et la chute de 10 mètres d »un « No Tav » nommé Luca Abba, un militant italien demande aux forces de l »ordre « si une guerre a récemment éclaté dans le coin ».
Pour le journaliste italien de La Stampa :
« Les No Tav sont à la fois des habitants du Val de Suse mais aussi des militants anarchistes qui se servent de cette mobilisation pour exprimer leur rejet du capitalisme. »
Des propos nuancés par Daniel Ibanez, membre de la « coordination contre la ligne nouvelle Lyon-Turin », la contestation côté français, donc, qui avait réagit à l »un de nos articles et que nous avons rencontré. Il nuance quelque peu le portrait peint par Maurizio Tropenano :
« Côté italien, il y a aussi beaucoup de personnes âgées qui militent, pas franchement le profil type du terroriste. Pour ma part je suis consultant, je bosse pour des patrons, des entreprises, je n »ai pas ce profil-là non plus. »
« Entourloupe »
Ce consultant à la barbe grise, habitant Les Mollettes (entre Aiguebelle et Chambéry, en Savoie) et qui aime à se présenter comme exempt de toute carte de parti politique, a construit un dossier désormais épais de plusieurs centaines de pages, tentant de démonter point par point les arguments en faveur du projet Lyon-Turin. Une méthodologie laborieuse, qu »il a du mal à rendre publique.
En tout cas pour l »instant. Car les No Tav français veulent faire passer le message avant la venue à Lyon en décembre prochain de François Hollande et de Mario Monti pour un sommet bilatéral dont l »un des thèmes-phares devrait être cette ligne à grande vitesse et notamment le tunnel commun aux deux pays : pour les opposants, ce projet n »est « qu »abus de confiance. »
Pour preuve, selon le militant, une « dernière entourloupe » des promoteurs du Lyon-Turin : sur le site de LTF (Lyon-Turin Ferroviaire) le coût de la section transfrontalière des travaux a été modifié. Sur la première capture d »écran (réalisée le 24 septembre) on peut lire que le coût de la « section transfrontalière […] a été évalué à 8,5 milliards d »euros ». Or sur la seconde capture d »écran envoyée par Daniel Ibanez, on peut voir un autre montant. Un élément supplémentaire pour Daniel Ibanez qui voit là une énième « manipulation » des chiffres et un « abus de conscience ».
Si les No Tav français et italiens se rencontrent tout de même de plus en plus fréquemment pour « unir leurs forces », pourquoi des écarts aussi importants subsistent-ils dans les pratiques des militants ? Pour Noël Communod, conseiller régional Europe-Ecologie Les Verts, élu de Haute Savoie et membre de la « coordination des associations et mouvements contre le Lyon-Turin », l »explication est simple :
« Les Italiens font le boulot de recherche depuis 20 ans tandis qu »en France il y a un consensus droite/gauche sur le sujet. Il y a un an, j »étais, comme tous mes camarades verts, en faveur du projet. Je suis celui qui a rompu le consensus. Et puis il faut dire ce qui est : depuis 20 ans on nous a toujours dit que ça ne se ferait pas. »
Rencontre Hollande-Monti : grande vitesse pour le Lyon-Turin
Cet été des rumeurs sur la non réalisation du projet ont d »ailleurs circulé en France et en Italie. Mais la réunion extraordinaire des Transalpine et Transpadana est pour Daniel Ibanez le signe d »une volonté d »accélération.
« Pourquoi d »un coup on se précipite pour que Hollande et Monti ratifient l »accord signé en janvier dernier ? C »est tout simplement pour passer outre le rapport de la Cour des comptes et pour ne pas réaliser d »expertise indépendante sur le projet. »
Début juillet la Cour des comptes a en effet appelé à « un réexamen » des grands projets. En clair, face à l »état des finances publiques la Cour demande de « faire des choix et établir des priorité dans ses investissements ». En ligne de mire, le projet Lyon-Turin, le plus coûteux de tous les projets de ligne à grande vitesse.
Emmanuel Coux, membre du comité No Tav Savoie explique le mode opératoire des opposants français :
« Nous faisons surtout de l »information par des stands et des réunions publiques. Des rencontres franco-italiennes sont aussi organisées car c »est un projet qui concerne les deux côtés des Alpes ! Et donc dans un prochain temps, une délégation française ira au forum social européen à Florence qui a pour thème « les grands projets inutiles » ce qui nous permettra d »aborder le sujet et préparer le forum social mondial de Tunis. »
Les opposants ne comptent certainement pas rester les bras croisés dans l »attente du sommet bilatéral du mois de décembre à Lyon. Au programme : un forum social européen à Florence du 8 au 11 novembre, une convention EELV les 19 et 20 octobre prochains à Chambéry avec une délégation d »écologistes italiens. Pour tisser des liens.
Chargement des commentaires…