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Le vélo a-t-il un sexe ?

Tribune / La semaine de la mobilité vient de s’écouler avec son lot de questions sur la façon dont nous nous déplaçons. J’aurais presque pu intituler ma chronique « femmes et vélos », parce qu’avant d’être un produit, un mode de transport comme un autre, voire un remède contre la crise selon certain-e-s, le vélo peut aussi être vu comme un véritable outil d’émancipation et un miroir révélateur des rapports sociaux hommes/femmes.

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Le vélo récolte un véritable engouement médiatique, il suffit pour s’en convaincre d’aller surfer sur le site actuvelo qui recense quotidiennement les articles de presse, de revues spécialisées et les blogs publiant sur la thématique du vélo comme mode de déplacement.

La femme à vélo : image érotique

Questionner le vélo sous l’angle du genre, c’est d’abord redéployer une approche historique autour de la bicyclette. Le vélo fut un incroyable outil d’émancipation pour les femmes : « la bicyclette a fait plus pour l’émancipation de la femme que n’importe quelle autre chose » disait la suffragette féministe Susan B.Anthony.

Le vélo a ainsi permis aux dames de s’affranchir d’un code vestimentaire contraignant (robe longue, corset étouffant) rendant peu libres les femmes de leurs mouvements. Le droit au vélo fut donc un combat féministe et politique pour les dames, avant de devenir une revendication écologiste.

Cette époque vous paraît bien lointaine et révolue ? Eh bien allez vite lire le numéro 542 de « Ville et Vélo », le magazine des Villes et des Territoires Cyclables. On y apprend par exemple qu’en 2007, aux Pays-Bas, une fatwa (avis religieux) a interdit à la femme musulmane de pratiquer le vélo car, selon les religieux qui la répandent, «enjamber la selle du vélo suscite chez la femme une excitation sexuelle et le vélo devient de ce point de vue, un objet prohibé».

Gérard Lenorman et les vélo-écoles

Les femmes à vélo véhiculeraient-elles pour certains une trop image érotisée ? C’est en tout cas ce que laissent sous-entendre les chansons populaires d’Yves Montant et Gérard Lenorman.

Le vélo reste donc un réel outil d’autonomisation aujourd’hui pour certaines femmes, pour cela il suffit de regarder les effectifs de vélo-écoles, ces lieux où l’on apprend à l’âge adulte à faire du vélo (savoir guider son vélo, freiner, se positionner en milieu urbain, etc.). On retrouve un nombre très important de femmes sur les sessions de vélo-école.

Déployer une approche « genrée » autour la pratique cyclable, c’est tenter d’interroger les pratiques cyclables actuelles à l’aune du concept d’ « égalité ». Dire que le vélo s’est démocratisé, qu’il est autant pratiqué par les hommes que par les femmes est partiellement vrai. Dans « l’Economie du vélo en France », on apprend que « plus la pratique du vélo augmente, plus elle se féminise ».

Le vélo peut être vu ici comme une grille de lecture des rapports sociaux de genre, il permet de lire le monde, de questionner ce qu’on appelle la « démocratisation ».

Les hommes au guidon ?

Dans les métropoles urbaines françaises, la part modale (c’est à dire le ratio des déplacements en vélo sur l’ensemble des déplacements effectués avec tous les modes de transports) du vélo augmente, les femmes cyclistes sont de plus en plus nombreuses à adopter le vélo pour une pratique utilitaire (c’est-à-dire vélo comme mode de déplacement), bien que les hommes restent légèrement majoritaires statistiquement… Quand il s’agit de se pencher sur des formes renouvelées du vélo (fixies, vélo couchés, etc), force est de constater que ces « niches », sont plutôt masculines…

Et au-delà de ces deux exemples, contrairement à la pratique utilitaire, la pratique sportive est généralement très masculine.
Quand on évoque la féminisation du vélo utilitaire, n’y aurait-il donc pas un parallèle à proposer avec l’apparition des femmes sur le marché de l’emploi, de la période d’après-guerre à nos jours ?

Lorsqu’un domaine d’activité, un champ social s’ouvre aux femmes, il y a toujours, en parallèle, des niches d’activités qui se créent et se constituent en tant que bastions de masculinité, comme si le fait qu’un secteur, qu’une activité en se « féminisant » se dépréciait ?
Le mouvement LGBT (par exemple les Fender Benders de Detroit) est l’un de ceux qui interrogent de façon la plus pertinente ce qui passe inaperçu et semble normal. Mais cela reste encore assez confidentiel.

Par Florence Padié, présidente de Pignon sur rue (Maison du vélo et des modes doux de Lyon)

 

 

 

 


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