Les deux vice-présidents du Grand Lyon en visite dans le quartier rom de Tinca : Olivier Brachet (lunettes rondes) et Hubert Julien-Laferrière (cheveux blancs), entourant le maire de Tinca. Crédit photo : Bruno Amsellem / Signatures.
Le projet est ambitieux même si la somme allouée est modique. Dans le cadre d’une opération de coopération décentralisée avec la bourgade de Tinca dans le Nord-Ouest de la Roumanie, le Grand Lyon s’est engagée à verser 300 000 euros pour renforcer les équipements communaux du quartier rom de la ville (environ 1200 Roms sur 7 800 habitants). Il y a un an et demi, la communauté urbaine de Lyon avait missionné l’ONG Ville en transition pour mener à bien ce projet qui se décline sur deux axes :
- Le raccordement à l’électricité de soixante foyers (qui vient d’être réalisé).
- Un centre multifonction de 300 m2, comprenant une laverie, des douches, des sanitaires, une crèche et un espace pour le soutien scolaire.
Les travaux de ce centre vont commencer avant la fin 2012. De retour de Tinca où ils ont posé la première pierre la semaine dernière, les deux vice-présidents en charge du dossier, Hubert Julien-Laferrière (coopération décentralisée) et Olivier Brachet (logement) ont tenu ce lundi une conférence de presse sur la politique du Grand Lyon vis-à-vis des Roms. Une politique qui se décline en trois points.
1/ Dire « quelque chose de clair » aux Roms
Le vice-président au logement, Olivier Brachet, ancien directeur de l’association Forum réfugiés, n’a pas changé son discours d’un iota :
« Je disais déjà en 1995 quand les premiers Roms de Roumanie sont arrivés que leur avenir n’est pas la France ».
L’autre vice-président en charge de ce dossier, Hubert Julien-Laferrière, lui emboîte le pas :
« Il y a un consensus sur l’idée que la solution pour les Roms est dans leur pays ».
Avec ce projet de coopération décentralisée, unique en France, le Grand Lyon a la possibilité de « dire quelque chose de clair » à ceux qui viennent régulièrement tenter de s’installer dans l’agglomération. Les deux élus annoncent, en effet, que plus de la moitié des 1200 Roms lyonnais viennent de Tinca ou de sa région, le Bihor. Pour Olivier Brachet, il faut donc « casser le processus qui fait espérer que là-bas (en France, ndlr) ce sera meilleur qu’ici (en Roumanie, ndlr) » :
« Avec un dispensaire déjà construit par une fondation anglaise, l’électricité et bientôt le centre multi-fonction pour près de 500 personnes, la qualité de vie sera préférable en Roumanie qu’à Lyon ».
Si l’avenir des Roms est en Roumanie, mieux vaut le faire savoir. Aux premiers concernés mais aussi à une partie importante de l’électorat qui juge favorablement les expulsions qui se sont multipliées cet été en France. D’où l’organisation d’un voyage de presse pour certains journalistes triés sur le volet. Une opération de com’ réussie si l’on lit le reportage qu’en a fait le Progrès.
Quartier rom de Tinca. L’électricité vient d’arriver grâce à l’aide du Grand Lyon. Crédit photo : Bruno Amsellem / Signatures.
2/ « Eviter l’appel d’air » et aider « à titre exceptionnel » les Roms à Lyon
La communauté urbaine de Lyon est en première ligne sur la question des expulsions de Roms. Puisqu’elle est propriétaire d’un grand nombre d’immeubles et de terrains acquis pour réaliser des opérations urbaines, le Grand Lyon se retrouve souvent confronté à des squats.
Et son président, Gérard Collomb, l’a répété à maintes reprises : il continuera à saisir la justice pour faire expulser les squatteurs qui font obstacle à l’avancée des projets urbains.
Olivier Brachet indique que cela se poursuivra.
Toutefois, « à titre exceptionnel, l’insertion des Roms peut se faire ici » à la condition que « le préfet le décide ». En d’autres termes, le Grand Lyon participera au processus d’insertion lancé par la préfecture du Rhône qui a régularisé une centaine de Roms et qui pourrait élargir l’opération à 300 autres personnes.
Dans ce cadre, la communauté urbaine pourrait « mettre à disposition des logements sociaux ». Pas plus. L’obtention de ces droits et logements sociaux doit se faire de manière limitée, sinon ce serait « l’appel d’air », comme l’explique Olivier Brachet sans employer l’expression :
« Les politiques sont comme les Lyonnais. Ils sont pour que la situation des squats s’améliore mais pas que les Roms passent devant tout le monde pour obtenir un logement. Par conséquent, il faut faire en sorte de mettre des limites dans le nombre de personnes qui peuvent avoir accès à des droits sociaux pour ne pas déclencher de nouvelles arrivées ».
3/ « On fait un peu mais pas pour tout le monde »
La grande majorité des Roms qui errent de squat en squat au gré des expulsions ne sont concernés ni par le projet mené par le Grand Lyon en Roumanie, ni par celui menée par le préfet à Lyon. Le discours d’Olivier Brachet se veut clair :
« On fait un peu mais pas pour tout le monde. Pour le reste, c’est le droit commun qui s’applique ».
En d’autres termes : si un roumain trouve un emploi, il peut rester sur le territoire et avoir accès au système social. Si ce n’est pas le cas, il sera en situation irrégulière et pourrait se faire expulser.
La politique du Grand Lyon vis-à-vis des Roms repose sur le pari que le type de projet développé à Tinca « lance le mouvement », comme le dit Hubert Julien-Laferrière :
« Si on utilise en Roumanie les milliards d’euros de crédits européens non-utilisés, on pourra voir les conséquences en terme de sédentarisation des Roms ».
D’ici là, les Roms de Tinca présents sur l’agglomération, pour la plupart sans emploi, sont toujours de potentiels candidats au départ.
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