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Pétrole au Guatemala : "maladies de peau, fausses couches et problèmes respiratoires"

Moins célèbre que sa consoeur Total, la société pétrolière franco-britannique Perenco exploite le pétrole dans le Nord du Guatemala. Des voix au sein des communautés paysannes s’élèvent, dénonçant des problèmes sanitaires graves et des violations des droits de l’Homme. De passage à Lyon, Hilda Ventura, l’une des représentantes des habitants du Petén, veut tenter la mobilisation internationale.

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Entretien/

Guatemala-Perenco-Petrole

Paysans guatémaltèques du Petén. Photo extraite du documentaire « Des dérives de l’art aux dérivés du pétrole ».

Perenco n’est pas Total et le Guatemala n’est pas la Birmanie. On ne connaît pas grand chose des activités de cette entreprise franco-britannique en Amérique centrale, au Nord du Guatemala, dans la région du Petén, là où elle possède une soixantaine de puits via une filiale. Pourtant, elle mériterait d’être connue.

En 2010, Perenco a obtenu le renouvellement de sa concession située dans un parc national, alors que la plus vaste zone humide de l’Amérique centrale avait été classée « zone protégée » quelques années auparavant.

La majorité des habitants du Petén qui subissent plus qu’ils ne profitent de l’exploitation pétrolière s’en sont émues, considérant ce renouvellement comme « illégal ».

Des ONG, dont l’association française Collectif Guatemala, soutiennent ce combat et tentent de faire connaître les multiples violations des droits de l’Homme dont les populations indiennes ou métisses se disent victimes. Un rapport a été rédigé dans ce sens.

Hilda Ventura, l’une des représentantes des communautés de La Libertad et de San Andrés dans le Petén, entame une tournée européenne jusqu’au 27 septembre. Objectif : trouver des solutions juridiques pour mettre en cause la maison-mère Perenco qui n’est pas comptable des actes de sa filiale. Elle était jeudi dernier à Lyon. Entretien.

 

« Depuis quelques temps les enfants tombent malades : ils ont des maladies de peau. On a vu la multiplication de fausses couches ou de problèmes respiratoires. »

Rue89Lyon : La société Perenco possède des puits situés à proximité de vos villages. Bénéficiez-vous de cette exploitation pétrolière ?

Hilda Ventura : Les communautés ne sont en aucun cas bénéficiaires de l’activité pétrolière. L’entreprise a promis de construire des routes mais aucune ne l’a été. On nous a fait des promesses au sujet de services de santé et d’éducation. Mais il n’y a rien du tout.
Et il est très rare que des gens du Petén travaillent à l’extraction. Si c’est le cas, c’est seulement pour quelques jours, donc ça ne permet pas aux familles de vivre. Toutes les personnes employées viennent d’autres départements.

 

Selon Perenco, sa filiale guatémaltèque a apporté du mobilier pour les écoles et créé des dispensaires. Quelle est la réalité de cette aide ?

C’est vrai, Perenco a apporté des pupitres. Mais ils sont en mauvais état. Concernant la santé, il n’y a pas de médicaments. Ils viennent une fois par an dans chaque communauté. Ils donnent le même médicament (du paracétamol) à tout le monde, comme si tout le monde avait la même maladie.

 

Les puits de pétrole sont dans le parc national Laguna del Tigre qui est la plus grande zone humide protégée d’Amérique centrale. Quelles sont les conséquences sur l’environnement ?

Il n’y a jamais eu d’étude d’impact environnemental. Depuis quelques temps les enfants tombent malades : ils ont des maladies de peau. On a vu la multiplication de fausses couches ou de problèmes respiratoires.
Des lagunes et des puits pour l’eau se sont asséchés autour de l’exploitation pétrolière.
Dans une communauté, ils ont voulu creuser des puits pour l’eau. Elle était contaminée.
Nous vivons de la culture du maïs et du haricot. On a remarqué que les récoltes ont diminué. Et nous pensons que c’est dû à la pollution de l’exploitation pétrolière.

 

Vous considérez que l’exploitation du pétrole est illégale. Pourquoi ?

L’extraction n’est pas compatible avec le statut de zone protégée de la Laguna del Tigre. D’ailleurs récemment, l’ex-secrétaire exécutif de l’institution qui gère les zones protégées (le CONAP) a été condamné a trois ans de prison pour avoir falsifié le plan de gestion du parc national de la Laguna del Tigre. Il a supprimé la partie qui disait que l’exploitation pétrolière est une menace pour le parc national.

« Le gouvernement a pour objectif de créer un méga projet touristique nommé « IV Balam » autour des pyramides Maya. Du coup, il veut libérer l’espace. On cherche à nous chasser » 

 

Pourquoi parlez-vous de harcèlement ?

Nous, les paysans du Petén, sommes vus comme des déchets. Le gouvernement nous considère comme des illégaux car nous sommes installés sur une zone protégée. Or nous sommes arrivés dans les années 70 et 80, suite à la guerre civile, avant que le parc soit déclaré zone protégée. Si nous sommes illégaux, pourquoi alors avoir renouvelé le contrat de Perenco qui a été réalisé des dizaines d’années après notre installation ?
Le gouvernement a pour objectif de créer un méga projet touristique nommé « IV Balam » autour des pyramides Maya. Du coup, il veut libérer l’espace. On cherche à nous chasser. Car à côté de ce méga projet, il y a les projets de cinq barrages hydroélectriques et d’étendre la monoculture du Teca et des palmiers à huile pour les agrocarburants.

Un extrait du documentaire « Des dérives de l’art aux dérivés du pétrole ». Des paysans témoignent d’une expulsion.

 

Quel est votre quotidien ?

Perenco finance l’armée et l’armée nous expulse. A partir du renouvellement du contrat pétrolier, Perenco a financé l’ouverture de six bases militaires qu’on appelle les « bataillons verts ». Officiellement pour lutter contre le narco-trafic. En réalité, l’armée est là pour contrôler la population et particulièrement les leaders communautaires. Par exemple, là où sont installés les barrages militaires, on ne laisse pas passer les taules pour les maisons ou nos machettes pour travailler dans les champs. Les petit ferries pour traverser la rivière sont contrôlés par Perenco et l’armée.
On nous accuse de collaborer avec les trafiquants de drogue.

 

Le gouvernement vous accuse d’occuper illégalement des terres. Quelle est la fréquence de ces expulsions ?

Depuis 2009, il y a eu quatre expulsions. Au total, cela représente 2 000 personnes. Du jour au lendemain, on nous dit de partir.
Seuls les grands propriétaires terriens ont des titres de propriété.
On nous enlève nos terres : c’est nous enlever nos vies car on vit de la terre.
La plupart d’entre nous a connu trois ou quatre déplacements forcés. Nous sommes pris en tenaille. Au Nord, par le mega projet touristique, au Sud par l’expansion de la monoculture d’agrocarburant et à l’Ouest par l’extension de l’exploitation du pétrole. Et avec la politique mexicaine contre les narcotrafiquants, beaucoup du trafic de drogue a reflué dans cette zone du Guatemala.

« En 2011, deux de nos représentants ont été assassinés en février et en mai, ce sont 27 paysans qui sont morts »

Pourquoi faites-vous cette tournée en Europe ?

Au moment du renouvellement du contrat, nous nous sommes réunis, nous étions 10 000 personnes, pour protester. Nous avons élu des représentants pour porter la parole de ce combat (Hilda Ventura fait partie de ces représentants, ndlr). Nous avons fait des recours contre l’Etat mais ils ont été enterrés. Ensuite, on a alerté le haut commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU. Mais parallèlement, la situation dégénère. En 2011, deux de nos représentants ont été assassinés en février et en mai, ce sont 27 paysans qui sont morts. En Europe, on veut dénoncer tout cela et travailler avec des ONG sur les violations des droits humains.


 Bande annonce du documentaire de Grégory Lassalle du Collectif Guatemala : « Des dérives de l’art aux dérivés du pétrole »

 

 

 

 


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