Philippe Meirieu le soir du 1er tour des Elections législatives, dans les salons de la Préfecture. Crédit : Maxime Jegat / Maxppp.
Par Laurent Burlet et Leïla Piazza
Alors qu’il avait gardé le silence depuis juin, Philippe Meirieu, candidat EELV-PS aux législatives prend enfin la parole. Pour la rentrée littéraire, le professeur d’université publie un ebook téléchargeable gratuitement sur Libération. L’élu écologiste dresse, sous la forme d’un abécédaire de 60 pages, son bilan de la campagne qui a agité la 1ere circonscription du Rhône.
Logiquement, il dénonce les pratiques de son adversaire, Thierry Braillard, le candidat dissident PRG et de son premier soutien, le maire de Lyon, le socialiste Gérard Collomb, qui s’est opposé à l’accord électoral PS/EELV.
Le professeur Philippe Meirieu retrace ainsi toute l’histoire, avec une tendance à la victimisation : de l’accord EELV-PS au recours déposé le 28 juin devant le Conseil constitutionnel sur l’utilisation du logo « PS » par le candidat dissident, en passant par la visite des ministres Duflot et Hamon poursuivis par les partisans du maire de Lyon.
De sa lecture des faits, Philippe Meirieu dresse une critique acerbe du « système Collomb » et se pose en donneur de leçons. Pour lui « cette histoire est révélatrice d’enjeux qui la dépassent » :
« On y découvre des comportements et des méthodes révélateurs de graves dysfonctionnements des institutions de la République. (…) On y observe, in vivo, le développement des maladies chroniques du pouvoir : le détournement des règles démocratiques au profit des intérêts particuliers, l’utilisation par les initiés de l’appareil juridique et des corps constitués. »
Voici les principales charges contre le « système Collomb » en trois points :
Le « baron » Collomb « propriétaire » de sa ville
Le soir du premier tour des Législatives, Philippe Meirieu avait déjà glissé dans sa déclaration, que le maire de Lyon « se croit le propriétaire » de la ville. Dans son livre électronique, « Le Khmer et le maire », il traite cette fois-ci Collomb de « petit baron de province ».
Un baron qui imposerait ses vues au parti socialiste puisque les instances nationales du PS n’ont pas été en mesure d’imposer leur candidat officiel, c’est-à-dire lui-même, aux instances locales du parti. Bien au contraire, tous les socialistes, sauf une poignée seraient au « garde-à-vous » derrière le maire de Lyon.
C’est donc assez naturellement, explique-t-il, que ceux qui s’étaient engagés à faire campagne pour lui ont choisi comme suppléante, la maire PS du 1er arrondissement, Nathalie Perrin-Gilbert, très critique à l’égard de la politique menée par le maire de Lyon :
« Que reproche-t-on à Nathalie Perrin-Gilbert ? Une seule chose : de ne pas être au garde-à-vous devant le maire ! Depuis 2008, en effet, depuis que le maire a gagné les élections municipales au premier tour, il se veut le seul maître à bord. »
Philippe Meirieu ponctue son texte de points de vue plus généraux sur la politique mais qui semblent tous destinés à Gérard Collomb. Notamment :
– « En réalité, et contrairement à ce que croient la plupart des Français, certains « grands élus de terrain » ne travaillent guère : on les promène dans une voiture, de lieu en lieu, pour lire des discours qu’ils n’ont pas écrits et hocher la tête avec l’air inspiré face à des citoyens qui leur décrivent leurs initiatives ou leurs difficultés. »
– « À penser le politique à travers le prisme exclusif des « territoires », on prend le risque de fragiliser la cohésion républicaine et de perdre de vue l’intérêt général. (…) Dans ces « territoires », on oscille entre le bien commun et le clientélisme »
« L’idéologie des métropoles »
Si Collomb a mis autant de bâtons dans les roues dans la campagne de Meirieu, c’est aussi parce que le maire n’a pas digéré un certain nombre de votes écologistes au conseil régional de Rhône-Alpes dont Philippe Meirieu est vice-président :
« Pour lui, je suis définitivement « l’adversaire résolu de Lyon » et tous les arguments sont bons pour stigmatiser mon « comportement irresponsable » contre « sa » ville, « son » opéra, « ses » institutions culturelles, « ses » pôles de compétitivité, « ses » entreprises, « son » rayonnement, etc. »
Comme pour répondre à la critique, l’élu écologiste liste ses actions qui ont, elles aussi, participé au rayonnement de Lyon, avant de s’attarder sur les sujets de discorde et d’en tirer un bilan tranché. Pour Meirieu, Collomb a une conception de la ville fondée sur l’ « idéologie du rayonnement » autrement appelé « l’idéologie des métropoles » qui consisterait à :
« Renforcer l’intensité lumineuse au centre pour être vu de plus en plus loin et attirer les envieux fortunés ! Agglomérer, au cœur du réacteur urbain, les activités les plus prestigieuses pour que leur densité attire la richesse, quitte à risquer l’explosion du bien commun ! »
Le vice-président du conseil régional oppose sa propre idéologie, celle de l’ « égalité des territoires » qui consiste notamment à ne pas « arroser là où le sol est déjà copieusement mouillé » :
« Nous avons voté contre des opérations de pur prestige dans l’intérêt du « rayonnement » des seules grandes villes, parce que nous militons inlassablement pour équilibrer le développement territorial. »
« Les dossiers chauds » qui ne passent pas
« Grand stade », « Hôtel-Dieu », « boulevard périphérique » : Meirieu passe au crible les « dossiers chauds » du sénateur-maire. Et argumente pour chacun des cas sur leurs divergences.
« Stades et complexes cinématographiques, hôtels et musées, boutiques de luxe et illuminations : la ville prend ainsi progressivement des allures de Disneyland. On y vient – certes de plus en plus, et de plus en plus loin – pour consommer et s’y divertir, tandis que les fonctions qui structurent le tissu social – commerces et service public de proximité – s’étiolent de jour en jour et que les plus démunis sont rejetés à la périphérie… »
A y regarder de plus près, il s’agit bien des projets pour lesquels l’élu écologiste affirmait récemment, dans une interview de Tribune de Lyon, qu’en fonction des arbitrages, EELV ferait le choix, d’ici la fin de l’année, d’une liste autonome ou d’une alliance avec Gérard Collomb pour les prochaines élections municipales.
Après la lecture du « Khmer et le maire », le divorce semble pourtant bien avancé. Difficile dans ces conditions d’imaginer une alliance pour 2014.
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