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Quand l'Office HLM du Grand Lyon fait dans les antennes-relais

Alors que Bouygues Telecom doit installer trois nouvelles antennes-relais sur le toit d’un immeuble HLM du 7e arrondissement de Lyon, des voisins se mobilisent et s’interrogent sur la méthode employée par l’opérateur et les pouvoirs publics.

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Les antennes-relais font à nouveau du bruit à Lyon. Le 5 juillet au soir, une quinzaine de personnes s’est réunie place Jules Guesde, dans le 7e arrondissement. Ils sont pour la plupart voisins et ont créé le collectif PAJUG (Pas d’antenne place Jules Guesde). Loïc Pierre, résume la situation :

« On a appris, il y a quelques mois, que Bouygues allait installer trois antennes-relais au 131 bis rue Sébastien Gryphe. Vous vous rendez compte ? Sur notre terrasse on est à trois ou quatre mètres de l’antenne. »

Avec plusieurs habitants du 131 rue Sébastien Gryphe, ils ont découvert un matin une affiche posée sur le bâtiment à côté du leur, appartenant à Grand Lyon Habitat : Bouygues Telecom y annonçait des travaux pour mettre en place trois nouvelles antennes. Thomas Grisendi, porte-parole du collectif, est remonté comme une pendule :

« Des antennes, il y en a déjà 6 ou 7 dans le quartier ! Quel besoin avaient-ils d’en rajouter ? »

Bouygues Telecom répond qu’après avoir effectué des études, il s’est avéré qu’il était nécessaire d’ajouter ces antennes (de technologie UMTS, c’est à dire permettant l’accès au réseau 3G) à cet endroit afin d’offrir une meilleure qualité de service à ses clients.

Voir le reportage de France 3 sur le rassemblement du jeudi 5 juillet.

 

Problème de « méthode »

Le porte-parole du collectif critique cette décision tout autant sur le fond que sur la forme :

« Surtout, ce qui me dérange, c’est la méthode. Bouygues Telecom a choisi un bâtiment HLM, géré par Grand Lyon Habitat pour mettre ces antennes. En fait, ils avaient essayé de les installer sur un immeuble un peu plus au nord dans la rue. Les copropriétaires s’y étaient opposé. Au final, c’est beaucoup plus simple de faire ça sur un bâtiment géré par un bailleur social. Il n’y a que lui à convaincre ! »

Pourtant, du côté de Grand Lyon Habitat, on affirme que tout a été fait dans le respect des règles et des locataires. Ainsi, après avoir obtenu l’accord de la ville, l’office HLM affirme avoir envoyé une lettre aux locataires et leur avoir laissé un délai de deux mois pour réagir avant de signer le contrat avec Bouygues. Des propos que récusent certains locataires, qui affirment ne pas avoir été avertis avant l’affichage de la déclaration de travaux.

 

 La pétition du collectif a recueilli plus de 300 signatures.

 

Le bailleur social et la redevance

Pour Thomas Grisendi, l’argument économique a du mal à passer :

« On estime qu’en moyenne, les opérateurs payent entre 13 000 et 15 000 euros de redevance annuelle aux propriétaires du bâtiment, en échange de l’autorisation d’implantation d’antennes-relais. »

Contacté, le service communication de l’office HLM du Grand Lyon a d’abord refusé de divulguer précisément le montant de cette redevance, avant que le président de Grand Lyon Habitat lui-même, Yvon Deschamps (élu communautaire PS) ne laisse entendre qu’il s’agirait d’une centaine de milliers d’euros par an :

« Cette somme sera mutualisée pour financer l’entretien et les grosses réparations des immeubles, comme par exemple la rénovation des parties communes, l’installation de doubles vitrages, la restauration des toitures ou encore la réparation des ascenseurs. »

 

Les HLM : cibles privilégiées des opérateurs ?

En 2011, l’Association santé environnement France (Asef) avait mené une étude dans des immeubles HLM d’Aix-en-Provence et d’Aubagne (13), où les toitures accueillaient jusqu’à 14 antennes. Des excès, qui se développeraient aussi à Lyon et que dénonce Jean Rinaldi, président de la CCARRA (Coordination citoyenne antennes-relais Rhône-Alpes) et responsable régional de l’association Robin des toits :

« Avec nos actions, on a fait capoter environ 170 projets et une centaine d’autres où les copropriétaires refusent de renouveler les autorisations. C’est pourquoi les opérateurs ont de plus en plus tendance à installer leurs antennes sur des bâtiments HLM. C’est beaucoup plus simple ! »

La décision de Grand Lyon Habitat, qui avoue avoir autorisé l’installation de 20 à 30 antennes sur ses 250 résidences, suscite la stupeur des voisins et locataires. Dans une lettre adressée à l’équipe municipale, le collectif PAJUG s’interroge :

« Nous avons pris soin d’écrire à Yvon Deschamps, président de Grand Lyon Habitat qui est propriétaire de l’immeuble en question en l’informant que nous trouvons anormal que les futures redevances perçues priment sur le respect du principe de précaution. »

Ce dernier se défend de mettre en péril la santé de ses locataires :

« Je ne suis pas capable de dire si ces antennes sont dangereuses. Je m’en remets aux décisions des autorités compétentes qui ont jugé qu’il n’y avait pas de danger. Les opposants réclament une diminution de l’intensité des émissions. Ca ne me génerait pas du tout. Et si un jour les pouvoirs publics disent qu’il y a un danger, nous sommes prêt à tout arrêter du jour au lendemain. »

 

Frousse pour les enfants

Pourtant, le débat et les craintes sur les risques sanitaires liés aux antennes-relais ne se sont pas tassés. L’inquiétude de Loïc Pierre, habitant du 131, l’a poussé à s’engager dans le collectif :

« On a peur pour la santé des riverains. C’est un quartier où il y a énormément d’enfants. Il faut déplacer l’antenne ou alors réduire le niveau d’exposition à 0,6 volts par mètre, comme le préconise l’Union européenne »

Et en effet, le bâtiment concerné donne directement sur le parc pour enfants de la place Jules Guesde. Non loin de là se trouve également l’école Saint Michel. Pourtant, les préconisations de l’Union européenne, reprises dans la charte d’implantation signée en 2002 par la mairie et les trois opérateurs historiques (Orange, SFR et Bouygues Telecom), invitent à éviter d’installer les antennes à proximité de publics sensibles tels que les enfants et personnes âgées.

« Et on vient d’apprendre qu’ils voulaient en mettre une autre au 13 rue Cavenne, juste à côté de l’école ! », s’emporte une habitante du 7e. La problématique de la dangerosité des ondes chez les enfants n’est pas sans rappeler les affaires des écoles Gerson (5e)  et Victor-Hugo (1er), qui avaient fait couler beaucoup d’encre à Lyon.

 

 

La justice comme seul recours ?

La lutte contre les antennes-relais est en effet ancienne dans l’agglomération lyonnaise. Et les militants estiment avoir de quoi garder espoir. En 2008, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre avait condamné Bouygues à démonter une antenne à Tassin-la-demi-lune. Une décision confirmée en appel.
Le collectif PAJUG, lui aussi, n’entend pas se laisser faire. Des recours ont été effectués auprès de la mairie et de la préfecture, en vain. La mairie affirme qu’elle ne peut statuer que sur le respect des règles d’urbanisme. Et toutes deux renvoient les riverains devant le tribunal administratif, où ils peuvent encore effectuer un recours judiciaire. Une option que n’exclut pas Thomas Grisendi :

« S’il le faut, on ira devant les tribunaux. Mais c’est sûr que le coût de l’action en justice en rebute plus d’un… »


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