C’est sur le plateau de la matinale de Canal+ que Cécile Duflot a annoncé sa mesure-choc relative à l’hébergement d’urgence :
« Il faut faire en sorte que d’ici au 31 mai, on puisse garder des places et qu’on ne mette plus personne à la rue. Il n’y a aucun sans domicile fixe qui sera remis à la rue de façon brutale. (…)
Il va falloir mobiliser l’ensemble des acteurs pour faire en sorte que les places dans les foyers d’urgence soient libérées par ceux qui ont droit à un logement et accueillir les personnes qui sont en plus grande fragilité. »
Mais alors que Cécile Duflot lançait la communication autour de cette décision, plusieurs familles avec enfants, soit cinquante personnes, sortaient de leur hébergement d’urgence, c’est-à-dire de leurs chambres d’hôtel, à Lyon.
Gilles May-Carle, à la tête de la direction départementale de la cohésion sociale (rattachée à la préfecture), est prompt à expliquer ce qui pourrait passer pour une incohérence :
« Il n’y a pas eu de bug. Nous avons suivi un plan de décrue programmé bien avant l’arrivée de la ministre. Nous avons reçu l’information sur la prolongation du plan hivernal en même temps que vous. »
Soit un peu trop tard pour déprogrammer cette mise à la rue. Un communiqué sur le site du ministère de l’égalité des territoires et du logement a été toutefois pondu dans la foulée de l’interview télévisée.
« Duflot fait exactement ce qu’on a reproché aux ministres de Sarkozy »
Alors qu’elle expliquait sur le plateau de Canal+ qu’ « il y a deux façons de faire de la politique, il y a ceux qui ont des formules et ceux qui agissent », Cécile Duflot semble avoir pris la parole un peu vite au lendemain de sa première entrevue officielle avec la fondation Abbé Pierre et la Fédération nationale des associations de réinsertion (Fnars), lundi soir. Trois jours après cette rencontre et l’annonce faite aux medias, aucune information technique n’est encore sortie de son cabinet, en direction des préfectures et des acteurs locaux.
Sandrine Runel, directrice de la Fnars en Rhône-Alpes (et élue PS au conseil général du Rhône) est quelque peu décontenancée :
« On n’a reçu aucune circulaire concernant l’arrêt des mises à la rue. Les opérateurs sont censés suivre les propos des ministres, c’est sûr, mais faire une annonce sur Canal + c’est loin d’être suffisant. »
Gilles May-Carle confirme ce vendredi 25 mai n’avoir pas plus de chose en main :
« Ni le préfet ni moi n’avons reçu d’instruction. Mais à titre de précaution, au lendemain de l’annonce, le préfet m’a immédiatement demandé de geler le plan de fermeture progressive. »
La médiatisation de l’annonce faite au moment même où une mise à la rue légale était en cours, fait lever les yeux au ciel de plusieurs acteurs sociaux dans le Rhône. L’un d’eux exprime ainsi son exaspération :
« Duflot, elle a fait exactement ce qu’on a reproché pendant cinq ans aux ministres de Sarkozy : faire des annonces à chaud, qui nous mettent dans l’embarras pour les appliquer sur le terrain. »
« 200 à 300 personnes appellent le 115 chaque jour »
La cinquantaine de personnes mises à la rue mardi à Lyon, qui n’a donc pas eu la chance de bénéficier du gel spécial Duflot, « trouvent des solutions de fortune pour dormir chaque soir », raconte une militante. Ce que regrette Gilles May-Carles, quelque peu agacé que l’on pointe ce cas quand le problème est bien plus large :
« Il n’y a pas qu’elles, hélas. Tous les jours, j’ai entre 200 et 300 personnes qui appellent le 115. Mais toutes les structures sont pleines, le budget est terminé. Ce sont essentiellement des personnes issues de la demande d’asile et des nouveaux entrants européens. Il y a bien sûr un effet d’attractivité dans le Rhône, plus qu’en Ardèche, ces personnes ont une espérance légitime liée à une insertion. »
Le département du Rhône est allé jusqu’à ouvrir 1200 places d’hébergement d’urgence au plus fort de la crise et du froid. « Un record ». Aujourd’hui, toutes les structures d’hébergement d’urgence sont fermées, restent donc les places en chambres d’hôtel pour faire office d’accueil d’urgence. Le plan hivernal avait déjà été prolongé dans le Rhône mais Gilles May-Carles ne souhaite plus parler du calendrier départemental, qui « n’est plus d’actualité ».
La Fnars régionale est chargée de faire le point d’ici la semaine prochaine et d’apporter des chiffres exacts au cabinet de Cécile Duflot, afin que la ministre ait la possibilité de faire une nouvelle annonce avec, cette fois, plus d’éléments concrets en main. Elle s’est en effet engagée à émettre des solutions, en collaboration avec la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, d’ici la date butoir du 31 mai. Prudente, Cécile Duflot a toutefois dit au micro de Radio France :
« Ce ne sera pas facile, s’il y avait une solution miracle il y a longtemps sans doute qu’elle aurait été mise en place. »
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