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Un grand stade, des paysans et des hippies…

Nous ne sommes pas à Notre-Dame-des-Landes, ni au Larzac, mais à Décines. Et dans cette petite commune de l’Est lyonnais, « la lutte des paysans est aussi en passe de devenir historique », prévoit l’animatrice de l’émission Les Pieds sur terre (sur France Culture). Ici, le projet de Grand stade de l’OL, mené par Jean-Michel Aulas, président du club de foot, et Gérard Collomb, président du Grand Lyon, devrait aboutir à l’expropriation d’une trentaine d’agriculteurs.

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Quand on veut bâtir il faut de la place. Sur l’une des futures dessertes qui mènera à l’immense complexe sportif et commercial de l’OL, dont le coût est estimé à 450 millions d’euros, le journaliste Olivier Minot a d’abord rencontré, pour son reportage sonore (à écouter par le biais du player ci-dessous) un couple de maraîchers. Fatigués. Qui ne demandent même plus qu’on leur laisse leurs terres cultivées, mais que soit compensée la perte de leurs revenus, « jusqu’à la retraite ». Soit un « bon smic » selon leurs propres termes, d’environ 1200 euros, 1300 euros mensuels, pour chacun. Au total, ils font le calcul et constatent :

« On demande moins qu’un mois de salaire d’un joueur de football. »

 

Le chantier sur le terrain du Grand Stade (qu’on a longtemps appelé OL land), a déjà démarré. Il s’agit pour l’heure de travaux réalisés par le Grand Lyon, mais Jean-Michel Aulas n’a pas attendu pour le faire visiter à la presse. Les pelleteuses s’activent sur le terrain du Montout et le président de l’OL aimerait bien voir se dérouler ici le match d’ouverture de l’Euro 2016.

 Avant la route pour l’OL land, la cohabitation avec les résistants

Depuis plusieurs années, les associations contestataires Carton Rouge ou Les Gones pour Gerland multiplient les recours pour, si ce n’est stopper, au moins ralentir le grand projet de l’Est lyonnais. Et depuis quelques semaines, un groupe de militants « altermondialistes » tente même de monter « un campement de base », de résistance, qui puisse rappeler celui du Larzac.

Une yourte, des tentes Quechua, des toilettes sèches construites pour l’occasion, une cuisine faite de palettes, sont posées sur le champ de Philippe Layat. Une pancarte « dernière ferme de Décines sacrifiée » ouvrent sur sa propriété. Mais le paysan, qui sera exproprié de trois hectares pour un euro le mètre carré et verra son champ coupé en deux, ne vit pas très bien l’arrivée de ses nouveaux colocataires.

Olivier Minot, journaliste, nous fait entendre toute la verve, drolatique, puissante et sans filtre, de ce céréalier qui a grandi dans la ferme, qui fume des roulées et qui est aussi détective privé, en complément de son activité d’agriculteur. Nous l’avions rencontré il y a quelques semaines. Pendant très longtemps resté éloigné des associations d’habitants ligués contre la construction d’un OL land, Philippe Layat a finalement rejoint Carton Rouge et le groupe de paysans défendus par l’avocat et élu écologiste Etienne Tête. Il a accueilli, d’abord circonspect puis tout à fait furax, ces jeunes militants sur son champ.

Coincé entre les pouvoirs publics et les hippies…

Ses propos se laissent entendre sans commentaire, ils se posent là, comme celui qui les prononce (et qui est par ailleurs un grand lecteur de poésie), sans phare :

« On dirait qu’ils vont crever (…), ils sont fatigués de rien faire à 30 ans ».

 (…)

Y’en a un, Romain, un jeune, il m’dit « la terre elle est à tout l’monde ». Moi j’dis non, ça c’est de l’idéologie. La terre comme j’lui dis, elle est à celui qui la travaille, qui lui donne de l’amour. Et en l’occurrence celui qui paie l’impôt foncier. Moi j’en ai pour 4000 euros, que j’donne. (…) Il dit on partage tout. Tu partages quoi avec moi, tu as rien ? Ils veulent un tuyau d’eau et puis ensuite de l’électricité, que je leur donne à manger, non, ça peut pas.

(…)

Y’en a un, il va dans mon bois, il prend du bois, des bûches grosses comme ma cuisse. J’lui dis ça t’écorcherait la gueule de demander!

Moi si j’suis pris entre le marteau et l’enclume, d’un côté par les pouvoirs publics puis de l’autre par des hippies qui me pourrissent la vie, hein… La société ils en veulent pas, mais ils sont bien contents de prendre les 400 euros du RSA. Y’en a un, il gagne 410 euros, il m’dit qu’il arrive même à faire des économies. »

Philippe Layat a fini par les laisser s’installer. « En fait c’est un gentil », dit l’un des « indignés ». Ils ont même emmené l’agriculteur faire la fête avec eux dans un petit parc des pentes de la Croix-Rousse. Et désormais, quand « Philippe » est énervé, il ne va plus les voir. La résistance se fait malgré lui. « Faut bien ça », l’encouragent des habitants de Décines, eux aussi opposés au projet du Grand Stade. L’agriculteur, qui laisse donc cohabiter sur son champ ses moutons avec ce groupe de « hippies », continue de dire:

« Je suis prêt à donner ma vie. Ils me passeront dessus avec les engins. »

 

 

Mise à jour

Article actualisé ce mercredi 23 mai avec la précision concernant le chantier sur le terrain du Montout.


#Décines

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