A Lyon, place Bellecour le soir de la victoire de François Hollande ©Hassen Haddouche/filtrages
A 21h. Sur la place Bellecour, 500 personnes sont réunies au pied de la statue de Louis XIV. Les drapeaux algériens et tunisiens sont haut portés. Le drapeau français n’est pas loin. Tout autour de la place, les gens se promènent avec des affiches électorales de François Hollande décollées.
La population est plutôt jeune et mixée. « Black-blanc-beur » commente un lycéen de 18 ans, qui affirme que Lyon n’a pas connu ce genre de rassemblement spontané depuis la victoire de l’équipe de France en 1998.
En réalité, il faut seulement remonter à octobre 2010 et aux rassemblements lycéens durant le mouvement des retraites. Pendant six jours, ces rassemblements à Bellecour avaient tourné à l’émeute. Ce dimanche soir, il n’en est rien. L’atmosphère est à la fête.
21h30. Malgré les djembés, les vrombissements des scooters, les klaxons et les fumigènes, certains trouvent que « ça ne bouge pas assez » à Bellecour. Ils vont jeter un oeil place des Terreaux.
22h. Place des Terreaux, l’ambiance est plus électrique. 200 personnes sont positionnées de part et d’autre de la chaussée. Chaque voiture qui passe est copieusement secouée. Une dizaine de policiers en civil sont sur le point d’intervenir quand arrive une batucada qui se pose sur les marches de l’hôtel de ville. La foule abandonne le secouage de voitures pour le secouage de popotins aux rythmes des tambours.
Mais ils sont où les socialistes ?
23h. La foule ne cesse de croître. Environ 1000 personnes reprend régulièrement des slogans : « Sarkozy, c’est fini », « Sarkozy en prison ».
On avise plusieurs drapeaux du Parti de gauche. Les élus et militants socialistes se font extrêmement rares. Logique, ils sont tous aux Transbordeur, la salle de concert de Villeurbanne louée en prévision de la victoire de Hollande.
Le seul élu que nous avons croisé est Jeff Ariagno, conseiller municipal de Vénissieux. Il n’est pas spécialement survolté par la victoire de son candidat :
« Si les éléphants restent aussi à gauche que durant ces trois dernières semaines, on pourra réussir »
A côté de lui, un ancien conseiller régional PS, Jean-Vincent Jehanno, qui a depuis rejoint le Parti de gauche. Il se la joue nostalgique de l’élection de Mitterrand :
« En 1981, le soir de l’élection, on était 10 000 à partir en manifestation pour rejoindre la Bourse du travail ».
Manif sauvage à 1 000
Minuit. les percussionnistes de la batucada se mettent finalement en branle en direction de la place Bellecour. Derrière, la foule suit. Les tambours et les slogans alternent. Et toujours « Sarkozy t’es foutu », « Sarkozy, on t’a eu » ou bien encore « Sarko facho, le peuple a eu ta peau ».
Dans la foule, c’est un festival anti-sarkozyste. Mais toujours pas de slogans pro-Hollande.
Un étudiant renvoie dos-à-dos les deux finalistes de l’élection présidentielle :
« J’ai voté blanc. Avec Hollande, on sait qu’on n’aura pas la semaine de 28 heures et le Smic à 1700 euros ».
Un jeune travailleur nous explique qu’il est là parce qu’en mai 2007, le soir de la victoire de Sarkozy, il a reçu une balle de flashball lors des heurts avec la police place Bellecour. Accusé d’avoir jeté des pierres sur les forces de l’ordre, il a été condamné à six mois de prison dont trois fermes :
« Hollande va panser les plaies. Il va apaiser les tensions que Sarkozy n’a fait qu’attiser ».
« Ils auraient pu mettre un écran place Bellecour »
1h. Au fur et à mesure de sa progression rue de la République, la manifestation sauvage perd du monde. Arrivées à Bellecour, ce ne sont plus que quelques grappes de personnes qui discutent entre elles. Le volume sonore a nettement diminué et les klaxons se font de plus en plus rares.
On retrouve des militants socialistes de retour du Transbordeur. Changement d’ambiance. Une militante du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) :
« Il faut reconnaître que dans la rue, on fête plus la défaite de Sarkozy que la victoire de François Hollande ».
Un militant de l’Unef se montre un peu déçu par la tournure de la fête. Pour peu, il en voudrait plus aux organisateurs socialistes :
« Ils auraient pu mettre un écran géant place Bellecour pour qu’on puisse faire la fête tous ensemble. C’est ce qui avait été envisagé initialement ».

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