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Confluence : les erreurs de la Part-Dieu vont-elles être reproduites ?

Les deux projets majeurs de développement de l’agglomération lyonnaise, Carré de Soie et Confluence, connaissent des destins diamétralement opposés. D’un côté, le nouveau quartier situé entre Villeurbanne et Vaulx-en-Velin peine à se développer mais a pu bénéficier d’infrastructures de transports dès son démarrage. De l’autre, le quartier Confluence qui est en pleine expansion risque d’attendre trop longtemps l’arrivée de nouveaux modes transports performants. Peut-on dès aujourd’hui parler de fiasco ou d’erreur majeure dans la conception même d’un projet pensé depuis une quinzaine d’années ?

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Un site exceptionnel… mais « cul de sac »

 

 

Depuis le 4 avril et l’ouverture d’un nouveau centre commercial dans l’agglomération lyonnaise, le quartier Confluence est en pleine agitation. La mutation de ce quartier entamé au début du 21ème siècle prend enfin forme. Depuis l’arrivée en 2001 des Archives municipales derrière la gare de Perrache, de nombreux projets se sont achevés avec entre autres l’emblématique place nautique, l’Hôtel de région, le réaménagement du port Rambaud. Avec le centre commercial et de loisir (53 000 m2), le quartier prend une nouvelle dimension et voit affluer de plus en plus de personnes. Le Carré de Soie, lui, a bénéficié dès sa sortie de terre du prolongement de la ligne A du métro, de la construction de la ligne de Tramway T 3 puis de la liaison en tramway jusqu’à l’aéroport.

 

 

Si le site est assez exceptionnel (150 hectares à réaménager à proximité du centre ville, entre Saône et Rhône ; vues sur la colline de Sainte-Foy-lès-Lyon) et le programme véritablement ambitieux et encore loin d’être terminé (construction en cours du Musée des confluences, lancement de la seconde phase en lieu et place de l’ancien marché de gros), le quartier a également beaucoup de contraintes. C’est déjà l’un des quartiers les plus fréquentés de l’agglomération en termes de trafic routier et ferroviaire mais également du fait des usagers des transports en commun et des piétons (avec l’autoroute A 7, le centre d’échanges de Perrache et la gare de Perrache).

 

En même temps, c’est l’un des sites les plus enclavés de l’agglomération, coincé au Nord par l’échangeur Perrache et la gare, à l’Est par l’Autoroute du soleil qui bouche l’accès au Rhône, et à l’Ouest par la Saône (sans continuité routière au niveau des quais depuis la fermeture du Quai Rambaud pour permettre l’aménagement de la place nautique et du parc de Saône, et sans pont sur la Saône). Pour l’instant le quartier fait plutôt office d’enclave urbaine, de barrières voire de « cul de sac » selon la position dans laquelle on se trouve, étant donné qu’un seul pont y donne accès au Sud (le Pont Pasteur), et que les voûtes de Perrache en réduisent l’accès au Nord.

 

 

 

Des échecs urbains successifs

 

 

Plusieurs raisons ont conduit à cette situation d’enclave. Dont un échec, le plus important sans doute, qui est le non prolongement du métro (ligne A), pourtant prévu dès sa construction. En effet, comme la SNCF n’avait pas voulu que le métro passe sous les fondations de sa gare, le métro remonte légèrement avant le centre d’échange pour arriver au niveau du sol des voûtes de la gare.

 

 

Si le terminus définitif du métro avait été prévu à Perrache, le métro serait arrivé en souterrain au pied du centre d’échange, sans déformer la place Carnot déjà bien défigurée par la suppression du cours de Verdun. Le prolongement du métro au sud de Perrache aurait ensuite permis sans doute des connexions avec la Mulatière et Oullins, par delà la Saône. Avec le retour du tramway à Lyon (lignes T 1 et T 2 inaugurées en 2001), une autre solution a été choisie pour desservir ce quartier avec le prolongement en 2005 de la ligne T 1 au Sud. Elle a l’inconvénient de ne pas permettre l’acheminement des usagers avec un plus fort débit de voyageurs mais l’erreur est en partie compensée par les possibilités d’extension qu’offre le tramway en rive gauche sur Gerland et non plus sur les communes du Sud-Ouest de l’agglomération.

 

 

La deuxième série d’échecs renvoie cette fois au même contexte (c’est-à-dire celui des années 60 et 70) et la fameuse décision du passage en centre ville des autoroutes A 6 et A 7. Si le centre d’échanges est surtout gênant par son volume et son emplacement, qui renforce la coupure entre le Nord et le Sud de la presqu’île lyonnaise créée par l’implantation de la gare de Perrache (au 19ème siècle), il est avant tout précurseur par son caractère multimodal. L’autoroute a surtout besoin d’être requalifiée le long du Rhône avec ou sans contournement autoroutier, avec ou sans suppression de l’échangeur.

 

 

 

L’A7 doit devenir un boulevard urbain

 

 

 

Quelles sont les perspectives d’avenir ? Elles passent avant tout par la construction de nouveaux ponts sur le Rhône. Le premier, le pont Raymond Barre, sera ouvert en 2014 et laissera place exclusivement aux modes doux (tramway, vélos et piétons). Il favorisera les liens entre les deux quartiers au plus fort potentiel de développement dans Lyon : Gerland et Confluence. La ligne T1 prolongée jusqu’à Debourg (station de la ligne B du Métro) ouvrira des possibilités d’extension vers l’Est (voire l’aménagement d’un périphérique en tramway à l’intérieur même du périphérique autoroutier).

 

 

Par contre elle devient un vrai serpent sillonnant les 6ème, 3ème, 7ème et 2ème et à nouveau 7ème arrondissements pour une desserte de proximité optimum mais sans proposer de solution alternative en termes de rapidité et d’efficacité auxquelles seul un métro peut répondre. Si ce premier projet solutionnera en partie les problèmes d’asphyxie que devrait connaître le quartier dans les mois à venir, il faudra également prévoir d’autres ponts sur le Rhône pour renforcer les connexions entre le 2ème et le 7ème arrondissement.

 

 

Un autre projet ambitieux envisagé est l’aménagement d’une halte ferroviaire à l’extrême Sud de Confluence. Dans la perspective du projet REAL qui renforce la desserte ferroviaire de l’agglomération lyonnaise principalement à l’Ouest, plusieurs projets d’ouverture ou de réouverture de gare de proximité sont prévus. Ainsi une nouvelle gare compléterait le maillage ferroviaire en vue de l’arrivée de nouveaux trains à Confluence. Enfin une solution plus modeste mais importante néanmoins consiste à la réduction de la hauteur de passage des piétons au niveau du centre d’échanges de Perrache (de 12 mètres à 6 mètres au dessus du sol) pour rendre plus accessible les liaisons piétonnières Nord-Sud.

 

 

Soyons optimistes, un jour où l’autre, contournement Ouest ou non, l’autoroute A 7 le long du Rhône sera d’une manière ou d’une autre transformée en boulevard urbain. Il ne peut en être autrement si l’on veut entrevoir l’aménagement de nouveaux ponts sur le Rhône. Sera-t-il question alors de détruire le centre d’échanges de Perrache ? Si cette formidable machine à circuler est terriblement utile au débouché du tunnel de Fourvière, elle l’est d’autant plus pour permettre la cohabitation des différentes modes de circulation à proximité de Perrache (métro, tramways, bus, taxis, piétons, automobiles et places de stationnement …).

 

 

 

Du Vaporetto à la ville sans voiture…

 

 

En attendant l’horizon 2014 et l’ouverture du pont Raymond Barre, comment avec les infrastructures existantes, ce quartier va-t-il fonctionner avec l’arrivée de très nombreux habitants, travailleurs et consommateurs dans les milliers de m2 de logements, bureaux et commerces construits ou en voie de construction ? Comment les automobilistes vont-ils accéder à ce nouveau quartier et pourvoir se garer sur place ? Comment les livreurs vont pouvoir approvisionner ce quartier à la consommation gargantuesque ?

 

 

Ce n’est sans doute pas avec le transfert de 75 personnes par heure en Vaporetto (ces navettes fluviales qui connaissent d’ailleurs depuis leur lancement un grand succès) que le quartier va fonctionner. Il est dans l’air du temps de vouloir faire une ville sans voiture. Lyon est d’ailleurs plutôt en avance de ce côté-là pour son hyper-centre bien sûr, mais de là à la rendre inaccessible même aux modes doux (peu ou pas d’accès par les quais, peu d’accès par le Sud et le Nord…), il y a un pas à ne pas franchir.

 

 

 

Part-Dieu, 30 ans pour se développer

 

 

Il y a presque 50 ans, Charles Delfante avait imaginé pour la Part-Dieu un quartier sans voiture, avec en son cœur une gare et une station de métro. Les hésitations aménageuses de la SNCF et la pression des promoteurs privés ont finalement eu raison de ce modèle de développement urbain. La Part-Dieu est alors devenu est quartier axé sur l’automobile avec de véritables trouées urbaines pour les flux de circulation Nord-Sud et Est-Ouest. Dopé par le dynamisme de la gare TGV, ce quartier qui est toujours en pleine expansion a attendu 30 ans pour voir compléter l’offre de transports en commun au-delà du métro avec l’arrivée des lignes de tramway T1, puis T3 et enfin T4, la multiplication des lignes de bus et de trolley-bus dont certaines en site propre.

 

 

Aujourd’hui tout juste commence le chantier de requalification de la rue Garibaldi et la suppression de certaines passerelles qui vont donner une nouvelle jeunesse à ce quartier et rendre hommage à certains de ces concepteurs. Lyon qui entre dans une compétition farouche avec d’autres projets d’aménagement urbain de même standing à l’échelle nationale ou européenne, ne pourra pas attendre encore 30 ans pour repenser les enjeux de mobilités si importants pour la vie et le fonctionnement du quartier Confluence, surtout s’il est amené à devenir un nouveau centre ville.

 

 

Sébastien Gardon est enseignant-chercheur en science politique. Il vient de publier un ouvrage sur les questions de transport en ville, Goût de bouchons, Lyon, les villes françaises et l’équation automobile, chez Descartes et Cie. Il participe à Mobile Home, un blog Rue89Lyon.

 

 


#Confluence

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