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« Ni victoire, ni défaite » : pourquoi les éboueurs reprennent le travail

Depuis mercredi, le noyau dur des grévistes reprend progressivement le travail. Lundi prochain, le préavis sera levé en totalité. Les tas d’ordures qui constellent certaines rues de Lyon et Villeurbanne devraient mettre une huitaine de jours à être totalement ramassés. C’est la fin de 17 jours de grève.

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C’est une lettre de Benoît Quignon, directeur général des services, remise à l’intersyndicale* mardi soir qui a débloqué la situation.
Le dépôt de Gerland a repris son activité totalement ce jeudi matin. Reste une trentaine de grévistes (selon les syndicats) d’un des dépôts de Villeurbanne, qui représenteraient 7,3% des agents de ce dépôt, selon le Grand Lyon.

 

1/ L’engagement « écrit » du retour à la régie pour Lyon et Villeurbanne

Dans ce courrier, il y a un engagement qui, selon les syndicats, n’avait jamais été écrit jusque là. Le président du Grand Lyon, Gérard Collomb (PS), l’avait pourtant déjà annoncé trois jours avant le déclenchement de la grève le 12 mars. Mais cela n’avait pas suffi.
Désormais, c’est écrit :

« Le président (Gérard Collomb, ndlr) s’engage sur le retour à la collecte en régie à Lyon et Villeurbanne en 2017 dans le respect de l’équilibre du service, par moitié pour les agents en régie et par les entreprises ».

Les syndicats considèrent toutefois que cet engagement n’est « pas à la hauteur »car leur revendication principale est toujours le maintien, dès le renouvellement du marché public (en octobre 2012) de l’équilibre entre public et privé.

Dans un communiqué, ils en appellent, après la grève, aux élus du Grand Lyon, en leur demandant de ne pas voter ce marché public qui prévoit la collecte par les entreprises privées des déchets de Lyon et Villeurbanne :

« Maintenant c’est aux élus communautaires et aux maires de prendre toutes leurs responsabilités sur la privatisation de la collecte sur Lyon et Villeurbanne qui sera présentée au Conseil de la Communauté urbaine de Lyon le 16 avril 2012 et nous les appelons à voter contre le marché de privatisation ».

La bataille des communiqués continuant, le Grand Lyon précise de nouveau que :

« La révision du système de collecte opérée sur le territoire de l’agglomération Lyonnaise ne peut en aucun cas être assimilée à une privatisation. D’abord parce que la collecte des déchets relève à 100% du service public, qu’elle soit opérée en régie directe ou qu’elle soit confiée à des entreprises qui assurent cette mission sous le contrôle et pour le compte de la collectivité ».

 

2/ Tous les samedis non-travaillés

Le courrier de mardi soir aborde une deuxième revendication qui a été mise en avant au cours du mouvement social : ne plus travailler le samedi.
Les syndicats n’avait guère apprécié les propos du vice-président chargé de la propreté, Thierry Philip, déclarant notamment qu’un rippeur débutant gagnerait 1710 euros. « C’est ce que gagne un agent avec 32 ans d’ancienneté », avait précisé l’intersyndicale. Les éboueurs avaient choisi de durcir le mouvement en déposant un préavis « complémentaire » de grève, portant sur l’octroi de tous les samedis pour les agents de la collecte et l’ »amélioration des conditions de travail ».

Le courrier leur donne gain de cause :

« Une étude sera faite en priorité sur le scénario des quatre samedis, en prenant pour exemple l’organisation du travail de Givors et Grigny ».

Les syndicats ont obtenu que le retour partiel en régie de Lyon et Villeurbanne se fasse en maintenant les samedis non-travaillés.
Un groupe de travail entre la direction du Grand Lyon et les syndicats doit se réunir dès le 4 avril sur le sujet pour étudier l’organisation du travail nécessaire.

Un samedi sur deux sera chômé à partir de novembre 2012 et à partir de début 2013, l’ensemble des samedis.

 

3/ L’étalement des retenus de salaires pour les jours de grève

La durée de la grève faisait craindre de graves retenues de salaire en une seule fois.
Finalement, un jour par mois sera retiré jusqu’à juin 2013.
Au passage, l’intersyndicale met un coup de griffe au député-maire (UMP) de Caluire-et-Cuire, Philippe Cochet qui demandait le non-paiement des jours de grève.
Armand Creus, de la CGT :

« Les jours de grève n’ont jamais été payés au Grand Lyon. Monsieur Cochet ne doit pas faire une campagne électorale sur le dos des éboueurs ».

4/ « La DRH du Grand Lyon mobilisera des psychologues du travail »

Derrière cette formule lue dans la lettre de mardi soir, les syndicats veulent voir la volonté du Grand Lyon d’apaiser les tensions qu’il y a eu entre grévistes et non-grévistes et entre l’encadrement et les éboueurs.

Lotfi Ben-Khelifa, de la CFTC, pointe un « climat social déplorable » lors de la reprise du travail :

« On a eu des échos que certains cadres se comportent comme des shérifs en menaçant les grévistes de sanctions disciplinaires. La reprise du travail doit se faire de manière apaisée. Cela dépend des managers ».

Si la reprise se fera progressivement jusqu’à lundi matin, notamment à Villeurbanne, c’est à cause de la « dureté du conflit », nous disent les syndicalistes. Myriam Camusso, de FO :

« Les huissiers étaient là tous les matins. Puis par un jugement du TGI, on a expulsé les éboueurs de leur dépôt, c’est-à-dire de leur lieu de travail pour les remplacer par des vigiles ».

La meilleure preuve de ce traumatisme est, selon les syndicats, un absentéisme qui aurait grimpé, en évoquant un chiffre d’une « cinquantaine d’arrêts maladie » par dépôt, à Gerland comme à Villeurbanne.

 

5/ Préserver l’unité syndicale

Dans son communiqué, l’intersyndicale le rappelle :

« On l’avait dit aux agents dès le début : nous partons unis et devons rentrer unis pour mettre en oeuvre les avancées que nous aurons obtenues ».

Malgré les pressions du PS sur Lotfi Ben Khelifa, à la fois conseiller municipal socialiste à Vénissieux et secrétaire général d’un des principaux syndicats du Grand Lyon, la CFTC, l’intersyndicale a tenu.
La seule entorse visible à cette unité est l’absence de la CFTC au rassemblement de mercredi devant l’hôtel de ville de Lyon.
Michel Sala, de la CFDT :

« Ce qui intéresse le Grand Lyon, c’est qu’on se bouffe la gueule entre nous, pour mieux pouvoir nous diviser ».

De mémoire de syndicaliste, cela faisait 13 ans qu’on n’avait pas connu une telle unité syndicale. José Rodriguez de l’UNSA, résumait le sentiment de l’ensemble des organisations syndicales par cette formule :

« Ce n’est ni une victoire, ni une défaite. Même si on n’a pas obtenu le maintien de la régie pour Lyon et Villeurbanne, on a l’engagement de Collomb de revenir en régie en 2017 ».

 

*CGT, UGICT-CGT, FNACT-CFTC, CFDT, FO, FA-FPT, UNSA


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