Bouée /
Le tribunal de commerce de Vienne ne se prononcera que dans une semaine et départagera trois propositions de reprise, mais le président de la République a été catégorique ce mardi 14 février : « Photowatt est sauvée, ainsi que tous les emplois ». C’est EDF qui devra être l’acteur de cette sortie des eaux. Le plan de reprise soutenu et suggéré par le chef de l’Etat à EDF a été détaillé par le menu.
Jean-Luc, employé depuis huit mois à Photowatt, dédié à l’élaboration des wafers (tranches de silicium), préfère « rester prudent », imaginant malgré les garanties de Nicolas Sarkozy qu’un coup de théâtre puisse arriver le 21 février prochain, au tribunal de commerce. Sébastien, arrivé à la même période dans la société Photowatt, est plus optimiste. Pour lui, le chef de l’Etat « a joué son rôle » :
« François Hollande est venu en janvier : c’était pour distribuer des tracts. Avant les fêtes, le FN aussi a mis des tracts sur les pare-brise de nos voitures, pour nous dire que personne ne s’occupait de nous. Finalement, le seul qui est venu avec une solution, c’est Sarkozy. Je m’en fous que ce soit pour sa campagne. Je suis rassuré. »
EDF prévoit de reprendre tous les salariés et en reclasse éventuellement 85 au sein de sa société, mais dans un rayon de 60 km autour de Bourgoin-Jallieu. « Honnêtement, c’est une opportunité », a déclaré le président de la République, commercial de luxe pour ce projet de reprise. Ni Sébastien ni Jean-Luc n’appréhendent l’hypothèse du reclassement. « Tant que c’est dans le coin ».
Un président en campagne
Selon leurs secteurs d’activité, les employés de Photowatt chôment désormais une semaine sur deux, jusqu’à une semaine sur trois. Les machines sont en berne depuis novembre dernier, dans cette société qui fût il y a une trentaine d’années pionnière et leader dans le traitement du silicium et l’univers de l’énergie solaire. Alors que l’annonce de sa candidature à sa propre succession est imminente, plusieurs employés n’ont montré aucune illusion sur « l’objectif visé » par Nicolas Sarkozy, venu à Bourgoin-Jallieu quelques semaines après le sauvetage de l’usine Lejaby à Yssingeaux. Pour Dominique, employée depuis 12 ans à Photowatt, où elle évalue la valeur marchande des cellules produites, c’est un candidat qui s’est adressé à elle ce matin :
« Nicolas Sarkozy fait de la pub pré-électorale. Mais il y a une mauvaise gestion de ces énergies nouvelles depuis longtemps, c’est toute la filière photovoltaïque qu’il faut sauver, pas seulement Photowatt. »
Mais pour la plupart des employés, la période représente une aubaine :
« Je ne vois pas pourquoi on tirerait pas profit de la campagne présidentielle, si ça peut sauver nos emplois », estime Farid, employé dans le secteur de la sérigraphie.
Augmentation du tarif de l’énergie solaire : heureuse nouvelle pour Photowatt, moins bonne pour EDF
Elle aurait pu faire partie du discours de la matinée, incluse dans le special gift « de la Saint-Valentin », mais cette annonce s’est faite discrètement, au cours de la réunion qui s’est déroulée à huis clos entre les ministres (Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand, Eric Besson), le président de la République et les représentants du personnel de Photowatt. Le tarif auquel est vendu à EDF l’énergie tirée du photovoltaïque (réglementé par décret comme pour toutes les énergies renouvelables) devrait augmenter de 10% prochainement, dès lors qu’elle proviendra de panneaux solaires fabriqués au moins à 60% en Europe.
« C’est ça l’info du jour. Cela doit être confirmé par arrêté, mais ça a bien été dit par le président de la République. J’imagine que cela pourrait se faire avant les élections », a confié Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables.
Une seconde heureuse nouvelle pour Photowatt, donc, qui produit cette énergie, mais un peu moins bonne pour EDF, l’acheteur, qui reste pourtant le repreneur le mieux placé. Pour certains employés, cette situation est schizophrène pour le géant de l’énergie français, et ils craignent que son projet de reprise ne soit mené uniquement sous la pression du chef de l’Etat, pressé de voir le cas Photowatt réglé. Henri Proglio, PDG d’EDF qui accompagnait ce matin Nicolas Sarkozy dans l’usine, dément formellement :
« Je vous le dis, c’est un projet intéressant pour une entreprise telle qu’EDF, qui doit s’intéresser aux énergies renouvelables, c’est évident. »
Par la même occasion, le collectif Superwatt, qui s’était monté au moment de la mise en redressement judiciaire de la société iséroise, a remis en main propre à Nicolas Sarkozy un « livre blanc », soit une série de mesures préconisées dans le cadre d’une politique dédiée aux énergies renouvelables.
Alexia, porte-parole qui fêtait par ailleurs ce mardi matin sa première année passée dans l’entreprise, estime qu’il ne faut pas lâcher maintenant :
« Aujourd’hui, on produit une énergie chère, mais dans quelques années on atteindra la parité réseau, c’est-à-dire le moment où l’on peut produire sans aide et de façon compétitive sur le marché. Pour être réaliste, ce sera à l’horizon 2020 en France. Est-ce qu’on abandonne maintenant ou est-ce qu’on tient jusque là ? »
D’abord le sauvetage de l’industrie française, ensuite les référendums
S’il a promis que les énergies renouvelables et que le photovoltaïque étaient une priorité pour la France, Nicolas Sarkozy a aussi réaffirmé ses positions :
« Je n’accepterai pas qu’on arrête le nucléaire, je suis pour le nucléaire. »
En se préoccupant des salariés de Photowatt, auxquels il a déclaré qu’ils allaient devoir se donner du mal, c’est toute la filière que Nicolas Sarkozy estime vouloir sauver. Un succès bien plus grand, selon lui, que celui réalisé il y a quelques jours avec l’usine Lejaby à Yssingeaux :
« Nous recevions les salariées de Lejaby la semaine dernière. On leur a dit : on peut vous trouver un emploi, mais pas dans le textile. Vous, vous restez dans votre filière. Le textile milieu de gamme, en France, on n’y arrive pas. Elles vont aller faire de la maroquinerie haut de gamme, on va leur apprendre un nouveau métier. »
L’occasion pour le président de la République d’en remettre une couche sur la formation des chômeurs, et sur l’idée de lancer un référendum relatif au chômage :
« S’il le faut, je demanderai son avis au peuple français sur la question de la formation. »
Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, s’est montré quelque peu blasé pendant la visite du président : « mieux vaut tard que jamais ».
Sa vice-présidente déléguée à l’emploi et à l’innovation sociale, Christiane Puthod, ironisait (à peine) ce matin :
« Ce serait bien qu’il aille aussi à Chomarat, c’est pas loin (en Ardèche, ndlr) et il y a 190 salariés à sauver aussi là-bas. Rhône-Alpes est la première région industrielle de France, on souffre beaucoup en cette période, il en a à faire, des déplacements, Nicolas Sarkozy ! »
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