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Exclus du FN, les « néofascistes » manifestent à Lyon

Les crânes rasés étaient nombreux, ce samedi à Lyon. À l’appel des Jeunesses nationalistes, un nouveau groupuscule formé par des exclus du Front National, en octobre 2011. Ce mouvement a pu compter, pour faire le nombre, sur l’appui de Suisses et, surtout, d’autres groupes de la « droite de l’extrême droite », très actifs depuis deux ans à Lyon.

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Crédit Photos : Mickaël Draï

Une fois de plus, l’extrême droite a partagé le pavé lyonnais avec les acteurs d’une contre manifestation, organisée par des « antifascistes ». D’un côté, ils étaient 280, de l’autre 1100 (selon la police). Les deux cortèges se trouvaient séparés par un imposant déploiement de forces de l’ordre et par la Saône dont les ponts avaient été bloqués. Ils ne se sont jamais croisés.

Cette fois-ci, ce ne sont pas les Identitaires qui appelaient à manifester. Mais le dernier né de la famille nationaliste, simplement nommé, « les Jeunesses nationalistes ». Un mouvement fondé en octobre dernier par Alexandre Gabriac, 21 ans, le plus jeune conseiller régional, exclu du Front National pour avoir été vu en photo faisant un salut nazi.
Le groupuscule en est à sa deuxième action revendiquée. Pour la première, en plein cœur du centre-ville de Lyon, rue de la République, une quinzaine de militants avait brûlé des affiches des magasins Eram, montrant une famille homoparentale, pour dénoncer l’« hétérophobie ».

Le thème choisi était affiché sur une large banderole de tête : « Afghanistan, honneur à ceux sont tombés – honte à ceux qui les ont fait tuer ».
Le décorum avait été soigné. Tendance marche militaire funèbre. Derrière la banderole, 78 jeunes, principalement des hommes, tous de noir vêtus, avec des tee-shirts frappés de l’aigle doré des jeunesses nationalistes, portaient autant de croix blanches symbolisant chacune un soldat français mort.

En tête de la manifestation, devant les drapeaux à croix celtique, se trouvaient deux autres dirigeants exclus du FN : l’élu de Vénissieux Yvan Benedetti et le conseiller régional Olivier Wyssa.

Partie de la place Carnot vers 15h30, la marche qu’Alexandre Gabriac voulait « solennelle » a rapidement laissé la place aux traditionnels slogans de l’extrême droite : « bleu, blanc, rouge, la France aux Français » ou bien « ni droite, ni gauche : nationalisme ». Les rangs façon militaire n’étaient plus tenus et des insultes racistes ou les « sales gauchistes » ont fusé du cortège.

Arrivé devant le métro du Vieux Lyon, le traditionnel « Saint-Jean est à nous » était repris. Depuis deux ans, Ces groupuscules ont en effet investi le Vieux Lyon, s’y sentant à la maison et le faisant savoir par des tags, des collages d’autocollants et, parfois, des agressions.

« Intérêts israélo-américains » et… Pétain

Les prises de parole se voulaient également solennelles. Devant la cathédrale Saint-Jean, les croix ont été mises en rang et Alexandre Gabriac a procédé à un « appel aux morts » par noms de régiment.

Pour les discours, les vieilles rengaines de l’extrême droite ultranationaliste ont été ressorties. Antoine Gandillon de l’hebdomadaire Rivarol, Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac ont, tous les trois, fustigé l’envoi de soldats en Afghanistan au nom d’ »intérêts israélo-américains ». Yvan Benedetti :

« Les soldats sont morts pour des intérêts contraires aux nôtres, des intérêts mondialistes, qui ne sont pas ceux de la France. (…) La communauté internationale n’est que le faux-nez des intérêts israélo-américains (…). Or Israël, cet Etat, cette vérue, n’a plus aucune légitimité et donc doit disparaître ».

En guise de conclusion, et avant que les manifestants ne se dispersent, Alexandre Gabriac a tenu à citer le maréchal Pétain « l’un des plus grands militaires que nous ayons connu en France », estime-t-il, en lançant un énigmatique : « courage on les aura ! ».


Alexandre Gabriac et un membre du service d’ordre.

Pour Alexandre Gabriac et ses amis, les valeurs « travail, famille, patrie » et la figure du maréchal Pétain sont sacrées. Son mouvement a en effet été lancé au Forum de la nation d’un autre groupe, l’Œuvre française, organisé à Lyon le 15 octobre dernier par Yvan Benedetti. Lors de cette réunion, un hommage a été rendu au maréchal pour les soixante ans de sa mort.

Un mouvement « néofasciste »

L’aigle et le faisceau comme symbole, le rejet de la démocratie ou l’adoration de l’armée… Pour Stéphane François, politologue spécialiste des droites radicales, au Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe (LCSE), de l’Université Marc Bloch de Strasbourg, ce groupuscule relève du “mouvement néofasciste” :

« Ils font preuve d’un nationaliste exacerbé, antidémocratique et viril, le tout accompagné d’une foi chrétienne et d’une xénophobie typique de ces milieux. Ils se sentent proches de groupuscules néofascistes comme la « CasaPound » en Italie et la Phalange espagnole (avec qui ils entretiennent des “liens officiels”, ndlr). Ce nationalisme est assorti d’un anti-américanisme virulent. Nous retrouvons dans leur discours, la position typique de ces mouvements néofascistes : ni droite, ni gauche, anticapitalisme, éloge d’une économie organique, et l’idée d’un nationalisme européen. Leur emblème est à ce niveau explicite : il s’agit de l’aigle fasciste dont les serres tiennent un faisceau».

Compter sur les copains

Pour le moment, les Jeunesses nationalistes restent groupusculaires. Même si Alexandre Gabriac a réussi à rassembler 280 personnes, il le doit à des Suisses qui ont fait le voyage de Genève et, surtout, aux autres mouvances de la « droite de l’extrême droite » lyonnaise, très active depuis deux ans, dont des militants avaient fait le déplacement.

  • Le Groupe Union Défense (GUD) qui a été recréé à Lyon en septembre par un proche de Gabriac, Steven Bissuel. Le GUD a fait parler de lui lors de la rentrée de Bruno Gollnisch (cadre historique du FN) à Lyon-III. Mais aussi lors d’une manifestation devant les bureaux de France 3 fin décembre, au cri de « Christianophobie, ça suffit », suite à la diffusion d’un documentaire sur le Christ. Une personne se revendiquant du GUD a également été interpellée pour des tags néo-nazis, dans une commune du Nord du département du Rhône.
  • Les hooligans du stade de Gerland qui avaient comme local le Bunker Korps Lyon, fermé en mai dernier. L’un de leur leader, Renaud Mannheim, fait désormais partie de Troisième Voie, mouvement fondé par un ancien skinhead, Serge Ayoub, dont les cadres devaient se réunir à Crémieu (Nord de l’Isère) ce samedi.
  • Les Identitaires qui sont les plus nombreux, les plus actifs et les plus implantés grâce à leur local du Vieux Lyon. Le 14 mai dernier, ils organisaient un rassemblement place Saint-Jean en remplacement de la Marche des cochons. Une manifestation sauvage s’en est suivie : slogans islamophobes, saluts nazis et saccage de deux restaurants kebabs. Dernièrement, ils ont perturbé un concert de RESF.

Satisfait par sa capacité à mobiliser, Alexandre Gabriac a annoncé d’autres manifestations à venir : « nous avons montré que la jeunesse nationaliste unie tenait la rue et n’était pas prête de la déserter ».

Demande d’interdiction et hacking

En face, chez les militants antiracistes et antifascistes, on se demande comment contrer cet actvisme des groupuscules de la droite du FN.
Le Collectif 69 de Vigilance contre l’Extrême-Droite, qui regroupe une trentaine d’organisations de gauche*, a contre-manifesté. 1100 personnes ont marché de la Guillotière à Bellecour, dont plusieurs élus comme Philippe Meirieu (candidat d’Europe-Ecologie Les Verts), Nathalie Perrin-Gilbert, la maire socialiste du 1er arrondissement ou le premier adjoint au maire de Lyon, Jean-Louis Touraine (PS). Ils demandent la dissolution de ce groupuscule dont l’idéologie, disent-ils, « se rapproche de celle des régimes nazis et fascistes du siècle dernier », en se rendant bien compte que sans actes répréhensibles juridiquement imputables à ces groupes, « il reste difficile d’interdire un mouvement politique ».

Plus direct, des hackers « Anonymous-antifa », issus du mouvement des Anonymous, ont mis à mal, dans l’après-midi de samedi, trois sites d’extrême droite, dont deux de la mouvance nationaliste : « Le Cercle du Six février » et « Jeune Nation » d’Yvan Benedetti. Des listings de sympathisants et de militants avec leurs données personnelles ont été également piratés puis diffusés, notamment via Twitter. Une opération que ces hackers ont eux-même intitulée « Lyon propre ».

Selon Le Progrès (édition papier), quatre « antifascistes » ont été interpellés, dont trois qui auraient tenté d’approcher le cortège d’extrême droite et un pour le port d’une matraque télescopique.

> le 15 janvier à 20h24 : le porte-parole des Jeunes Identitaires lyonnais, Damien Rieu, a contacté Rue89Lyon pour déclarer « qu’il n’y avait aucun militants identitaires dans le cortège ». Nous maintenons nos informations sur la présence de certains de leurs militants,  même si l’organisation des Jeunes Identitaires n’appelait pas à manifester aux côtés des Jeunesses nationalistes.

*Collectif 69 de Vigilance contre l’Extrême-Droite : MFPF, RESF, CGA, CNT, Sud éducation, Solidaires, la CGT vinatier et CGT éducation, CRASS, PG, le PIR, NPA, GU, PS, PCF, SOS Racisme, LDH, le CRI, UJFP, Les Voraces, La Rafal, Résistance Citoyenne Ouest Lyonnais, Ras l’Front, MRAP, Jeunes Ecologistes


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