ne veulent pas lâcher et ont passé la nuit sans couverture, ni matelas, à même le carrelage.
Légende photo : occupation du centre social de Parilly, à Vénissieux, soirée du 10 novembre
Plaçons-nous du point de vue de la maire de Vénissieux. La communiste Michèle Picard.
Après avoir été expulsés d’un terrain où ils n’ont passé qu’une nuit, une quarantaine de Roms ont investi un des centres sociaux de sa ville pour lui demander un terrain afin d’y installer leurs caravanes.
Réponse négative. La maire n’est pas compétente en matière d’hébergement (c’est l’État, c’est à dire la préfecture) et, comme elle le déclare dans un communiqué envoyé dans la soirée, elle fait déjà beaucoup pour l’hébergement des sans-abri. Les Roms demandent, soutenus par une poignée d’associatifs (Ligue des Droits de l’Homme, Médecins du Monde, CLASSES, RESF) un hébergement temporaire. Nouveau refus :
« Je refuse d’être culpabilisée, manipulée, ballotée entre l’absolue nécessité de trouver des solutions humaines et dignes aux côtés des associations et l’impérieuse responsabilité d’assurer la sécurité de mes administrés, de faire respecter la loi avec la Préfecture ».
S’agit-il d’une « prise d’otage » ?
Michèle Picard se sent « prise en otage » par la situation. Les Roms devraient selon elle obtenir des places d’hébergement d’urgence comme le prévoit la loi. Or la préfecture n’active que très progressivement le Plan froid. Et tous les soirs dans l’agglomération lyonnaise il y a près de 400 personnes qui se retrouvent « sans solution » après avoir appelé le 115, comme le rappelaient hier soir des associations lors d’un rassemblement. Si ce n’est à la préfecture, Michèle Picard estime que c’est au Grand Lyon et au Conseil Général de se saisir de cette affaire :
« Depuis 2 ans, je demande l’organisation d’une table ronde, placée sous l’égide du Préfet, avec toutes les villes de l’agglomération, le Conseil général et le Grand Lyon, afin d’apporter aux 800 personnes Roms, en errance dans l’agglomération, une réponse décente et digne. Aujourd’hui se renvoyer la patate chaude ne sert à rien, ne sert personne, ni les associations, ni les villes, ni l’État et encore moins ces familles ».
Et malgré tout, on est venu frapper à sa porte hier. Elle est persuadée que ce sont les associations qui lui ont ramené les Roms. Et pour ne pas créer de précédents, elle a refusé jusque là toutes les propositions de sortie de crise proposées au cours de la journée et de la soirée, par les membres du conseil d’administration du centre social présents sur place : ni gymnase, ni foyer de journée pour retraités. Quarante Roms dont douze enfants ont donc dormi sur le carrelage dans une pièce unique de 50 m2, sans matelas, sans nourriture et avec quelques couvertures. Ce que la maire de Vénissieux appelle « assumer la situation d’urgence ». Elle a envoyé sur place deux vigiles pour la sécurité.
Pour la première fois, une action revendicative Rom
Plaçons-nous maintenant du point de vue de ceux qui occupent le centre social. Présents en France depuis 2007 voir 2002 (pour l’unique famille serbe), ces Roms de Roumanie n’ont connu que les squats ou les bidonvilles. Ils préfèrent maintenant vivre en caravane sur des terrains squattés, comme nous explique un des hommes du groupe, Floria :
« On vient de Bucarest. Là-bas, on vivait dans des petites maisons. Ici, j’appelle tous les jours le 115 mais on n’a pas de place. Les caravanes, c’est mieux pour rester tous ensemble. On est une grande famille ».
Ont-ils été emmenés au centre social par les associations, comme le sous-entend la maire ? « Ils voulaient aller à la mairie avec leur caravane pour demander un terrain mais on les en a dissuadés, répond un militant de la Ligue des Droits de l’Homme, car le commissariat est juste à côté »
Le centre social se situe en face du terrain où ils ont passé une nuit. Ils venaient de la rue de Surville (Lyon 8e) où la police les avait prévenu qu’ils avaient ordre de les expulser le jeudi. Ils y squattaient depuis trois mois. « Ils sont entrés dans le centre social d’abord parce qu’ils avaient froid », explique une salariée de Médecins du Monde. La directrice du centre social décrit la scène :
« Ils sont entrés pacifiquement dans le centre social. Ils voulaient un terrain de la mairie. Le centre social est là pour répondre aux besoins de toutes les populations. Nous les avons accueillis comme nous pouvons ».
Floria explique leur démarche : « nous sommes baladés d’un endroit à un autre. On va ici et la police nous dit de partir. On va là et on nous dit encore de partir. La mairie doit nous donner un terrain. On peut même payer un peu ». Floria explique qu’ils se débrouillent pour gagner un peu d’argent au noir 15 ou 20 euros par jour sur des chantiers ou dans le nettoyage. Ils ont des voitures et des caravanes.
La police dépêchée sur les lieux est repartie, en emmenant au passage quatre caravanes à la fourrière. La Croix-Rouge a pu emmener des repas à 21 heures. Le directeur de cabinet du maire était parti peu de temps avant, promettant que les Roms pouvaient rester jusqu’au lundi matin, à condition que les membres des associations restent. Ce qu’elles ont promis. Et puisqu’avec la maire, « il n’y a pas de dialogue », ils ont envoyé à leur tour un communiqué ce vendredi matin :
« Nos associations ont été appelées à l’aide par ces familles. Nous nous sommes retrouvés à gérer la situation d’une quarantaine de personnes, dont 14 enfants (un bébé de trois semaines) dans un local qui n’est pas prévu à cet usage. (…) En réponse à cette situation, la mairie de Vénissieux n’envisage que des concertations à long terme, nécessaires bien sûr, mais qui restent sans effet. Dans l’immédiat, la mairie n’a pas trouvé de solution auprès du 115 pour héberger ces familles dignement et ne propose rien. Elle contraint les associations à assumer – seules et sans moyen – la situation au risque qu’elle pourrisse ».
A 23 heures, la dizaine de bénévoles et salariés associatifs pouvaient partir. Les Roms sont restés sur le carrelage. Et aujourd’hui, à 14 heures, une dizaine de policiers de la PAF (Police de l’Air et des Frontières) et une interprète sont venus relever les identités de chacun. « Le préfet prépare des expulsions du territoire », commente une militante associative présente sur les lieux.
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